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10/02/2022 | FRANCE | N°21LY01682

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 10 février 2022, 21LY01682


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Dijon de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2015.

Par un jugement n° 2000047 du 26 mars 2021, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

M. B..., représenté par la SCP Nataf et Planchat, a saisi la cour d'une requête, enregistrée le 31 mai 2021, dirigée contre le jugement du 26 mars 2021 du

tribunal administratif de Dijon.

Par un mémoire distinct, enregistré le 30 septembre 2021, e...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Dijon de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2015.

Par un jugement n° 2000047 du 26 mars 2021, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

M. B..., représenté par la SCP Nataf et Planchat, a saisi la cour d'une requête, enregistrée le 31 mai 2021, dirigée contre le jugement du 26 mars 2021 du tribunal administratif de Dijon.

Par un mémoire distinct, enregistré le 30 septembre 2021, et un mémoire complémentaire, enregistré le 2 novembre 2021, M. B..., représenté par la SCP Nataf et Planchat, demande à la cour, en application des articles 23-1 et 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958, de transmettre au Conseil d'Etat, aux fins de renvoi au Conseil constitutionnel, la question de la conformité à la Constitution du III de l'article 55 de la loi n° 2017-1175 de finances rectificative du 28 décembre 2017.

Il soutient que :

- le III de l'article 55 de la loi de finances rectificative du 28 décembre 2017 méconnaît le principe constitutionnel de rétroactivité in mitius de la loi pénale plus douce découlant de l'article 8 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen en ce qu'il prévoit que le nouveau taux de 0,20 % est applicable aux seuls intérêts courus à compter du 1er janvier 2018 ;

- le caractère excessif d'un taux d'intérêt de retard mensuel de 0,5 % a été considéré comme contraire à la Loi fondamentale de la République fédérale d'Allemagne par la Cour constitutionnelle fédérale allemande dans un arrêt du 8 juillet 2021.

Par un mémoire, enregistré le 29 octobre 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que la question est dépourvue de caractère sérieux dès lors que le principe de non rétroactivité des lois n'a valeur constitutionnelle qu'en matière répressive alors que l'intérêt de retard prévu à l'article 1727 du code général des impôts constitue une simple réparation pécuniaire.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- la loi n° 2017-1775 du 28 décembre 2017 ;

- le décret n° 2010-148 du 16 février 2010 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Caraës, première conseillère,

- et les conclusions de Mme Vinet, rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article 61-1 de la Constitution : " Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé. Une loi organique détermine les conditions d'application du présent article ". L'article 23-1 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, modifiée par la loi organique du 10 décembre 2009 relative à l'application de l'article 61-1 précité de la Constitution, dispose que : " Devant les juridictions relevant du Conseil d'Etat, (...) le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution est, à peine d'irrecevabilité, présenté dans un écrit distinct et motivé (...) ". Enfin, aux termes de l'article 23-2 de la même ordonnance : " La juridiction statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'Etat (...). Il est procédé à cette transmission si les conditions suivantes sont remplies : 1° La disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure, ou constitue le fondement des poursuites ; 2° Elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances ; 3° La question n'est pas dépourvue de caractère sérieux. En tout état de cause, la juridiction doit, lorsqu'elle est saisie de moyens contestant la conformité d'une disposition législative, d'une part, aux droits et libertés garantis par la Constitution et, d'autre part, aux engagements internationaux de la France, se prononcer par priorité sur la transmission de la question de constitutionnalité au Conseil d'Etat (...) Le refus de transmettre la question ne peut être contesté qu'à l'occasion d'un recours contre la décision réglant tout ou partie du litige ".

2. Il résulte des dispositions combinées des premiers alinéas des articles 23-1 et 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel que la cour administrative d'appel, saisie d'un moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, présenté dans un mémoire distinct et motivé, statue par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'Etat et procède à cette transmission si est remplie la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question ne soit pas dépourvue de caractère sérieux.

3. Aux termes de l'article 1727 du code général des impôts : " I. - Toute créance de nature fiscale, dont l'établissement ou le recouvrement incombe aux administrations fiscales, qui n'a pas été acquittée dans le délai légal donne lieu au versement d'un intérêt de retard. A cet intérêt s'ajoutent, le cas échéant, les sanctions prévues au présent code. (...) ". Le taux de l'intérêt de retard, fixé à 0,40 % par mois par le III de cet article jusqu'au 31 décembre 2017, a été ramené à 0,20 % par mois par l'article 55 de la loi du 28 décembre 2017 de finances rectificative pour 2017, dont le III précise que ce nouveau taux s'applique aux intérêts courant du 1er janvier 2018 au 31 décembre 2020.

4. Par sa décision n° 438849 du 22 juillet 2020, le Conseil d'État a rappelé, en premier lieu, que l'intérêt de retard institué par ces dispositions vise essentiellement à réparer les préjudices de toute nature subis par l'Etat à raison du non-respect par les contribuables de leurs obligations de déclarer et payer l'impôt aux dates légales. Il a jugé, en second lieu, que si, ainsi qu'il ressort d'ailleurs des travaux préparatoires ayant précédé l'adoption des dispositions de la loi du 28 décembre 2017 contestées devant lui, l'évolution des taux du marché a conduit, dans les années précédant sa réduction, à une hausse relative de cet intérêt par rapport à ces derniers et en particulier aux taux pratiqués lors de la souscription des emprunts de l'Etat, cette circonstance ne lui confère pas pour autant la nature d'une sanction, dès lors que son niveau n'est pas devenu manifestement excessif au regard du taux moyen pratiqué par les prêteurs privés pour un découvert non négocié. Le Conseil d'État a en conséquence estimé qu'il n'y avait pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée.

5. Dans la mesure où la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'article 55 de la loi du 28 décembre 2017 de finances rectificative pour 2017 invoquée par M. B... dans son mémoire distinct enregistré le 30 septembre 2021 se présente dans les mêmes termes que celle soumise au Conseil d'État, à l'exception du moyen tiré de ce que la Cour constitutionnelle fédérale allemande a, dans un arrêt du 8 juillet 2021, jugé que les intérêts de retard mensuel de 0,50 % sur les arriérés d'impôts présentent un caractère excessif et sont contraires à la Loi fondamentale de la République fédérale d' Allemagne, lequel est inopérant, la question prioritaire de constitutionnalité soulevée, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux. Par suite, il n'y a pas lieu de la renvoyer au Conseil d'Etat.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. B....

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Délibéré après l'audience du 13 janvier 2022, à laquelle siégeaient :

Mme Evrard, présidente de la formation de jugement,

Mme Caraës, première conseillère,

Mme Lordonné, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 10 février 2022.

2

N° 21LY01682


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY01682
Date de la décision : 10/02/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-06-01 Contributions et taxes. - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. - Questions communes.


Composition du Tribunal
Président : Mme EVRARD
Rapporteur ?: Mme Rozenn CARAËS
Rapporteur public ?: Mme VINET
Avocat(s) : NATAF et PLANCHAT

Origine de la décision
Date de l'import : 22/02/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-02-10;21ly01682 ?
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