Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler l'arrêté du 25 octobre 2018 par lequel le préfet du Puy-de-Dôme a refusé de l'admettre au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, lui a accordé un délai de départ volontaire de trente jours et a fixé le pays de destination.
Le 6 mars 2019, le préfet du Puy-de-Dôme a informé le tribunal de la notification à M. B... d'une décision portant assignation à résidence prise le 5 mars 2019.
Par un jugement n° 1802386 du 8 mars 2019, le magistrat désigné du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a renvoyé à une formation collégiale les conclusions dirigées contre l'arrêté du 25 octobre 2018 en tant qu'il porte refus de titre de séjour, annulé les décisions portant obligation de quitter le territoire français, fixant le pays de destination et assignant l'intéressé à résidence et rejeté le surplus de ses conclusions.
Par un jugement n° 1802386 du 31 décembre 2020, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté la demande de M. B... tendant à l'annulation de l'arrêté du 25 octobre 2018 en tant qu'il porte refus de titre de séjour.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 8 mars 2021, M. B..., représenté par Me Paccard, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1802386 du 31 décembre 2020 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Puy-de-Dôme du 25 octobre 2018 en tant qu'il porte refus de titre de séjour ;
3°) d'enjoindre au préfet du Puy-de-Dôme de lui délivrer un titre de séjour, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte de 15 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
Sur la régularité du jugement :
- le tribunal administratif n'a pas répondu à l'ensemble de ses moyens ;
Sur la légalité de la décision portant refus de titre de séjour :
- son droit d'être entendu a été méconnu ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation ;
- la décision attaquée est entachée d'erreur de fait dès lors qu'elle fait état d'un avis émis par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le 12 septembre 2018 ;
- la décision attaquée méconnaît le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
La requête a été communiquée au préfet du Puy-de-Dôme qui n'a pas présenté d'observations.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 13 octobre 2021.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;
La présidente de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique, le rapport de Mme Evrard, présidente-assesseure ;
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., ressortissant kosovar né le 3 mars 1980 est entré en France au mois d'août 2016, selon ses déclarations, et a sollicité la reconnaissance du statut de réfugié. Sa demande a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides du 12 juin 2017, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 29 septembre 2017. Le 18 décembre 2017, il a formé une première demande de titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, laquelle a été rejetée, par une décision du 23 janvier 2018, au motif qu'elle était incomplète. Le 9 février 2018, M. B... a de nouveau sollicité son admission au séjour pour motif médical. Par un arrêté du 25 octobre 2018, le préfet du Puy-de-Dôme a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. B... a en outre été assigné à résidence par un arrêté du préfet du Puy-de-Dôme du 5 mars 2019. Le magistrat désigné du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a, par un jugement du 8 mars 2019, confirmé par la cour par un arrêt du 17 octobre 2019, renvoyé à une formation collégiale les conclusions dirigées contre le refus de titre de séjour et a annulé les décisions portant obligation de quitter le territoire français, fixant le pays de destination et assignant l'intéressé à résidence. M. B... relève appel du jugement du 31 décembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 25 octobre 2018 en tant qu'il porte refus de titre de séjour.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Contrairement à ce que soutient M. B..., il ressort des termes mêmes du jugement attaqué que le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a répondu à l'ensemble des moyens qui lui ont été soumis. Par suite, le moyen tiré de l'omission à statuer doit être écarté.
Sur la légalité de la décision portant refus de titre de séjour :
3. En premier lieu, il résulte de la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union européenne que le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union. Il appartient aux Etats membres, dans le cadre de leur autonomie procédurale, de déterminer les conditions dans lesquelles le respect de ce droit est assuré. Ce droit se définit comme celui de toute personne de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours d'une procédure administrative avant l'adoption de toute décision susceptible d'affecter de manière défavorable ses intérêts. Il ne saurait cependant être interprété en ce sens que l'autorité nationale compétente est tenue, dans tous les cas, d'entendre l'intéressé lorsque celui-ci a déjà eu la possibilité de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur la décision en cause. M. B... a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile, à deux reprises, pour des raisons de santé et a pu à ces occasions préciser à l'administration les motifs pour lesquels il présentait ces demandes et produire tous les éléments relatifs tant à son état de santé qu'à sa situation personnelle. En outre, le requérant ne se prévaut d'aucun élément pertinent qu'il n'aurait pas été à même de faire valoir et qui aurait pu avoir une influence sur le contenu de la décision contestée. Par suite, il ne peut pas être regardé comme ayant été privé de son droit à être entendu garanti par le droit de l'Union.
4. En deuxième lieu, il ne ressort ni des termes de l'arrêté contesté, ni des autres pièces du dossier que le préfet du Puy-de-Dôme n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de M. B... avant de lui opposer un refus de titre de séjour.
5. En troisième lieu, aux termes des dispositions alors codifiées à l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ". Aux termes des dispositions alors codifiées à l'article R. 313-22 du même code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé (...) ". Aux termes de l'article R. 313-23 du même code : " Le rapport médical visé à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui le suit habituellement ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa de l'article R. 313-22 (...) / L'avis est rendu par le collège dans un délai de trois mois à compter de la transmission par le demandeur des éléments médicaux conformément à la première phrase du premier alinéa. (...) ". L'article 1er de l'arrêté du 27 décembre 2016 précise que : " L'étranger qui dépose une demande de délivrance ou de renouvellement d'un document de séjour pour raison de santé est tenu, pour l'application des articles R. 313-22 et R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de faire établir un certificat médical relatif à son état de santé par le médecin qui le suit habituellement ou par un médecin praticien hospitalier. / A cet effet, le préfet du lieu où l'étranger a sa résidence habituelle lui remet un dossier comprenant une notice explicative l'informant de la procédure à suivre et un certificat médical vierge, dont le modèle type figure à l'annexe A du présent arrêté ". Enfin, aux termes de l'article 2 du même arrêté : " Le certificat médical, dûment renseigné et accompagné de tous les documents utiles, est transmis sans délai, par le demandeur, par tout moyen permettant d'assurer la confidentialité de son contenu, au service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dont l'adresse a été préalablement communiquée au demandeur ".
6. Il résulte de ces dispositions combinées que, dans le cas où le collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration chargé d'émettre un avis destiné au préfet auquel a été adressée une demande de titre de séjour en qualité d'étranger malade n'est pas à même de se prononcer sur l'état de santé du demandeur, faute d'avoir reçu, de la part du médecin choisi par le demandeur, le rapport médical que celui-ci doit établir ou les pièces complémentaires à ce rapport qui lui ont été réclamées, il appartient au service médical de l'Office d'en informer l'autorité préfectorale. Il incombe alors à cette dernière de porter cet élément, qui fait obstacle à la poursuite de l'instruction de la demande de séjour, à la connaissance de l'étranger afin de le mettre à même soit d'obtenir du médecin qu'il a choisi qu'il accomplisse les diligences nécessaires soit, le cas échéant, de choisir un autre médecin agréé.
7. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a introduit, le 18 décembre 2017, une demande d'admission au séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il est toutefois constant que cette demande ne comportait pas le certificat médical requis par les dispositions précitées de l'article R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que le préfet en a informé l'intéressé le 23 janvier 2018. Si M. B... a réitéré sa demande de titre de séjour sur le même fondement le 9 février 2018, il ressort des pièces du dossier que cette demande était toujours incomplète ainsi que l'Office français de l'immigration et de l'intégration l'a constaté le 12 septembre 2018. La circonstance que l'arrêté attaqué mentionne que l'Office " a rejeté " pour ce motif la demande de M. B..., n'est pas de nature à démontrer que le préfet se serait mépris sur la portée de la lettre par laquelle l'Office s'est borné à l'informer du caractère incomplet de la demande ni qu'il aurait méconnu l'étendue de sa compétence. M. B... ne conteste pas ne pas avoir transmis le certificat médical requis alors même qu'il avait été informé de la nécessité de compléter sa demande. Dans ces conditions, à défaut pour M. B... d'avoir accompli les diligences nécessaires pour permettre au collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration d'émettre un avis sur son état de santé, ce qui faisait obstacle à la poursuite de l'instruction de sa demande de séjour, le préfet du Puy-de-Dôme a pu, sans méconnaître les dispositions précitées de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, rejeter cette demande.
8. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
9. M. B... fait valoir qu'il vit en France depuis 2016 avec son épouse et sa fille née en 2010, qu'il bénéficie d'un traitement médical pour un stress post-traumatique et que sa fille est scolarisée. Toutefois, les certificats médicaux produits, établis les 23 juillet 2017, 3 juillet 2018, 26 mars 2019 et 31 mars 2021 par des médecins psychiatres et le 3 mai 2018 par un médecin généraliste, qui se bornent à faire état de la pathologie dont souffre l'intéressé et du traitement mis en place, et à indiquer que sa situation justifie l'attribution d'un hébergement d'urgence, ne comportent aucun élément permettant d'établir la gravité de sa pathologie ni l'impossibilité dans laquelle il se trouverait de bénéficier d'un traitement adapté à son état de santé dans son pays d'origine. M. B... ne fait état d'aucun élément faisant obstacle à ce que son épouse, qui se maintient irrégulièrement en France, et lui-même poursuivent leur vie privée et familiale avec leur enfant au Kosovo, où le requérant a vécu jusqu'à l'âge de trente-six ans et où sa fille pourra poursuivre sa scolarité. Ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, la décision de refus de délivrance de titre de séjour contestée ne porte pas au droit de M. B... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise, et n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Le requérant n'est pas davantage fondé à soutenir que cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
10. En dernier lieu, M. B... ne peut utilement se prévaloir de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales à l'encontre de la décision de refus de titre de séjour attaquée dès lors que cette dernière n'implique pas, par elle-même, son éloignement vers le Kosovo.
11. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Puy-de-Dôme.
Délibéré après l'audience du 13 janvier 2022, à laquelle siégeaient :
Mme Evrard, présidente de la formation de jugement,
Mme Caraës, première conseillère,
Mme Lordonné, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 10 février 2022.
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N° 21LY00735