La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

27/01/2022 | FRANCE | N°20LY03100

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 7ème chambre, 27 janvier 2022, 20LY03100


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Dijon :

- d'annuler l'arrêté du 5 juillet 2019 du préfet de Saône-et-Loire portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire français sans délai à destination du Mali et interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans ;

- d'enjoindre au préfet de Saône-et-Loire de lui délivrer une carte de séjour temporaire.

Par jugement n° 19027936 lu le 7 juillet 2020, le tribunal administratif de Dijon a

rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par requête enregistrée le 23 octobre 2020, prése...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Dijon :

- d'annuler l'arrêté du 5 juillet 2019 du préfet de Saône-et-Loire portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire français sans délai à destination du Mali et interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans ;

- d'enjoindre au préfet de Saône-et-Loire de lui délivrer une carte de séjour temporaire.

Par jugement n° 19027936 lu le 7 juillet 2020, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par requête enregistrée le 23 octobre 2020, présentée pour M. B..., il est demandé à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 19027936 du tribunal administratif de Dijon lu le 7 juillet 2020 ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions susmentionnées ;

3°) d'enjoindre au préfet de Saône-et-Loire de lui délivrer une carte de séjour temporaire sous un mois, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans le même délai ;

4°) de mettre à la charge de l'État le paiement d'une somme de 2 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- dès lors que les éléments produits par le préfet ne sont pas de nature à remettre en cause la présomption de validité, résultant de l'article 47 du code civil, de l'acte de naissance qu'il a produit, même s'il comporte une erreur matérielle, alors qu'il a produit en outre une carte consulaire et un passeport établi sur la base d'un autre acte de naissance et, par suite, de remettre en cause son identité et son âge à la date de son entrée en France, il avait droit à un titre de séjour sur le fondement du de l'article L. 313-15 du CESEDA ; le refus de titre est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ; il méconnaît également les dispositions du 2° bis de l'article L. 313-11 du même code, dès lors qu'il a fait l'objet d'un placement provisoire par le procureur de la République avant d'avoir l'âge de seize ans ;

- l'obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité du refus de séjour ; elle porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- le refus de délai de départ volontaire est illégal dès lors qu'il justifiait de son identité et présentait des garanties de représentation ;

- le préfet n'a pas justifié l'avoir mis à même de préserver ses observations avant de prendre une mesure d'interdiction de retour ; aucun motif ne justifiait une telle mesure ;

- la fixation du pays de destination est illégale en raison de l'illégalité du refus de séjour.

La requête a été communiquée au préfet de Saône-et-Loire qui n'a pas produit d'observations.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 23 septembre 2020 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Lyon (section administrative d'appel).

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code civil ;

- code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de M. Seillet, président assesseur, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., se présentant comme un ressortissant de nationalité malienne né le 1er avril 2001, qui déclare être entré en France en mars 2017 et a fait l'objet d'une décision de placement provisoire auprès des services de l'aide sociale à l'enfance du procureur de la République d'Auxerre du 16 mars 2017 puis d'une ordonnance aux mêmes fins du juge des enfants du 6 avril 2017, a fait l'objet d'un arrêté du préfet de Saône-et-Loire du 5 juillet 2019 portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire français sans délai, interdiction du territoire national pendant une durée de deux ans et désignation du pays de renvoi. Il relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité du refus de séjour :

2. En premier lieu, Aux termes de l'article 388 du code civil : " Le mineur est l'individu (...) qui n'a point encore l'âge de dix-huit ans accomplis. / Les examens radiologiques osseux aux fins de détermination de l'âge, en l'absence de documents d'identité valables et lorsque l'âge allégué n'est pas vraisemblable, ne peuvent être réalisés que sur décision de l'autorité judiciaire et après recueil de l'accord de l'intéressé. / Les conclusions de ces examens, qui doivent préciser la marge d'erreur, ne peuvent à elles seules permettre de déterminer si l'intéressé est mineur. Le doute profite à l'intéressé (...) ".

3. L'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit, en son premier alinéa, que la vérification des actes d'état civil étrangers doit être effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. Cet article dispose que : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ".

4. Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis.

5. Pour refuser de délivrer le titre de séjour sollicité par M. B... sur le fondement des dispositions alors codifiées à l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers le préfet de Saône-et-Loire s'est fondé sur le motif tiré de ce que l'intéressé avait dissimulé son identité et son âge afin de bénéficier d'avantages conférés aux mineurs, après avoir constaté que, si l'intéressé, lors du dépôt de sa demande de titre de séjour, avait présenté initialement un acte de naissance n° 692 du 16 avril 2001, un courriel du consulat de France à Bamako avait indiqué qu'il s'agissait d'un faux, ce qui résultait du constat que ce document avait été établi en 2001 sur un formulaire, caractérisé à la fois par des encadrés et par la présence de trois volets, mis en place seulement en 2010. Dans ces conditions, et alors que M. B..., qui ne conteste pas la mise en service en 2010 du formulaire sur lequel a été rédigé l'acte de naissance produit, se borne à prétendre que cet acte, présenté pourtant comme un acte de naissance et non comme un extrait rédigé ultérieurement, comporterait une erreur matérielle portant sur la date, sans toutefois contester le constat de l'utilisation d'un formulaire en trois volets qui n'avait pas encore mis en place en 2001, et nonobstant la circonstance qu'il avait également produit une carte d'identité consulaire et un passeport, documents d'identité ne disposant d'aucune force probante particulière, établis sur la base d'un extrait d'acte de naissance rédigé en 2015 dont il affirme qu'il a été perdu, sans que ces éléments ne remettent en cause le caractère falsifié de l'acte de naissance produit, qui au demeurant ne comporte pas le numéro d'identification nationale (NINA) devant figurer sur un acte d'état civil délivré par le Mali, ces documents ne sont pas de nature à établir son identité ni son âge lors de sa prise en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance. Dès lors, le préfet a pu, à juste titre, à défaut pour le demandeur d'établir la réalité de son âge, refuser pour ce motif de lui délivrer la carte de séjour demandée sur le fondement des dispositions alors codifiées à l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Pour les mêmes motifs, M. B... n'est pas fondé à soutenir que le refus de séjour en litige méconnaît les dispositions alors codifiées au 2° bis de l'article L. 313-11 du même code, sur le fondement desquelles il n'avait au demeurant pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour.

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

6. En premier lieu il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité du refus de séjour au soutien de ses conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français.

7. En second lieu, M. B..., eu égard à la brièveté de son séjour en France, où il n'était présent que depuis deux années à la date de la décision qu'il conteste, et où il ne dispose d'aucune attache familiale alors que ses parents, avec lesquels il n'est pas allégué qu'il ne pourrait rétablir des liens, résident au Mali où lui-même a vécu jusqu'à l'âge déclaré de seize ans, ne peut se prévaloir d'une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie familiale et privée, nonobstant les formations professionnelles qu'il a suivies en France. Dès lors le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Pour le même motif, la mesure d'éloignement en litige n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation.

Sur la légalité du refus de délai de départ volontaire :

8. Aux termes des dispositions alors codifiées à l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " II. - L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français (...) / Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : a) Si l'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour (...) e) Si l'étranger a contrefait, falsifié ou établi sous un autre nom que le sien un titre de séjour ou un document d'identité ou de voyage ou s'il a fait usage d'un tel titre ou document ; f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité (...) ".

9. M. B... se prévaut de ce qu'il justifierait de son identité et disposerait de garanties de représentation. Il résulte toutefois de ce qui a été dit qu'ayant fait usage de documents falsifiés, il entre dans le champ d'application des dispositions alors codifiées au e) du 3 du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui permet au préfet, pour ce seul motif, de refuser un délai de départ volontaire à un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement.

Sur la légalité de l'interdiction de retour :

10. En premier lieu, il ressort de l'ensemble des dispositions du livre V du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable, notamment de son article L. 512-1, que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des décisions par lesquelles l'autorité administrative signifie à l'étranger une interdiction de retour sur le territoire français. Dès lors, les dispositions de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration, qui fixent les règles générales de procédure applicables aux décisions devant être motivées en vertu des dispositions de l'article L. 211-2 du même code, ne sauraient être utilement invoquées à l'encontre d'une décision portant interdiction de retour sur le territoire français.

11. En second lieu, aux termes des dispositions alors codifiées au III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé (...) / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour (...) La durée de l'interdiction de retour (...) [est décidée] par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ".

12. Il appartient au préfet, en vertu des dispositions précitées du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, d'assortir une obligation de quitter le territoire français sans délai d'une interdiction de retour sur le territoire français sauf dans l'hypothèse où des circonstances humanitaires justifieraient qu'il soit dérogé au principe. M. B... s'est vu refuser tout délai de départ volontaire pour exécuter l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre. Les circonstances dont il fait état, en se bornant à soutenir qu'il n'aurait pas utilisé des documents falsifiés, ne peuvent être regardées comme des circonstances humanitaires qui auraient pu justifier que l'autorité administrative ne prononçât pas d'interdiction de retour sur le territoire français.

Sur la légalité de la fixation du pays de renvoi :

13. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité du refus de séjour au soutien de ses conclusions dirigées contre la fixation du pays de renvoi.

14. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, les conclusions de M. B... aux fins d'injonction et celles de son conseil tendant au bénéfice des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de Saône-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 6 janvier 2022 à laquelle siégeaient :

M. Arbarétaz, président de chambre ;

M. Seillet, président assesseur ;

Mme Djebiri, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 janvier 2022.

1

2

N° 20LY03100


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY03100
Date de la décision : 27/01/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: M. Philippe SEILLET
Rapporteur public ?: M. CHASSAGNE
Avocat(s) : BREY

Origine de la décision
Date de l'import : 01/02/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-01-27;20ly03100 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award