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27/01/2022 | FRANCE | N°21LY01796

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 27 janvier 2022, 21LY01796


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle, d'annuler l'arrêté du 26 février 2021 par lequel le préfet du Puy-de-Dôme l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, l'a interdit de retour sur le territoire français pendant une durée de six mois, l'a inscrit aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen pour la durée de l'interdiction de retour et l'a assigné à résidence pour une durée de quar

ante-cinq jours.

Par un jugement n° 2100408 du 3 mars 2021, le magistrat désigné...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle, d'annuler l'arrêté du 26 février 2021 par lequel le préfet du Puy-de-Dôme l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, l'a interdit de retour sur le territoire français pendant une durée de six mois, l'a inscrit aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen pour la durée de l'interdiction de retour et l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 2100408 du 3 mars 2021, le magistrat désigné du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a admis M. A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 3 juin 2021, M. A..., représenté par Me Messaoud, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 26 février 2021 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Puy-de-Dôme de procéder à la suppression du signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'administration ait à nouveau statué sur son cas ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français sans délai :

- le préfet n'a pas procédé à un examen complet de sa situation ;

- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et d'une méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur la légalité de la décision fixant le pays de renvoi :

- la décision sera annulée par voie de conséquence de l'illégalité entachant l'obligation de quitter le territoire français ;

Sur la légalité de l'interdiction de retour en France pour une durée de six mois :

- la décision sera annulée par défaut de base légale compte tenu de l'illégalité entachant l'obligation de quitter le territoire français ;

- la décision est entachée d'une erreur de fait ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen de sa situation ;

- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et est disproportionnée.

En application de l'article R. 611-8 du code de justice administrative, la requête a été dispensée d'instruction.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 28 avril 2021.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

La présidente de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de Mme Caraës, première conseillère, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A..., ressortissant albanais né le 30 septembre 1994, est entré en France en 2018 selon ses déclarations. Le 14 décembre 2018, il a sollicité le bénéfice de l'asile. Par une décision du 24 janvier 2019, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté sa demande. Par un arrêté du 27 mars 2019, le préfet du Puy-de-Dôme a obligé M. A... à quitter le territoire français dans un délai de trente jours. A la suite de son interpellation par les services de la direction départementale de la sécurité publique du Puy-de-Dôme, le préfet du Puy-de-Dôme l'a, par un arrêté du 25 février 2021, obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de six mois. Par un jugement du 3 mars 2021, le magistrat désigné du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a admis M. A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté. M. A... relève appel de ce jugement dans cette dernière mesure.

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français sans délai :

2. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Puy-de-Dôme n'aurait pas procédé à un examen particulier des circonstances de l'espèce et aurait ainsi entaché sa décision d'erreur de droit.

3. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

4. M. A... fait valoir que le centre de ses intérêts familiaux se situe en France où il vit depuis 2018 auprès de sa future épouse de nationalité française qui, à la date de la décision, était enceinte. Toutefois, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne garantit pas à l'étranger le droit de choisir le lieu le plus approprié pour développer une vie privée et familiale. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que M. A... est entré sur le territoire français à l'âge de vingt-quatre ans et s'y est maintenu irrégulièrement après une première obligation de quitter le territoire français du 27 mars 2019. Le requérant et sa concubine ne pouvaient ignorer, dès le début de leur relation, qui présentait au demeurant un caractère récent à la date de la décision attaquée, que leur perspective d'installation en France ensemble était incertaine, en l'absence de droit au séjour de M. A.... Si M. A... se prévaut de son mariage à venir et de la naissance prochaine de son enfant, ces circonstances sont postérieures à la date de la décision litigieuse. Ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, la mesure d'éloignement en litige n'a pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale de M. A... une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Il s'ensuit que la décision ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Sur la légalité du pays de renvoi :

5. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination devrait être annulée en conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écarté.

Sur la légalité de l'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de six mois :

6. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable, " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. /Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français ".

7. M. A... n'ayant pas démontré l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire sans délai, il n'est pas fondé à faire valoir que, par voie de conséquence, l'interdiction de retour sur le territoire français serait dépourvue de base légale.

8. Il ressort des pièces du dossier que, pour prononcer l'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de six mois, le préfet s'est fondé notamment sur le fait que M. A... était connu pour des faits de vol avec destruction ou dégradation commis le 2 février 2019 mentionnés dans le fichier des traitements d'antécédents judiciaires. Si M. A... fait valoir que la simple mention d'un signalement dans le fichier des traitements d'antécédents judiciaires ne suffit pas à établir un comportement délictueux, il ne conteste pas être l'auteur des faits litigieux. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision attaquée est entachée d'une erreur de fait ne peut qu'être écarté.

9. La circonstance que la décision en litige est fondée notamment sur les informations relatives à M. A... et contenues dans ce traitement de données n'est pas de nature à révéler que le préfet ne se serait pas livré à un examen particulier de la situation personnelle de l'intéressé.

10. Il ressort des pièces du dossier que le préfet du Puy-de-Dôme, pour prononcer la mesure litigieuse, s'est fondé sur la circonstance que M. A... n'a pas déféré à une précédente mesure d'éloignement outre le fait qu'il était connu pour des faits de vol avec destruction ou dégradation. Par ailleurs, l'intéressé n'est entré sur le territoire français qu'en 2018 selon ses déclarations, s'est maintenu de manière irrégulière sur le territoire français après le rejet de sa demande d'asile et ne justifie pas de l'ancienneté de ses liens familiaux en France. Si un certificat médical fait état de ce que la grossesse de la compagne de M. A... nécessite une assistance rapprochée, M. A... n'établit pas que cette assistance ne pourrait pas être apportée par l'entourage proche de sa compagne ou par un tiers. Il s'ensuit que le préfet du Puy-de-Dôme n'a pas, en prononçant une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de six mois, commis d'erreur d'appréciation au regard des dispositions précitées alors même que cette mesure lui interdirait de retourner dans un autre pays de l'espace Schengen. En outre, la décision litigieuse prise pour une durée de six mois n'apparaît pas disproportionnée.

11. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande. Ses conclusions aux fins d'injonction sous astreinte et de mise à la charge de l'Etat des frais exposés par lui et non compris dans les dépens doivent être rejetées par voie de conséquence.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A....

Copie en sera adressée au ministre de l'intérieur et au préfet du Puy-de-Dôme.

Délibéré après l'audience du 16 décembre 2021, à laquelle siégeaient :

Mme Evrard, présidente de la formation de jugement,

Mme Caraës, première conseillère,

Mme Lesieux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 27 janvier 2022.

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N° 21LY01796


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY01796
Date de la décision : 27/01/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme EVRARD
Rapporteur ?: Mme Rozenn CARAËS
Rapporteur public ?: Mme VINET
Avocat(s) : MESSAOUD

Origine de la décision
Date de l'import : 01/02/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-01-27;21ly01796 ?
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