Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. et Mme A... B... ont demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler la délibération du 5 mars 2020 par laquelle le conseil municipal de la commune de Saint-Victor-Malescours a approuvé le plan local d'urbanisme ainsi que la décision de son maire rejetant leur recours gracieux.
Par un jugement n° 2001178 du 6 juillet 2021, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour
Par une requête et des mémoires enregistrés les 23 août 2021 et 3 janvier 2022, M. et Mme A... B..., représentés par la SELARL EBC Avocats, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 6 juillet 2021 ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions susmentionnées ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Victor-Malescours une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le jugement qui ne mentionne pas les dispositions législatives et réglementaires dont il a fait application méconnaît l'article R. 741-2 du code de justice administrative ;
- le public n'a pas été associé à la concertation en méconnaissance de l'article L. 103-2 du code de l'urbanisme ;
- l'avis rendu par le commissaire-enquêteur n'est pas motivé ;
- le classement de leur parcelle n'est pas cohérent avec les objectifs du projet d'aménagement et de développement durable ;
- ce classement est entaché d'erreur manifeste d'appréciation, d'erreur de droit, de détournement de pouvoir et de détournement de procédure.
Par des mémoires enregistrés les 18 octobre 2021 et 10 janvier 2022, la commune de Saint-Victor-Malescours, représentée par Me Boulloud, avocat, conclut :
- au rejet de la requête ;
- subsidiairement à ce qu'il soit sursis à statuer dans un délai raisonnable afin de lui permettre de régulariser l'illégalité entachant la révision du plan local d'urbanisme ;
- de mettre à la charge des requérants une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement vise les dispositions qu'il applique ;
- les modalités de la concertation avec le public ont été respectées ;
- le commissaire enquêteur, dans son rapport d'enquête, a personnellement répondu aux analyses et avis émis par le public ;
- le classement de la parcelle des requérants n'est pas incohérent avec le projet d'aménagement et de développement durable ;
- ce classement n'est entaché ni d'erreur de droit, ni d'erreur manifeste d'appréciation ;
- il n'est pas entaché de détournement de pouvoir ou de détournement de procédure.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Dèche, présidente assesseure ;
- et les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. Par une délibération du 26 octobre 2017, le conseil municipal de Saint-Victor-Malescours a engagé une procédure de révision du plan local d'urbanisme de la commune et a défini les modalités de la concertation avec le public. Le projet de plan local d'urbanisme a ensuite été arrêté par délibération du 19 septembre 2019, avant d'être soumis aux personnes publiques associées et à enquête publique. Ce plan a été adopté par délibération du 5 mars 2020. M. et Mme B..., propriétaires d'une parcelle, cadastrée section C n° 568, située 4 rue de la Source, ont formé, le 27 avril 2020, un recours gracieux à l'encontre de cette délibération, qui a été implicitement rejeté par le maire. M. et Mme B... relèvent appel du jugement du 6 juillet 2021 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la délibération du 5 mars 2020 et du rejet implicite de leur recours gracieux.
Sur la régularité du jugement :
2. L'article R. 741-2 du code de justice administrative dispose que la décision rendue par une juridiction administrative " contient (...) les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application. (...) ".
3. Si les visas du jugement attaqué font mention sans davantage de précision du code de l'environnement, du code de l'urbanisme et du code général des collectivités territoriales, les motifs de ce jugement reproduisent le texte des dispositions pertinentes de ces différents codes dont le tribunal a fait application. Le jugement satisfait ainsi aux dispositions précitées.
Sur le bien-fondé du jugement :
4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 103-2 du code de l'urbanisme, dans sa version applicable au litige : " Font l'objet d'une concertation associant, pendant toute la durée de l'élaboration du projet, les habitants, les associations locales et les autres personnes concernées : /1° L'élaboration ou la révision (...) du plan local d'urbanisme ; (...) " et aux termes de l'article L. 103-3 de ce code : " Les objectifs poursuivis et les modalités de la concertation sont précisés par : (...) / 2° L'organe délibérant de la collectivité ou de l'établissement public dans les autres cas. (...) ". Aux termes de l'article L. 153-11 du même code dans sa rédaction alors en vigueur : " L'autorité compétente mentionnée à l'article L. 153-8 prescrit l'élaboration du plan local d'urbanisme et précise les objectifs poursuivis et les modalités de concertation, conformément à l'article L. 103-3. ". Enfin aux termes de l'article L. 600-11 du même code : " Les documents d'urbanisme et les opérations mentionnées aux articles L. 103-2 et L. 300-2 ne sont pas illégaux du seul fait des vices susceptibles d'entacher la concertation, dès lors que les modalités définies aux articles L. 103-1 à L. 103-6 et par la décision ou la délibération prévue à l'article L. 103-3 ont été respectées. (...) ".
5. Il résulte de ces dispositions que l'adoption ou la révision du plan local d'urbanisme doit être précédée d'une concertation associant les habitants, les associations locales et les autres personnes concernées. L'organe délibérant de la collectivité ou de l'établissement public doit, avant que ne soit engagée la concertation, délibérer, d'une part, et au moins dans leurs grandes lignes, sur les objectifs poursuivis par la commune ou l'intercommunalité en projetant d'élaborer ou de réviser ce document d'urbanisme, et, d'autre part, sur les modalités de la concertation. Si cette délibération est susceptible de recours devant le juge de l'excès de pouvoir, son illégalité ne peut, en revanche, eu égard à son objet et à sa portée, être utilement invoquée contre la délibération approuvant le plan local d'urbanisme. Les irrégularités ayant affecté le déroulement de la concertation au regard des modalités définies par la délibération prescrivant la révision du document d'urbanisme demeurent par ailleurs invocables à l'occasion d'un recours contre le plan local d'urbanisme approuvé.
6. La délibération du 26 octobre 2017, par laquelle le conseil municipal de Saint-Victor-Malescours a prescrit l'élaboration du plan local d'urbanisme de la commune a fixé, par son article 3, la mise en œuvre de la concertation préalable, au titre de laquelle elle a notamment prévu la mise à disposition du public en mairie, d'un registre de concertation et de documents d'étude, la rédaction d'articles au sein du bulletin municipal consultable sur le site internet de la commune ainsi que l'animation d'une réunion publique de concertation.
7. Si les requérants soutiennent que ces dernières modalités de la concertation n'ont pas été respectées, il ressort de la délibération du conseil municipal de Saint-Victor-Malescours du 19 septembre 2019, tirant le bilan de la concertation et arrêtant le projet de plan, que les démarches ont été mises en œuvre conformément aux modalités définies par la délibération du 26 octobre 2017. Le rapport d'enquête publique fait également état de la réalisation de ces modalités et indique que le registre de concertation a été mis à la disposition du public, en mairie, dès 2017 et qu'y figurait notamment la synthèse du diagnostic du projet d'aménagement et de développement durable, que le 29 janvier 2018, une rencontre a été organisée avec la commission agricole comprenant l'ensemble des agriculteurs de la commune, que le 27 novembre 2018, s'est tenue la réunion publique de concertation qui avait été annoncée via le bulletin municipal, sur le site internet de la commune, par affichage en mairie et voie de presse et qui a permis notamment de présenter le plan local d'urbanisme, la concertation et la procédure de révision en cours, que des informations et publications d'articles sur le plan local d'urbanisme sont parues dans les bulletins municipaux n° 34, 35 et 36 en 2017 et 2018 ainsi que sur le site internet de la commune. Si les requérants font valoir qu'une seule observation a été inscrite dans le registre de concertation, cette seule circonstance ne suffit pas à démontrer que cette concertation n'a pas été mise en œuvre. Le moyen tiré du non-respect des modalités de la concertation doit donc être écarté.
8. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 123-15 du code de l'environnement : " Le commissaire enquêteur ou la commission d'enquête rend son rapport et ses conclusions motivées dans un délai de trente jours à compter de la fin de l'enquête. (...) Le rapport doit faire état des observations et propositions qui ont été produites pendant la durée de l'enquête ainsi que des réponses éventuelles du maître d'ouvrage. / Le rapport et les conclusions motivées sont rendus publics par voie dématérialisée sur le site internet de l'enquête publique et sur le lieu où ils peuvent être consultés sur support papier. (...) ". Aux termes de l'article R. 123-19 du même code : " Le commissaire enquêteur ou la commission d'enquête établit un rapport qui relate le déroulement de l'enquête et examine les observations recueillies. / Le rapport comporte le rappel de l'objet du projet, plan ou programme, la liste de l'ensemble des pièces figurant dans le dossier d'enquête, une synthèse des observations du public, une analyse des propositions produites durant l'enquête et, le cas échéant, les observations du responsable du projet, plan ou programme en réponse aux observations du public. / Le commissaire enquêteur ou la commission d'enquête consigne, dans une présentation séparée, ses conclusions motivées, en précisant si elles sont favorables, favorables sous réserves ou défavorables au projet. (...) ".
9. Si le commissaire enquêteur n'est pas tenu de répondre à chacune des observations formulées durant l'enquête publique, ces dispositions lui imposent d'indiquer, au moins sommairement, en tenant compte des principales observations et en donnant son avis personnel, les raisons qui déterminent le sens de ses conclusions. L'irrégularité de l'enquête publique n'est de nature à vicier la procédure et à entacher d'illégalité la décision prise à l'issue de l'enquête publique que si elle a pu avoir pour effet de nuire à l'information du public ou si elle a été de nature à exercer une influence sur cette décision.
10. Il ressort des pièces du dossier que le commissaire enquêteur a examiné dans son rapport les observations formulées par le public, en en donnant la teneur, avant de formuler ses propres remarques et de leur apporter une réponse. Si les requérants reprochent au commissaire-enquêteur de ne pas avoir examiné leur demande concernant le classement de leur parcelle, il ressort du rapport d'enquête publique que le commissaire enquêteur a précisé qu'il était favorable au maintien du zonage prévu " cette modification pourra être étudiée lors du prochain PLU ". Par ailleurs, il n'appartient pas au juge d'apprécier le bien-fondé de l'avis personnel émis par le commissaire-enquêteur sur le projet soumis à enquête publique. Les requérants ne peuvent ainsi utilement soutenir que l'appréciation du commissaire-enquêteur serait erronée notamment en ce qu'elle ne répond pas favorablement à leurs observations. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées du code de l'urbanisme doit, dès lors, être écarté.
11. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 151-8 du code de l'urbanisme : " Le règlement fixe, en cohérence avec le projet d'aménagement et de développement durables, les règles générales et les servitudes d'utilisation des sols permettant d'atteindre les objectifs mentionnés aux articles L. 101-1 à L. 101-3 ".
12. Pour apprécier la cohérence ainsi exigée au sein du plan local d'urbanisme entre le règlement et le projet d'aménagement et de développement durables, il appartient au juge administratif de rechercher, dans le cadre d'une analyse globale le conduisant à se placer à l'échelle du territoire couvert par le document d'urbanisme, si le règlement ne contrarie pas les orientations générales et objectifs que les auteurs du document ont définis dans le projet d'aménagement et de développement durables, compte tenu de leur degré de précision. Par suite, l'inadéquation d'une disposition du règlement du plan local d'urbanisme à une orientation ou un objectif du projet d'aménagement et de développement durables ne suffit pas nécessairement, compte tenu de l'existence d'autres orientations ou objectifs au sein de ce projet, à caractériser une incohérence entre ce règlement et ce projet.
13. Le projet d'aménagement et de développement durables de Saint Victor-Malescours qui s'établit à horizon 2030 s'articule autour des deux thématiques " Préserver le caractère rural de Saint Victor-Malescours " et " Assurer un développement urbain dans ce contexte paysager ". Pour assurer la réalisation de cette seconde thématique, ce document prévoit de " Privilégier un développement urbain autour du Bourg ". Toutefois, ce document prévoit également que la réalisation de cet objectif doit se faire en préservant " les façades bâties de qualité du bourg historique ", notamment en valorisant la qualité de leur vue en entrée de ville.
14. Il ressort des pièces du dossier que la partie nord de la parcelle des requérants cadastrée section C n°568 qui a été classée en zone naturelle ne comporte aucune construction. Contrairement à ce que soutiennent les requérants, elle ne constitue pas une dent creuse et forme avec les autres fonds de parcelles voisines, une bande naturelle s'ouvrant sur de larges espaces naturels et agricoles. Elle présente ainsi un intérêt paysager qui permet de préserver la façade Est du bourg. Dans ces conditions, eu égard notamment à la localisation particulière de cette parcelle en entrée de ville, ainsi qu'à ses caractéristiques, le règlement du plan local d'urbanisme de Saint-Victor-Malescours, en tant qu'il classe une partie de cette parcelle en zone naturelle, n'apparaît pas incohérent avec les orientations générales et les objectifs définis dans le projet d'aménagement et de développement durables de ce plan.
15. En dernier lieu, aux termes de l'article R. 151-24 du code de l'urbanisme : " Les zones naturelles et forestières sont dites "zones N". Peuvent être classés en zone naturelle et forestière les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison : / a) Soit de la qualité des sites, milieux et espaces naturels, des paysages et de leur intérêt, notamment du point de vue esthétique, historique ou écologique ; / b) Soit de l'existence d'une exploitation forestière ; / c) Soit de leur caractère d'espaces naturels. (...) ".
16. Il appartient aux auteurs d'un plan local d'urbanisme de déterminer le parti d'aménagement à retenir pour le territoire concerné par le plan, en tenant compte de la situation existante et des perspectives d'avenir, et de fixer en conséquence le zonage et les possibilités de construction. Ils peuvent être amenés, à cet effet, à classer en zone naturelle, pour les motifs énoncés par les dispositions réglementaires évoquées au point précédent, un secteur qu'ils entendent soustraire, pour l'avenir, à l'urbanisation. Leur appréciation sur ces différents points ne peut être censurée par le juge administratif qu'au cas où elle serait entachée d'une erreur manifeste ou fondée sur des faits matériellement inexacts.
17. Ainsi qu'il a été dit, il ressort des pièces du dossier que le nord de la parcelle section C n°568 est non bâti et forme avec les autres fonds de parcelles voisines, une bande naturelle s'ouvrant sur de larges espaces naturels et agricoles. Les requérants ne font état d'aucun élément probant de nature à établir que ce terrain non bâti serait dépourvu de tout intérêt paysager et notamment que son classement en zone N ne serait motivé que par le souhait de créer une " bande tampon " avec la salle des fêtes située sur une parcelle voisine. Au regard de l'ensemble des orientations et des objectifs du projet d'aménagement et de développement durables rappelés ci-dessus, des caractéristiques de la parcelle en cause ainsi que de sa localisation particulière, les auteurs du plan local d'urbanisme de Saint-Victor-Malescours n'ont pas commis d'erreur manifeste d'appréciation ou d'erreur de droit en classant une partie de cette parcelle en zone N, et ce quand bien même ce terrain serait desservi par les réseaux et situé à proximité de terrains classés en zone urbaine. Pour les mêmes motifs, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que ce classement serait entaché de détournement de pouvoir ou de détournement de procédure.
18. Il résulte de ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté leur demande.
Sur les frais liés au litige :
19. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que les requérants demandent sur leur fondement soit mise à la charge de la commune de Saint-Victor-Malescours qui n'est pas partie perdante dans la présente instance.
20. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions du même article, de mettre à la charge des requérants le versement d'une somme de 2 000 euros à la commune de Saint-Victor-Malescours, au titre des frais exposés à l'occasion du litige.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme B... est rejetée.
Article 2 : M. et Mme B... verseront une somme de 2 000 euros à la commune de Saint-Victor-Malescours au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A... B... et à la commune de de Saint-Victor-Malescours.
Délibéré après l'audience du 20 janvier 2022 à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme Dèche, présidente assesseure,
Mme Le Frapper, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 février 2022.
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N° 21LY02844