Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble :
1°) d'annuler :
- la décision du 21 février 2014 par laquelle le président de l'université de Savoie, aujourd'hui dénommée Savoie Mont-Blanc, l'informe de la mise en recouvrement de la somme de 54 830,76 euros pour absence de service fait au cours de l'année universitaire 2012-2013, applique une retenue sur ses traitements mensuels d'enseignante-chercheuse jusqu'à apurement de la dette à hauteur de 35 671,76 euros et lui demande de s'acquitter du reliquat de 19 159 euros entre les mains de l'agent comptable de l'établissement, ensemble le rejet de son recours gracieux ;
- l'ordre de reversement émis le 9 avril 2014 en recouvrement du reliquat de 19 159 euros ;
- la décision du 27 octobre 2014 par laquelle le président de l'université, ramenant à 39 355,56 euros le montant de la dette, fixe à 15 988,11 euros l'apurement par voie de retenues sur traitement, ensemble le rejet de son recours gracieux.
Par jugement n° 1401842, 1501621 lu le 11 juillet 2016, le tribunal a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
La cour administrative d'appel de Lyon a, sur appel formé par Mme B..., annulé ce jugement et rejeté la demande de condamnation par un arrêt n° 16LY03237 lu le 27 septembre 2018, lui-même annulé sur pourvoi de l'université de Savoie Mont-Blanc, par décision n° 425728, 429165 du Conseil d'État du 29 décembre 2020.
La requête d'appel de Mme B..., renvoyée à la cour, a été réenregistrée le 31 décembre 2020 sous le n° 20LY03853. Mme B..., représentée par Me Fau a présenté deux nouveaux mémoires, enregistrés les 8 février et 18 juin 2021 dans la présente instance.
Dans le dernier état de ses écritures, elle demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1401842, 1501621 du tribunal administratif de Grenoble et de la décharger de l'obligation de payer les sommes dont l'ont constituée débitrice les décisions du 21 février 2014, du 27 octobre 2014 et l'ordre de reversement émis le 9 avril 2014 ;
2°) de mettre à la charge de l'université de Savoie Mont-Blanc une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient, dans le dernier état de ses écritures, que :
- en ce qu'elles tendent à la contestation d'un trop perçu, les conclusions relèvent par nature du plein contentieux et ne sont pas nouvelles en appel ;
- le jugement, dépourvu de la signature du président de la formation de jugement et du rapporteur, est irrégulier ;
- les actes attaqués sont dépourvus de motivation ;
- l'absence de service fait ne lui est pas imputable ; le calcul des heures d'enseignement non accomplies est entaché d'erreur ;
- le nombre de trentièmes déductibles ne peut être déterminé faute de tableau de service opposable ;
- la créance litigieuse est prescrite dès lors qu'il s'est écoulé plus de quatre mois entre les mises en paiement qui constituent des décisions créatrices de droit et les actes de recouvrement.
Par mémoires enregistrés le 23 décembre 2016 (dans l'instance initiale) et le 24 mars 2021 (dans la présente instance), l'université de Savoie Mont-Blanc, représentée par Me Gaudin, conclut au rejet de la requête et demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures, de mettre à la charge de Mme B... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient, dans le dernier état de ses écritures :
- les conclusions de plein contentieux, nouvelles en appel, sont irrecevables ;
- subsidiairement, l'absence de tableau de service est imputable à l'intéressée ;
- l'annualisation des obligations de service rend inapplicable la règle du trentième et implique que le trop-perçu soit calculé au prorata des heures non accomplies ; si cette règle s'applique, elle aboutit à la déduction de dix-sept trentièmes au tarif de 152,307 euros.
Par mémoire enregistré le 2 décembre 2021, la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que :
- le trentième indivisible est applicable aux professeurs d'université ;
- le retrait d'une décision créatrice de droit en matière de rémunération est soumis à la prescription biennale de l'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000.
En application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, les parties ont été informées de ce que l'arrêt était susceptible, d'une part, d'annuler le jugement attaqué en ce qu'il n'a pas prononcé de non-lieu à statuer sur la demande de décharge de l'obligation de payer la somme de 15 475,20 euros, le président de l'université ayant en cours d'instance ramené la dette de Mme B... de 54 830,76 euros à 39 355,56 euros, d'autre part, de prononcer un non-lieu à statuer à hauteur de 15 475,20 euros.
Par mémoire enregistré le 20 décembre 2021, Mme B... acquiesce au motif de non-lieu à statuer communiqué aux parties.
Par mémoire enregistré le 12 janvier 2022, l'université de Savoie Mont-Blanc acquiesce au motif de non-lieu à statuer communiqué aux parties.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'éducation ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 61-825 du 29 juillet 1961 ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- la loi n° 2000-231 du 12 avril 2000 ;
- le décret n° 62-765 du 8 juillet 1962 ;
- le décret n° 84-431 du 6 juin 1984 ;
- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Arbarétaz, président ;
- les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public ;
- et les observations de Me Fau pour Mme B..., ainsi que celles de Me Creveaux pour l'université de Savoie Mont-Blanc ;
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., professeure des universités enseignant la géographie, alors affectée à l'université de Savoie Mont-Blanc, a été informée par courrier du 21 février 2014 de ce qu'elle était redevable de la somme de 54 830,76 euros pour absence de service fait au cours de l'année universitaire 2012-2013, remboursable à hauteur de 35 671,76 euros par voie de retenues sur son traitement mensuel et à hauteur de 19 159 euros par un versement unique entre les mains de l'agent comptable. Mme B... n'ayant pas spontanément acquitté la somme de 19 159 euros, un titre de perception émis le 9 avril 2014 l'en a constituée débitrice. Par courrier du 27 octobre 2014, sa dette a été ramenée à 39 355,56 euros sur la base d'enseignements non dispensés de 55,79 (ou 54) heures. Mme B... qui, après déduction de la somme de 35 671,71 euros déjà apurée au 27 octobre 2014 par voie de retenues sur traitement, demeure redevable de la somme de 3 683,38 euros, relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande dirigée contre les deux courriers, le rejet de ses recours gracieux et le titre de perception.
Sur la recevabilité de la requête :
2. En ce qu'elle tend à contester l'exigibilité ou le montant d'une dette, toute demande dirigée contre un titre exécutoire, un ordre de reversement ou une décision imposant un remboursement par voie de retenue sur traitement relève, par nature, du plein contentieux. Il suit de là que la demande d'annulation présentée devant le tribunal contre les actes des 21 février, 9 avril et 27 octobre 2014 ne pouvait être regardée que comme tendant à ce que le juge en prononce l'annulation en raison de leur irrégularité ou bien décharge Mme B... de l'obligation de rembourser tout ou partie des sommes à recouvrer pour défaut d'exigibilité de la créance en litige. Il suit de là que les conclusions tendant à la décharge de l'obligation de payer, quand bien même ont-elles été libellées dans les termes d'un recours en annulation, ne sont pas nouvelles en appel et que la fin de non-recevoir opposée en défense doit être écartée.
Sur la régularité du jugement attaqué :
3. Il résulte de la combinaison des articles R. 741-7, R. 751-2 et R. 751-4-1 du code de justice administrative que seule la minute du jugement doit comporter la signature manuscrite du président de la formation de jugement, du rapporteur et du greffier, et que sont notifiées aux parties des expéditions qui ne mentionnent que les noms et fonctions des trois signataires. Il suit de là que le jugement attaqué n'est pas irrégulier pour avoir été notifié sous forme d'expéditions dépourvues de signatures manuscrites, la minute en étant revêtue.
4. En revanche, il résulte de l'instruction qu'au cours de l'instance n° 1401842, le président de l'université a ramené de 54 830,76 euros à 39 355,56 euros la dette de Mme B... et que la demande avait perdu son objet à hauteur de 15 475,20 euros. Il suit de là que le tribunal n'a pu, sans entacher le jugement d'irrégularité, statuer sur cette demande et que ledit jugement doit être annulé dans cette mesure.
5. Il y a lieu pour la cour d'évoquer la demande de Mme B... tendant à la décharge de la somme excédant celle qui a été mise en recouvrement par voie de titre de perception et d'examiner par voie d'effet dévolutif les conclusions dirigées contre le recouvrement de la somme de 19 159 euros.
Sur le fond du litige :
En ce qui concerne le reversement de la somme de 54 830,76 euros fixé par le courrier du 21 février 2014 :
6. Il résulte de l'instruction que par décision devenue définitive, le président de l'université a réduit de 54 830,76 euros à 39 355,56 euros la dette de Mme B... à apurer par voie de retenues sur traitement. La demande dirigée contre la mise en recouvrement décidée le 21 février 2014 a perdu son objet à hauteur de 15 475,20 euros et il n'y a plus lieu d'y statuer.
En ce qui concerne l'annonce du recouvrement de la somme de 19 159 euros par le courrier du 21 février 2014, et du reliquat de dette par le courrier du 27 octobre 2014 :
7. La lettre par laquelle l'administration se borne à informer un fonctionnaire qu'il doit rembourser une somme indument perçue et qu'en l'absence de paiement spontané de sa part, un ordre de reversement ou un titre de perception lui sera notifié ne constitue pas un acte susceptible de recours. Or, il résulte de l'instruction que la partie de la lettre du 21 février 2014 qui invite Mme B... à régler la somme de 19 159 euros avant le 24 mars 2014 ne peut être regardée que comme l'annonce de l'émission d'un ordre de reversement ou d'un titre de perception à défaut de paiement spontané et qu'elle ne constitue pas l'intéressée débitrice de ladite somme. Il en va de même de la partie de la lettre du 27 octobre 2014 qui se borne à informer Mme B... la nouvelle liquidation de sa dette pour l'année universitaire 2012-2013 et l'année suivante, du montant de ce qu'elle a déjà remboursé et lui annonce que les modalités d'apurement du reliquat lui seront notifiées ultérieurement.
8. Il suit de là que ces parties de courriers ne sont pas susceptibles de recours et que Mme B... n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté sa demande dirigée contre les informations qu'elles contenaient et, dans la même mesure, contre le rejet du recours gracieux.
En ce qui concerne le recouvrement de la somme de 19 159 euros par l'émission d'un titre de perception et du reliquat par voie de retenues sur traitement :
Sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête ;
9. D'une part, aux termes de l'article 20 de la loi du 13 juillet 1983 susvisée, dans sa rédaction alors en vigueur : " Les fonctionnaires ont droit, après service fait, à une rémunération comprenant le traitement, (...) le supplément familial de traitement (...) ". Aux termes de l'article 4 de la loi du 29 juillet 1961 susvisée, applicables aux agents de l'État et de ses établissements publics administratifs : " (...) L'absence de service fait, pendant une fraction quelconque de la journée, donne lieu à une retenue dont le montant est égal à la fraction du traitement frappée d'indivisibilité (...) / Il n'y a pas service fait : 1°) Lorsque l'agent s'abstient d'effectuer tout ou partie de ses heures de services (...) / Ces dispositions sont applicables (...) à tous bénéficiaires d'un traitement qui se liquide par mois ", tandis qu'aux termes de l'article 1er du décret du 8 juillet 1962 susvisé : " Les traitements (...) alloués aux personnels de l'État et des établissements publics de l'État à caractère administratif visés à l'article 4 de la loi (...) du 29 juillet 1961 se liquident par mois et sont payables à terme échu. Chaque mois, quel que soit le nombre de jours dont il se compose, compte pour trente jours. Le douzième de l'allocation annuelle se divise, en conséquence, par trentième ; chaque trentième est indivisible ".
10. En vertu de ces dispositions combinées, les professeurs d'université, fonctionnaires de l'État, perçoivent un traitement mensuel payable à terme échu. Toute retenue sur leur traitement ne peut donc être exprimée qu'en trentièmes, sans égard à l'annualisation de leurs heures de service. En cas de service non fait, le nombre de trentièmes à retenir doit correspondre au nombre de jours au cours desquels ils n'ont pas accompli leurs obligations de service, ou bien ne les ont accomplies que partiellement. Il suit de là que l'exigibilité des sommes en litige ne saurait reposer, ainsi que l'a déterminé l'université, sur l'application du pourcentage d'heures d'enseignement non assurées, soit 28,22%, au traitement brut annuel abondé du supplément familial de traitement, soit initialement 54 830,77 euros.
11. Il y a donc lieu d'examiner si, comme le soutient l'université à titre subsidiaire, tout ou partie de la somme de 19 159 euros et du reliquat doivent être recouvrés par l'application de retenues liquidées selon un nombre de trentièmes.
12. Alors qu'a été notifié à Mme B..., le 16 septembre 2013, un tableau prévisionnel de ses enseignements valant répartition de ses obligations de service entre activités pédagogiques et activités de recherche en vertu du III de l'article 7 du décret susvisé du 6 juin 1984, il revenait au responsable du département d'affectation de l'intéressée d'arrêter, au besoin d'office, le planning des interventions qui seul, aurait permis de recenser les cours non dispensés et d'identifier les trentièmes de traitement mensuel indument versés. Il suit de là que les quatre-vingt-seize trentièmes de traitement brut et de supplément familial de traitement que prétend recouvrer l'université ne sauraient être déterminés selon le ratio du nombre moyen d'heures de cours assurés journellement par Mme B... sur le nombre de jours de l'année universitaire au cours desquels elle n'en a pas dispensés, un planning pouvant concentrer des enseignements sur certaines périodes de l'année et libérer le professeur concerné pour la préparation de ses interventions ou ses missions de recherche.
13. Faute pour l'université de Savoie Mont-Blanc d'identifier les dates auxquelles les cours n'ont pas été dispensés alors qu'ils auraient dû l'être et, par voie de conséquence, de pouvoir fixer le nombre de trentièmes à recouvrer, Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté sa demande dirigée contre la mise en recouvrement des sommes de 19 159 euros et du reliquat de sa dette. Ledit jugement doit être annulé dans cette mesure. Le titre de perception émis le 9 avril 2014 en recouvrement de la somme de 19 159 euros doit être annulé ainsi que la décision du 21 février 2014 pour l'apurement du reliquat par voie de prélèvements mensuels et le rejet de recours gracieux, dans la même mesure. Mme B... doit, en outre, être déchargée de l'obligation de payer la somme de 39 355,56 euros.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
14. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'université de Savoie Mont-Blanc une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par Mme B... et non compris dans les dépens. Les conclusions présentées par l'université de Savoie Mont-Blanc, partie perdante, doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1401842, 1501621 lu le 11 juillet 2016 du tribunal administratif de Grenoble, en ce qu'il rejette la demande de Mme B... dirigée, d'une part, contre la mise en recouvrement de la somme de 19 159 euros par voie de titre de perception émis le 9 avril 2014 et, d'autre part, contre la mise en recouvrement du reliquat de sa dette par voie de retenues sur traitement décidée le 21 février 2014, est annulé.
Article 2 : Il n'y a plus lieu de statuer sur la demande dirigée contre la mise en recouvrement, décidée le 21 février 2014, à hauteur de la somme de 15 475,20 euros.
Article 3 : Le titre de perception émis le 9 avril 2014 en recouvrement de la somme de 19 159 euros est annulé. La décision du 21 février 2014 et le rejet de recours gracieux, en ce qu'ils mettent en recouvrement le reliquat de la dette par voie de retenues sur traitement sont annulés. Mme B... est déchargée de l'obligation de payer la somme de 39 355,56 euros.
Article 4 : L'université de Savoie Mont-Blanc versera à Mme B... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., à l'université de Savoie Mont-Blanc et à la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation.
Délibéré après l'audience du 20 janvier 2022 à laquelle siégeaient :
M. Arbarétaz, président de chambre ;
M. Seillet, président assesseur ;
Mme Djebiri, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 février 2022.
N° 20LY03853 2