Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
La SARL Hydex a demandé au tribunal administratif de Lyon, par deux requêtes distinctes, de prononcer la décharge, en droits et pénalités, d'une part des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge pour la période du 1er octobre 2012 au 30 septembre 2016, et, d'autre part, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2013 à 2016 du fait des exercices clos au 30 septembre 2013.
Par un jugement n° 1802396-1805521 du 9 juillet 2019, le tribunal administratif de Lyon a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions à fin de décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités y afférentes mis à la charge de la SARL Hydex au titre de la période correspondant à l'exercice clos le 30 septembre 2013, soit 15 134 euros en droits et 8 637 euros en pénalités (article 1er) et a rejeté le surplus des conclusions présentées pour la SARL Hydex sous le n° 1802396 ainsi que les conclusions de la requête n° 1805521 (article 2).
Procédure devant la cour
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 9 septembre 2019, le 15 octobre 2019, le 28 mai 2020, le 23 novembre 2020 et le 26 mai 2021, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, la SARL Hydex, représentée par Me Baroche, demande à la cour :
1°) de réformer ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2014 à 2016, du fait des exercices clos au 30 septembre, ainsi que des pénalités correspondantes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient qu'elle justifie de la déductibilité des frais kilométriques remboursés à son dirigeant, effectivement acquittés et comptabilisés en charges, compte tenu du caractère professionnel des déplacements effectués auprès des clients pour le compte de la société, qui n'emploie aucun autre salarié, ces frais n'étant ni excessifs, ni fictifs.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 17 avril 2020 et le 27 avril 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- la demande est sans objet en tant qu'elle porte sur l'année 2013, en l'absence de rectifications notifiées en matière d'impôt sur les sociétés au titre de cet exercice ;
- la charge de la preuve incombe à la SARL Hydex, en situation de taxation d'office ;
- la réalité des déplacements professionnels et des frais kilométriques correspondants n'est pas suffisamment justifiée.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Le Frapper, première conseillère,
- les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. La SARL Hydex, qui n'emploie aucun salarié et dont M. A... est le gérant, exerce une activité de négoce, conception, et réalisation de matériels pour la dépollution hydraulique et la filtration, à destination des entreprises, en France et à l'étranger. Après avoir vérifié sa comptabilité, l'administration fiscale, par proposition de rectification du 30 mars 2017, lui a notifié des rappels de taxe sur la valeur ajoutée pour la période du 1er octobre 2012 au 30 septembre 2016, ainsi que des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, assorties de majorations, au titre des années 2014, 2015 et 2016, du fait des exercices clos au 30 septembre de chacune de ces années. Par un jugement du 9 juillet 2019, le tribunal administratif de Lyon a rejeté les demandes de la SARL Hydex tendant à la décharge, en droits et pénalités, de ces impositions supplémentaires. La requérante relève appel de ce jugement, en tant qu'il rejette sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2014, 2015 et 2016, du fait des exercices clos au 30 septembre, en raison de la réintégration à ses résultats de remboursements à son gérant de frais kilométriques.
Sur le bien-fondé de l'imposition :
2. Aux termes, d'une part, de l'article 39 du code général des impôts, rendu applicable en matière d'impôt sur les sociétés par l'article 209 du même code : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : / 1° Les frais généraux de toute nature, les dépenses de personnel et de main-d'œuvre, le loyer des immeubles dont l'entreprise est locataire. / Toutefois les rémunérations ne sont admises en déduction des résultats que dans la mesure où elles correspondent à un travail effectif et ne sont pas excessives eu égard à l'importance du service rendu. Cette disposition s'applique à toutes les rémunérations directes ou indirectes, y compris les indemnités, allocations, avantages en nature et remboursements de frais (...) ".
3. Si, en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits qu'elle invoque au soutien de ses prétentions, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci. Il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du 1 de l'article 39 du code général des impôts, de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité.
4. Le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée. Dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive.
5. Aux termes, d'autre part, de l'article 211 du même code : " I. - Dans les sociétés à responsabilité limitée n'ayant pas opté pour le régime fiscal des sociétés de personnes (...) et dont les gérants sont majoritaires, (...) les traitements, remboursements forfaitaires de frais et toutes autres rémunérations sont, sous réserve des dispositions du 3 de l'article 39 et 211 bis, admis en déduction du bénéfice de la société pour l'établissement de l'impôt, à la condition que ces rémunérations correspondent à un travail effectif. / Les sommes retranchées du bénéfice de la société en vertu du premier alinéa sont soumises à l'impôt sur le revenu au nom des bénéficiaires dans les conditions prévues à l'article 62 (...) ". Les remboursements de frais, même non justifiés, consentis à un gérant majoritaire de SARL, qui sont susceptibles d'être regardés comme un complément de rémunération trouvant son origine dans l'exercice des fonctions de l'intéressé, constituent ainsi, en principe, un élément de sa rémunération imposable, en application de l'article 62 du code général des impôts, dans la catégorie des rémunérations allouées aux gérants majoritaires de SARL, sauf si leur montant, ajouté aux autres éléments de la rémunération, a pour effet de porter le total de celle-ci à un niveau excessif. Il s'ensuit que ces rémunérations sont en principe déductibles des résultats de la société en application du I de l'article 211 précité du code général des impôts et du 1° de l'article 39 du même code.
6. En l'espèce, aux termes de la proposition de rectification, le vérificateur a réintégré aux résultats de la SARL Hydex, au motif qu'elles n'étaient pas appuyées de justificatifs, les sommes de 20 529 euros en 2014, 20 324 euros en 2015 et 14 157 euros en 2016, comptabilisées en charges à chaque fin d'exercice, et correspondant au remboursement à son gérant de frais kilométriques se rattachant aux déplacements professionnels effectués avec son véhicule pour le compte de la société. La requérante produit toutefois en appel les factures de péage autoroutier, et les relevés de passage y afférents, correspondant à une partie de ces déplacements, factures dont il est constant qu'elles ont été intégralement admises en déduction à l'occasion de la vérification de comptabilité. Il s'ensuit que les charges comptabilisées par la société Hydex sont à tout le moins justifiées à concurrence des kilométrages enregistrés par la société autoroutière émettrice de ces factures. En outre, dès lors qu'il n'est pas contesté que la société requérante ne rémunère pas d'autre salarié pour son activité et qu'il n'est pas soutenu que les remboursements de frais en litige auraient pour effet de porter la rémunération du gérant à un niveau excessif, ils présentent le caractère d'un complément de rémunération déductible en application du 1 de l'article 39 du code général des impôts. Il résulte, d'ailleurs, des pièces du dossier de première instance que, par une seconde proposition de rectification du 30 mars 2017, et bien que la déduction ait été remise en cause, l'administration fiscale a entendu assujettir M. et Mme A... à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu au titre des années 2014 et 2015 à concurrence des sommes en litige, dans la catégorie des traitements et salaires, sur le fondement de l'article 62 du code général des impôts, qui prévoit que de tels remboursements de frais sont imposés sur le revenu au nom de leurs bénéficiaires, s'ils sont admis en déduction des bénéfices imposables à l'impôt sur les sociétés.
7. Par suite, la SARL Hydex est fondée à soutenir que les sommes en litige étaient déductibles pour la détermination de l'impôt sur les sociétés dont elle était redevable au titre des années 2014 à 2016, du fait des exercices clos au 30 septembre, et à demander la décharge, à due concurrence, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie, ainsi que des pénalités correspondantes.
8. Il résulte de ce qui précède que la SARL Hydex est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté l'intégralité de ses demandes et à en demander, dans cette mesure, la réformation.
Sur les frais liés au litige :
9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante dans la présente instance, la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la SARL Hydex et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : Les bases de l'impôt sur les sociétés fixées à la SARL Hydex sont réduites de 20 529 euros au titre de l'année 2014, 20 324 euros au titre de l'année 2015 et 14 157 euros au titre de l'année 2016.
Article 2 : La SARL Hydex est déchargée des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2014, 2015 et 2016, ainsi que des pénalités correspondantes, correspondant à la réduction des bases d'imposition définie à l'article 1er.
Article 3 : Le jugement n° 1802396-1805521 du 9 juillet 2019 du tribunal administratif de Lyon est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à la SARL Hydex une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Hydex et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Délibéré après l'audience du 20 janvier 2022, à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme Dèche, présidente assesseure,
Mme Le Frapper, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 février 2022.
2
N° 19LY03551