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10/02/2022 | FRANCE | N°21LY02026

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 10 février 2022, 21LY02026


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... a demandé au président du tribunal administratif de Grenoble d'annuler les arrêtés du 26 avril 2021 par lesquels le préfet de l'Isère lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement, a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de six mois, et a ordonné son assignation à résidence dans le département de l'Isère pour une durée renouvelable de quarante-cinq jours, d'enjoindre au préf

et de l'Isère de lui délivrer un titre de séjour ou de réexaminer sa demande et de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... a demandé au président du tribunal administratif de Grenoble d'annuler les arrêtés du 26 avril 2021 par lesquels le préfet de l'Isère lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement, a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de six mois, et a ordonné son assignation à résidence dans le département de l'Isère pour une durée renouvelable de quarante-cinq jours, d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer un titre de séjour ou de réexaminer sa demande et de mettre fin à son signalement dans le système d'information Schengen, et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais liés au litige.

Par un jugement n° 2102695 du 30 avril 2021, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 18 juin 2021, M. B..., représenté par Me Huard, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir les arrêtés du 26 avril 2021 du préfet de l'Isère ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de réexaminer sa situation en lui délivrant dans l'attente une autorisation provisoire de séjour, et de mettre fin à son signalement dans le système d'information Schengen ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'obligation de quitter le territoire français, l'absence de délai de départ volontaire et l'interdiction de retour portent atteinte à l'intérêt supérieur de ses enfants, en méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- ces décisions portent une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il reprend en outre l'intégralité de ses moyens de première instance.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 juillet 2021, le préfet de l'Isère conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 2 juin 2021.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de Mme Le Frapper, première conseillère, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant d'Albanie né le 29 janvier 1988, a déclaré être entré pour la dernière fois en France, irrégulièrement, au cours de l'année 2017, afin de demander une protection internationale qui ne lui a pas été accordée. A l'issue d'une vérification de son droit au séjour, le préfet de l'Isère, par un arrêté du 26 avril 2021 pris sur le fondement du 1° du I de l'article L. 511-1 alors applicable du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français à destination du pays dont il a la nationalité et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de 6 mois. Par un second arrêté du même jour, il l'a assigné à résidence dans le département de l'Isère. M. B... relève appel du jugement du 30 avril 2021 par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de ces arrêtés.

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

2. En premier lieu, M. B... reprend en appel les moyens tirés de l'insuffisante motivation de la mesure d'éloignement et de la méconnaissance de son droit d'être entendu, qui est au nombre des principes fondamentaux du droit de l'Union européenne. Il y a lieu pour la cour d'écarter ces moyens par adoption des motifs pertinents retenus par le premier juge.

3. En deuxième lieu, il ne ressort ni des termes de la décision attaquée, ni des pièces du dossier que le préfet, qui n'était pas tenu de faire état de l'ensemble des éléments caractérisant la situation du requérant, n'aurait pas procédé à un examen particulier de sa situation personnelle.

4. En dernier lieu, aux termes, d'une part, de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

5. Aux termes, d'autre part, de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir et sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale, dans toutes les décisions les concernant, à l'intérêt supérieur des enfants.

6. M. B... n'était présent sur le territoire français que depuis moins de quatre ans à la date de la décision attaquée, après avoir vécu l'essentiel de son existence en Albanie, où il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il serait dépourvu d'attaches, et où il n'est pas démontré que la cellule familiale qu'il forme avec son épouse, également en situation irrégulière, et leurs deux enfants mineurs ne pourrait se reconstituer, en l'absence de tout élément circonstancié au soutien des allégations du requérant quant aux risques qu'il prétend encourir en cas de retour. La participation ponctuelle à quelques activités bénévoles et l'attention portée à la scolarité des enfants ne sauraient par ailleurs suffire à caractériser une intégration suffisante en France. Si M. B... se prévaut en outre de la scolarisation en France de ses enfants, qui présentent des troubles cognitifs et attentionnels ayant justifié pour l'un d'eux une orientation en unité localisée pour l'inclusion scolaire, il ne ressort ni d'un mémoire du Défenseur des droits, produit dans une autre instance, relatif à une situation de handicap sans rapport avec les troubles présentés par les enfants du requérant, ni d'un rapport de l'Unicef évoquant de manière générale les situations de handicap sans traiter spécifiquement les troubles attentionnels ou cognitifs, ni d'une attestation de l'orthophoniste en charge du suivi de l'enfant, insuffisamment circonstanciée quant à l'inaccessibilité alléguée en Albanie des adaptations pédagogiques nécessaires, que la scolarisation des enfants du requérant ne pourrait se poursuivre normalement en Albanie. Par suite, la mesure d'éloignement n'a pas porté d'atteinte disproportionnée au droit de M. B... au respect de sa vie privée et familiale, eu égard aux buts poursuivis par la mesure, et n'a pas davantage méconnu l'intérêt supérieur de ses enfants, qui ne seront pas séparés de leurs parents. Elle ne méconnaît dès lors pas l'article 8 précité de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. Elle ne procède pas, pour les mêmes motifs, d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle du requérant.

Sur la légalité de la décision refusant un délai de départ volontaire :

7. En premier lieu, la décision refusant à M. B... un délai de départ volontaire est motivée en droit par le visa des a), b), d) et f) du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et comporte un considérant spécifique de motivation en fait du risque de soustraction à la mesure d'éloignement qui relève notamment que le requérant ne justifie pas des conditions de son entrée en France, qu'il est dépourvu de document transfrontière en cours de validité, et qu'il ne justifie d'aucune circonstance particulière. Elle est, par suite, suffisamment motivée.

8. En deuxième lieu, il ne ressort ni des termes de la décision attaquée, ni des pièces du dossier que le préfet n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation personnelle de M. B....

9. En troisième lieu, M. B... reprend en appel son moyen contestant l'appréciation portée par le préfet sur la nécessité de le priver de délai de départ volontaire, eu égard à sa situation personnelle. Il y a lieu pour la cour d'adopter les motifs pertinents retenus par le premier juge pour écarter ce moyen.

10. En dernier lieu, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doivent être écartés pour les mêmes motifs que précédemment.

Sur la légalité de l'interdiction de retour sur le territoire français :

11. En premier lieu, M. B... reprend en appel les moyens tirés de l'insuffisante motivation de cette décision et d'un défaut d'examen, au regard notamment des quatre critères énumérés par la loi, ainsi que de l'exception d'illégalité des deux décisions précédentes. Il y a toutefois lieu pour la cour d'écarter ces moyens par adoption des motifs pertinents retenus par le premier juge.

12. En deuxième lieu, eu égard à la faible durée de présence en France de M. B... et de sa famille, qui ne justifie pas y avoir construit d'attaches particulières, et à la circonstance qu'il a déjà fait l'objet d'une mesure d'éloignement, le préfet de l'Isère n'a commis aucune erreur d'appréciation en fixant à 6 mois la durée de l'interdiction de retour prononcée à l'encontre du requérant.

13. En dernier lieu, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doivent être écartés pour les mêmes motifs que précédemment.

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

14. M. B... reprend en appel le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il y a toutefois lieu pour la cour d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinents retenus par le premier juge.

Sur la légalité de l'assignation à résidence :

15. M. B... reprend en appel l'intégralité de ses moyens de première instance, tirés de l'insuffisance de motivation de l'arrêté en litige, du défaut d'examen particulier de sa situation, de l'exception d'illégalité, et de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en l'absence de perspective raisonnable d'éloignement compte tenu de la situation sanitaire. Il y a toutefois lieu pour la cour d'écarter l'ensemble de ces moyens par adoption des motifs retenus à bon droit par le premier juge.

16. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses demandes. Ses conclusions à fin d'injonction doivent en conséquence être également rejetées.

Sur les frais liés au litige :

17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse au conseil de M. B... la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 20 janvier 2022, à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Dèche, présidente assesseure,

Mme Le Frapper, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 10 février 2022.

2

N° 21LY02026


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY02026
Date de la décision : 10/02/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Mathilde LE FRAPPER
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : HUARD

Origine de la décision
Date de l'import : 22/02/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-02-10;21ly02026 ?
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