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27/01/2022 | FRANCE | N°21LY02959

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 27 janvier 2022, 21LY02959


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du préfet du Rhône en date du 8 juillet 2021 portant remise aux autorités roumaines responsables de l'examen de sa demande.

Par un jugement n° 2104622 du 5 août 2021, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Grenoble a admis l'intéressé, à titre provisoire, au bénéfice de l'aide juridictionnelle (article 1er), a annulé l'arrêté du préfet du Rhône du 8 juillet 2021 portant remise d'un

demandeur d'asile aux autorités roumaines responsables de l'examen de sa demande (articl...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du préfet du Rhône en date du 8 juillet 2021 portant remise aux autorités roumaines responsables de l'examen de sa demande.

Par un jugement n° 2104622 du 5 août 2021, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Grenoble a admis l'intéressé, à titre provisoire, au bénéfice de l'aide juridictionnelle (article 1er), a annulé l'arrêté du préfet du Rhône du 8 juillet 2021 portant remise d'un demandeur d'asile aux autorités roumaines responsables de l'examen de sa demande (article 2), a enjoint au préfet du Rhône d'autoriser M. A... à déposer une demande d'asile et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement (article 3), et a rejeté le surplus de sa demande (article 4).

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 3 septembre 2021, le préfet du Rhône doit être regardé comme demandant à la cour d'annuler les articles 2 et 3 de ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 5 août 2021.

Il soutient que :

- la décision attaquée méconnaît le principe de confiance mutuelle entre les États membres ;

- elle méconnaît la portée de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 tel qu'interprété par la Cour de justice de l'Union européenne.

Par un mémoire en défense enregistré le 20 septembre 2021, M. A..., représenté par Me Huard, conclut au rejet de la requête en appel du préfet du Rhône et demande à la cour de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire, d'enjoindre audit préfet de lui délivrer un dossier de demande d'asile, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, dans un délai de 15 jours à compter de la notification de la décision à intervenir et de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros au titre des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que les moyens soulevés par le préfet ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 29 septembre 2021.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la directive 2011/95/UE du 13 décembre 2011 ;

- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de Mme Dèche, présidente assesseure, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., né le 1er janvier 1996 à Laghman en Afghanistan, de nationalité afghane, a déclaré être entré en France en avril 2021. Il a demandé l'enregistrement de sa demande d'asile auprès des autorités françaises, conduisant au relevé de ses empreintes le 7 mai 2021. La consultation du fichier européen Eurodac ayant fait apparaître qu'il avait demandé l'asile en Roumanie le 31 décembre 2020 et en Suisse le 16 février 2021, les autorités françaises ont saisi les autorités roumaines et suisses d'une demande de reprise en charge de l'intéressé le 14 juin 2021. Une attestation de demande d'asile précisant que la demande relevait de la procédure Dublin a été remise à M. A... le 10 mai 2021. La Suisse a fait connaître son refus de reprise en charge le 15 juin 2021. La Roumanie a explicitement accepté cette reprise en charge le 25 juin 2021. Par arrêté du 8 juillet 2021, le préfet du Rhône a ordonné la remise de M. A... aux autorités roumaines. Le préfet du Rhône relève appel du jugement de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Grenoble, en tant qu'il a annulé l'arrêté du préfet du 8 juillet 2021 et qu'il lui a enjoint d'autoriser M. A... à déposer une demande d'asile et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement.

Sur les conclusions tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire :

2. Il ressort des pièces du dossier que l'aide juridictionnelle totale a été accordée à M. A... par une décision du 29 septembre 2021. Par suite, ses conclusions tendant à ce que lui soit accordée l'aide juridictionnelle à titre provisoire sont devenues sans objet. Il n'y a pas lieu de statuer sur ces conclusions.

Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal administratif de Grenoble :

3. Aux termes du 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " (...) Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entrainent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable ". Aux termes de l'article 17 du même règlement : " Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ". Les articles L. 571-1 et L. 573-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile applicables à la décision en litige rappellent le droit souverain de l'État d'accorder l'asile à toute personne dont l'examen de la demande relève de la compétence d'un autre État.

4. Ces dispositions doivent être appliquées dans le respect des droits garantis par la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

5. Eu égard au niveau de protection des libertés et des droits fondamentaux dans les États membres de l'Union européenne, lorsque la demande de protection internationale a été introduite dans un État autre que la France, que cet État a accepté de prendre ou de reprendre en charge le demandeur et en l'absence de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, les craintes dont le demandeur fait état quant au défaut de protection dans cet État membre doivent en principe être présumées non fondées, sauf à ce que l'intéressé apporte, par tout moyen, la preuve contraire. La seule circonstance qu'à la suite du rejet de sa demande de protection par cet État membre l'intéressé serait susceptible de faire l'objet d'une mesure d'éloignement ne saurait caractériser la méconnaissance par cet État de ses obligations.

6. Pour annuler l'arrêté du 8 juillet 2021 portant remise de M. A... aux autorités roumaines, responsables de l'examen de sa demande d'asile, le premier juge a relevé que le préfet du Rhône avait commis une erreur manifeste d'appréciation en refusant de faire application de la clause discrétionnaire prévue par l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.

7. Toutefois, en l'espèce, M. A... n'apporte aucun élément sérieux de nature à établir l'existence avérée de défaillances systémiques dans la procédure d'asile et dans les conditions d'accueil des demandeurs d'asile en Roumanie, pays qui a donné son accord explicite à sa réadmission le 25 juin 2021, entraînant un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ou de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, en l'absence de sérieuses raisons de croire qu'il existe en Roumanie des défaillances systémiques dans la prise en charge des demandeurs d'asile et alors que l'intéressé ne fait état d'aucun élément particulier susceptible d'établir qu'il serait soumis en Roumanie à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le moyen tiré de ce que l'arrêté en litige serait entaché d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté.

8. Au surplus, il n'est pas démontré, quand bien même la demande d'asile de M. A... a été rejetée par les autorités roumaines, qu'une éventuelle demande de réexamen ne serait pas examinée sérieusement par les autorités roumaines après sa reprise en charge, notamment au regard des circonstances nouvelles caractérisées par l'évolution de la situation sécuritaire en Afghanistan. De même, la circonstance qu'à la suite du réexamen de sa demande de protection internationale, M. A... serait susceptible d'être éloigné à destination de l'Afghanistan ne saurait caractériser la méconnaissance par la France des obligations résultant des articles 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, des articles 4 et 19 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ou, en tout état de cause, de l'article 33 de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, alors que la France n'est pas le seul État susceptible d'accorder le bénéfice de la protection subsidiaire. Il résulte en effet de l'article 2 de la directive 2011/95/UE du 13 décembre 2011, auquel renvoie le b) de l'article 2 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013, qu'une demande de protection internationale au sens de ces dispositions, également applicables en Roumanie, est une demande visant à obtenir le statut de réfugié ou bien le statut conféré par la protection subsidiaire.

9. Il résulte de ce qui précède que le préfet du Rhône est fondé à soutenir que c'est à tort que le premier juge a annulé son arrêté du 8 juillet 2021 portant remise de M. A... aux autorités roumaines, responsables de l'examen de sa demande d'asile.

10. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... tant en première instance qu'en appel.

Sur les autres moyens soulevés par M. A... :

11. En premier lieu, en application de l'article L. 572-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision de transfert dont fait l'objet un ressortissant de pays tiers ou un apatride qui a déposé auprès des autorités françaises une demande d'asile dont l'examen relève d'un autre État membre ayant accepté de le prendre ou de le reprendre en charge doit être motivée, c'est-à-dire qu'elle doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement.

12. Pour l'application de ces dispositions, est suffisamment motivée une décision de transfert qui mentionne le règlement du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et comprend l'indication des éléments de fait sur lesquels l'autorité administrative se fonde pour estimer que l'examen de la demande présentée devant elle relève de la responsabilité d'un autre État membre, une telle motivation permettant d'identifier le critère du règlement communautaire dont il est fait application.

13. L'arrêté du 8 juillet 2021 prononçant le transfert de M. A... aux autorités roumaines vise le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, rappelle le déroulement de la procédure suivie lorsqu'il s'est présenté aux autorités françaises en vue de déposer une demande d'asile, précise que la consultation du fichier Eurodac a démontré qu'il était connu des autorités roumaines et suisses, auprès desquelles il avait déjà sollicité l'asile, indique les dates et les numéros de ces demandes et fait état de l'accord explicite des autorités roumaines pour sa reprise en charge. L'arrêté du 8 juillet 2021, dans lequel le préfet n'était pas tenu de préciser au titre de quel paragraphe de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 la Roumanie avait accepté sa reprise en charge, comporte ainsi l'ensemble des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Dès lors, cette décision est suffisamment motivée au regard des exigences qu'imposent les dispositions de l'article L. 572-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

14. En deuxième lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604-2013 du 26 juin 2013 : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement et notamment : / a) des objectifs du présent règlement (...) b) des critères de détermination de l'État membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée (...) c) de l'entretien individuel en vertu de 1'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les États membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; e) du fait que les autorités compétentes des États membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; f) de 1'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits, y compris des coordonnées des autorités visées à l'article 35 et des autorités nationales chargées de la protection des données qui sont compétentes pour examiner les réclamations relatives à la protection des données à caractère personnel. / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les Etats membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5 (...) ".

15. La délivrance de documents d'information sur les droits et obligations des demandeurs d'asile doit, eu égard à l'objet et au contenu de ces documents, intervenir au début de la procédure d'examen des demandes d'asile pour permettre aux intéressés de présenter utilement leur demande aux autorités compétentes et, notamment, de mesurer les enjeux attachés au fait de porter à la connaissance de ces autorités des informations relatives à la présence de membres de la famille dans un État membre ou aux raisons humanitaires susceptibles de justifier l'examen de la demande dans un État membre déterminé. Les intéressés doivent ainsi avoir été mis à même de présenter, de manière utile et effective, les éléments permettant de déterminer l'État qui devra se prononcer sur leur demande de protection internationale et les motifs qui légitimeraient que l'autorité déroge à l'application des critères de détermination de cet État. Un vice affectant la délivrance de ces documents n'est de nature à entacher d'illégalité la décision de transfert prise postérieurement que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé l'intéressé d'une garantie.

16. Il ressort des pièces du dossier que M. A... s'est vu remettre les brochures " A " et " B " constituant la brochure commune prévue à l'article 4 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 en langue pachtou qu'il a déclaré comprendre. Il ressort également du résumé, signé par l'intéressé, de l'entretien individuel qui s'est tenu le 10 mai 2021 en présence d'un interprète en langue pachtou, que M. A... a reconnu avoir reçu l'information sur les règlements communautaires. En outre, le droit à l'information et à la rectification des données le concernant figurant au f) de l'article 4 du règlement précité et au sein de la brochure " B " remise à l'intéressé, M. A... n'est pas fondé à soutenir qu'il n'a pas été informé de ses droits à ce titre ni à solliciter dans le cadre de la présente instance et sur ce fondement la communication de son dossier. Il n'est pas davantage fondé à se prévaloir du défaut de remise des informations prévues à l'article 29 du règlement n° 603/2013 susvisé lequel est inopérant à l'encontre d'une décision de transfert.

17. En troisième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. (...) 3. L'entretien individuel a lieu en temps utile et, en tout cas, avant qu'une décision de transfert du demandeur vers l'État membre responsable soit prise conformément à l'article 26, paragraphe 1. / 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. / 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. / 6. L'État membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. L'État membre veille à ce que le demandeur et/ou le conseil juridique ou un autre conseiller qui représente le demandeur ait accès en temps utile au résumé ".

18. Il a été rappelé au point 16 que, contrairement à ce que soutient M. A..., ce dernier a bénéficié de l'entretien individuel prévu par les dispositions précitées le 10 mai 2021. Cet entretien a été mené par un agent qualifié de la préfecture, avec l'assistance par téléphone d'un traducteur en langue pachtou, dont le nom et les coordonnées figurent sur le résumé, dépendant d'un organisme d'interprétariat ISM, agréé par l'administration. La circonstance que l'assistance a été faite par téléphone, ainsi que le permettent les dispositions de l'article L. 141-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ne caractérise pas une méconnaissance des dispositions susvisées, alors d'ailleurs que la spécificité de cette langue suffit à justifier que l'assistance de l'interprète se soit faite par téléphone. Si M. A... soutient qu'il aurait pu bénéficier d'une meilleure communication avec l'interprète s'il avait été présent physiquement, il ne ressort pas des pièces du dossier que cette circonstance a été de nature à affecter le déroulement de l'entretien dont il a bénéficié. En outre, aucune disposition n'impose que l'agent qui a mené cet entretien mentionne sur le résumé son prénom, son nom, sa qualité et son adresse administrative. Ainsi, la circonstance que le nom, la qualité, la signature de l'agent des services de la préfecture ne figurent pas sur le compte rendu de l'entretien n'est pas de nature à démontrer que celui-ci n'aurait pas été mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. Il ressort par ailleurs du résumé dudit entretien que M. A... a pu faire valoir à cette occasion toutes observations utiles. Enfin, si M. A... indique qu'aucune copie du résumé de l'entretien ne lui a été fournie, il ne justifie pas avoir vainement sollicité une copie du résumé de cet entretien. Par suite, le requérant n'ayant été privé d'aucune garantie, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013 doit être écarté.

19. En quatrième et dernier lieu, aux termes du 1 de l'article 33 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 : " Aucun des États contractants n'expulsera ou ne refoulera, de quelque manière que ce soit, un réfugié sur les frontières des territoires où sa vie ou sa liberté serait menacée en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ".

20. Le principe de non-refoulement énoncé à cet article est inopérant à l'encontre d'une mesure de transfert qui n'a, par elle-même, ni pour objet ni pour effet de contraindre le requérant à regagner son pays d'origine. M. A... ne saurait ainsi se prévaloir de ce principe à l'encontre de la décision en litige.

21. Il résulte de ce qui précède que le préfet du Rhône est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Grenoble a annulé l'arrêté en litige et lui a enjoint d'enregistrer la demande d'asile de M. A.... Les conclusions présentées par M. A... devant le tribunal administratif de Grenoble tendant à l'annulation de cet arrêté ainsi que celles présentées en appel, à fin d'injonction et d'astreinte doivent, par voie de conséquence, être rejetées.

Sur les frais d'instance :

22. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas partie perdante, la somme que M. A... demande sur leur fondement.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions tendant à l'octroi de l'aide juridictionnelle provisoire.

Article 2 : Les articles 2 et 3 du jugement du tribunal administratif de Grenoble du 5 août 2021 sont annulés.

Article 3 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Grenoble ainsi que ses conclusions d'appel sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 6 janvier 2022, à laquelle siégeaient :

M. Hermitte, président de la cour,

Mme Dèche, présidente assesseure,

Mme Le Frapper, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 27 janvier 2022.

2

N° 21LY02959


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY02959
Date de la décision : 27/01/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

095-02-03


Composition du Tribunal
Président : M. HERMITTE
Rapporteur ?: Mme Pascale DECHE
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : HUARD

Origine de la décision
Date de l'import : 01/02/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-01-27;21ly02959 ?
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