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10/02/2022 | FRANCE | N°21LY02759

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 10 février 2022, 21LY02759


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler les décisions du 18 janvier 2021 par lesquelles le préfet de la Haute-Loire l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de 90 jours, a fixé le pays de renvoi et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de douze mois.

Par un jugement n° 2100739 du 5 juillet 2021, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande

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Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 6 août 2021, Mme B......

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler les décisions du 18 janvier 2021 par lesquelles le préfet de la Haute-Loire l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de 90 jours, a fixé le pays de renvoi et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de douze mois.

Par un jugement n° 2100739 du 5 juillet 2021, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 6 août 2021, Mme B..., représentée par Me Bourg, avocate, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 5 juillet 2021 ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions susmentionnées ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Loire de supprimer le signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen la concernant ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros, au profit de son conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- le tribunal a omis de statuer sur les moyens tirés de l'insuffisance de motivation de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français et de la décision fixant le pays de renvoi ;

- la décision fixant le pays de renvoi est insuffisamment motivée et le préfet n'a pas procédé à un examen sérieux de sa situation personnelle ;

- elle méconnait l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'interdiction de retour sur le territoire français est insuffisamment motivée.

Par un mémoire enregistré le 29 décembre 2021, le préfet de la Haute-Loire conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Par décision du 15 décembre 2021, le bureau d'aide juridictionnelle a rejeté la demande d'aide juridictionnelle présentée Mme B... ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Dèche, présidente assesseure ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., de nationalité kosovare, née le 14 janvier 1973, est entrée irrégulièrement en France, le 6 janvier 2020. Sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, le 12 décembre 2020. Par décisions du 18 janvier 2021, le préfet de la Haute-Loire l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de 90 jours, a fixé le pays de renvoi et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de douze mois. Mme B... relève appel du jugement du 5 juillet 2021 par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.

Sur la régularité du jugement :

2. Devant le tribunal administratif, Mme B... invoquait des moyens tirés du défaut de motivation de la décision fixant le pays de renvoi et de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an. Le tribunal administratif n'a pas répondu à ces moyens qui n'étaient pas inopérants. Dès lors, en tant qu'il statue sur les conclusions de Mme B... dirigées contre les décisions du préfet de la Haute-Loire fixant le pays de renvoi et lui faisant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an, le jugement est irrégulier et doit être annulé dans cette mesure.

3. Il y a lieu pour la cour, avant de se prononcer par la voie de l'évocation sur les décisions fixant le pays de renvoi et portant interdiction de retour sur le territoire français, de statuer par l'effet dévolutif de l'appel sur les autres conclusions.

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

4. Mme B... ne soulève, en appel, aucun moyen à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision de 18 janvier 2021 par laquelle le préfet de la Haute-Loire lui a fait obligation de quitter le territoire français.

Sur la légalité de la décision fixant le pas de renvoi :

5. En premier lieu, la décision fixant le pays de renvoi vise notamment les dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et celles de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Elle rappelle la nationalité de l'intéressée et indique qu'elle n'établit pas qu'elle serait exposée à des peines ou traitements inhumains ou dégradants en cas de retour au Kosovo. Ainsi, cette décision comprend les considérations en droit et en fait qui la fondent. Par suite, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que cette décision n'est pas suffisamment motivée. La requérante n'est pas plus fondée à soutenir que le préfet n'aurait pas procédé à un examen sérieux de sa situation personnelle.

6. En deuxième lieu, d'une part, contrairement à ce que soutient la requérante, l'obligation de quitter le territoire français est suffisamment motivée en droit et en fait. D'autre part, il ne ressort pas des pièces du dossier que les deux enfants mineurs A... la requérante ne pourraient poursuivre une scolarité normale au Kosovo et que l'obligation de quitter le territoire français méconnaitrait de ce fait, les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant. Enfin, il n'apparaît pas que le préfet aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette mesure d'éloignement sur la situation personnelle de l'intéressée. Par suite, la requérante n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de cette mesure d'éloignement.

7. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. " et aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

8. La requérante fait valoir qu'elle craint pour sa sureté et sa vie en cas de retour au Kosovo du fait d'un conflit opposant sa famille à une autre famille. Toutefois, et d'ailleurs, ses allégations ont été regardées par l'office français de protection des réfugiés et des apatrides comme étant dépourvues de tout justificatif probant, les certificats médicaux produits par l'intéressée ne sont pas de nature à établir l'existence de menaces à son encontre et de risques en cas de retour au Kosovo. Par suite les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés.

Sur la légalité de l'interdiction de retour sur le territoire français :

9. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans ses dispositions en vigueur à la date de la décision attaquée : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. / (...) / Lorsqu'elle ne se trouve pas en présence du cas prévu au premier alinéa du présent III, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée maximale de deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. / (...) / La durée de l'interdiction de retour mentionnée au premier alinéa du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. ".

10. En premier lieu, la décision contestée vise les dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sur lesquelles elle se fonde et précise que Mme B... est présente depuis moins d'un an, que plusieurs membres de sa famille font l'objet de mesures d'éloignement et qu'elle peut poursuivre sa vie privée et familiale au Kosovo. Dans ces conditions, le moyen tiré du défaut de motivation doit être écarté.

11. En deuxième lieu, compte tenu de ce qui précède, la requérante n'est pas fondée à invoquer, par voie d'exception, l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'interdiction de retour sur le territoire français.

12. En dernier lieu, il ressort de la décision litigieuse que, conformément aux dispositions précitées, le préfet de la Haute-Loire a assorti sa décision d'obligation de quitter le territoire français dans un délai de 90 jours, d'une interdiction de retour " d'une durée de 12 mois à compter de l'exécution de la présente obligation ". Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté.

13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est fondée ni à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 18 janvier 2021 par laquelle le préfet de la Haute-Loire l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de 90 jours, ni à demander l'annulation des décisions du même jour fixant le pays de renvoi et portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

14. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles de son conseil tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2100739 du 5 juillet 2021 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand est annulé en tant qu'il rejette les conclusions de Mme B... à l'encontre des décisions du préfet de la Haute-Loire du 18 janvier 2021 fixant le pays de renvoi et portant interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an.

Article 2 : Les conclusions présentées par Mme B... devant le tribunal administratif et dirigées contre les décisions du préfet de la Haute-Loire du 18 janvier 2021 fixant le pays de renvoi et portant interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an sont rejetées.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Loire.

Délibéré après l'audience du 20 janvier 2022 à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Dèche, présidente assesseure,

Mme Le Frapper, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 février 2022.

2

N° 21LY02759


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY02759
Date de la décision : 10/02/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Pascale DECHE
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : AD'VOCARE

Origine de la décision
Date de l'import : 22/02/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-02-10;21ly02759 ?
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