Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mmes G... C... et E... F... et A.... Franck, Christopher et Médérick F... ont demandé au tribunal administratif de Dijon de condamner l'État à leur verser la somme de 40 000 euros chacun en réparation du préjudice moral subi du fait du décès par suicide en prison de leur fils et frère M. B... F....
Par un jugement n° 1901036 du 2 juin 2020, ce tribunal a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 31 juillet 2020, Mmes G... C... et E... F... et A.... Franck, Christopher et Médérick F..., représentés par Me Liancier, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de condamner l'État à verser à chacun la somme de 40 000 euros en réparation de leur préjudice moral respectif ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros au titre des frais du litige.
Ils soutiennent que :
- M. B... F..., dont l'extrême fragilité, qui était connue de l'administration pénitentiaire, présageait un passage à l'acte imminent, n'a pas fait l'objet d'une surveillance pénitentiaire renforcée ;
- ils évaluent leur préjudice moral respectif à la somme de 40 000 euros compte tenu du lien affectif qui les unissait avec leur fils et frère.
Un mémoire enregistré le 7 janvier 2022 présenté par le garde des sceaux, ministre de la justice, n'a pas été communiqué.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de procédure pénale ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Michel,
- les conclusions de M. Savouré, rapporteur public,
- et les observations de Me Liancier pour Mme C... et autres.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... F..., qui était écroué depuis le 3 août 2017 en détention provisoire à la maison d'arrêt de Nevers, a été retrouvé mort dans sa cellule après l'absorption d'une surdose de médicaments le 25 décembre 2017. Mme G... C..., sa mère, Mme E... F..., sa sœur, et messieurs Franck, Christopher et Médérick F..., ses frères, ont demandé au tribunal administratif de Dijon de condamner l'État à leur verser chacun la somme de 40 000 euros en réparation du préjudice moral subi du fait de ce suicide, qu'ils attribuent à une faute de l'administration pénitentiaire. Par un jugement du 2 juin 2020 dont ils relèvent appel, ce tribunal a rejeté leur demande.
2. La responsabilité de l'État en cas de préjudice matériel ou moral résultant du suicide d'un détenu peut être recherchée pour faute des services pénitentiaires en raison notamment d'un défaut de surveillance ou de vigilance. Une telle faute ne peut toutefois être retenue qu'à la condition qu'il résulte de l'instruction que l'administration n'a pas pris, compte tenu des informations dont elle disposait, en particulier sur les antécédents de l'intéressé, son comportement et son état de santé, les mesures que l'on pouvait raisonnablement attendre de sa part pour prévenir le suicide.
3. Si M. B... F..., qui a volontairement cessé de s'alimenter à deux reprises du 4 août au 8 septembre 2017, puis du 8 au 14 novembre 2017 et s'est scarifié les bras le 25 novembre 2017, faisait l'objet à titre préventif d'un suivi régulier par la commission pluridisciplinaire unique, il ne résulte pas de l'instruction qu'il présentait un risque suicidaire avéré, notamment pendant la période courant du 27 novembre 2017, date à laquelle il a été hospitalisé huit jours à sa demande en psychiatrie après s'être infligé le 25 novembre des coupures superficielles sur les bras, au 25 décembre suivant, jour de son décès. Il résulte en effet de l'instruction, en particulier des procès-verbaux d'audition établis par un officier de police judiciaire dans le cadre de l'enquête conduite sur son décès, qu'il était placé en cellule individuelle conformément à son souhait que l'administration pénitentiaire respectait compte tenu des profils des autres détenus, que, le 10 décembre, il a déclaré à un membre du personnel pénitentiaire qu'il était en colère mais qu'en aucun cas il ne tenterait de se suicider car sa mère avait besoin de lui et qu'il a reporté au 4 janvier 2018 le rendez-vous prévu le 21 décembre avec le psychiatre qui le suivait car il disait se sentir mieux depuis qu'il était assisté d'un nouvel avocat. Enfin, le surveillant pénitentiaire qui échangeait régulièrement avec M. F... et l'infirmière qui lui délivrait selon les protocoles en usage tous les matins sa médication se sont avoués très surpris par son geste. Son comportement ne pouvait ainsi laisser présager un passage à l'acte imminent et n'imposait pas à titre préventif son placement dans une unité spécialisée ou avec un autre détenu. Aucune faute de négligence dans la prévention de son acte ne peut ainsi être reprochée au personnel pénitentiaire de nature à engager la responsabilité de l'État.
4. Il résulte de ce qui précède que Mme C... et autres ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté leur demande. Leur requête doit donc être rejetée, en toutes ses conclusions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme C... et autres est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... F..., désigné représentant unique des requérants, et au garde des sceaux, ministre de la justice.
Délibéré après l'audience du 13 janvier 2022, à laquelle siégeaient :
M. d'Hervé, président,
Mme Michel, présidente assesseure,
Mme Duguit-Larcher, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 février 2022.
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N° 20LY02117