Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Par trois demandes n° 1803631-1803632-1803634, la société à responsabilité limitée (SARL) IDM Construction a demandé au tribunal administratif de Lyon la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2014, du supplément d'impôt sur les sociétés mis à sa charge au titre de l'exercice clos en 2014 ainsi que de l'amende qui lui a été infligée sur le fondement du I de l'article 1737 du code général des impôts.
Par un jugement n° 1803631, 1803632, 1803634 du 17 septembre 2019, le tribunal administratif de Lyon a, dans un article 1er, déchargée la société requérante de l'amende qui lui a été infligée sur le fondement de l'article 1737 du code général des impôts et, dans un article 2, rejeté ses autres demandes.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 19 novembre 2019, la SARL IDM Construction, représentée par Me Delambre, demande à la cour :
1°) d'annuler l'article 2 de ce jugement du 17 septembre 2019 et lui accorder la décharge sollicitée au titre des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et du supplément d'impôt sur les sociétés en droits et pénalités ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La société requérante soutient que le versement de commissions en qualité d'apporteur d'affaires à l'EURL Européenne d'Investissement sont justifiées tant dans leur principe que dans leur montant par la production de trois factures ; la réalité des prestations fournies par l'EURL Européenne d'Investissement n'est pas contestable dès lors que pour tous les chantiers confiés par les sociétés Eurogal et F3S à la société requérante, le maître d'œuvre est M. A... et que le chiffre d'affaires de la société a considérablement augmenté entre 2013 et 2014.
Par un mémoire, enregistré le 12 mai 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens ne sont pas fondés.
Une ordonnance du 8 avril 2021 a fixé la clôture de l'instruction au 7 mai 2021.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Bourrachot, président,
- et les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. A l'issue d'une vérification de comptabilité, l'administration fiscale a notifié à la SARL IDM Construction, qui a pour activité les travaux de maçonnerie et gros œuvre du bâtiment, une proposition de rectification du 26 avril 2016, portant notamment sur la réintégration de certaines charges dans son bénéfice au titre de l'exercice clos en 2014 et la reprise du droit à déduction de la taxe sur la valeur ajouté ayant grevé ces charges au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2014. Les rappels de taxe sur la valeur ajoutée et le supplément d'impôt sur les sociétés procédant de ces rectifications ont été assortis des intérêts de retard et de pénalités pour manquement délibéré. La SARL IDM Construction relève appel de l'article 2 du jugement par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté ses demandes tendant à la décharge de ces rappels, supplément et majoration.
2. D'une part, aux termes du 1 de l'article 39 du code général des impôts, applicable à l'impôt sur les sociétés par l'article 209 du même code : " Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment :/ 1° Les frais généraux de toute nature (...) ".
3. En vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, s'il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits nécessaires au succès de sa prétention, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci. Il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions du 1 de l'article 39 du code général des impôts selon lesquelles le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, de justifier tant du montant des créances de tiers, amortissements, provisions et charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité. En ce qui concerne les charges, le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée. Dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive.
4. En vertu de ces principes, lorsqu'une entreprise a déduit en charges une dépense réellement supportée, conformément à une facture régulière relative à un achat de prestations ou de biens dont la déductibilité par nature n'est pas contestée par l'administration, celle-ci peut demander à l'entreprise qu'elle lui fournisse tous éléments d'information en sa possession susceptibles de justifier la réalité et la valeur des prestations ou biens ainsi acquis. La seule circonstance que l'entreprise n'aurait pas suffisamment répondu à ces demandes d'explication ne saurait suffire à fonder en droit la réintégration de la dépense litigieuse, l'administration devant alors fournir devant le juge tous éléments de nature à étayer sa contestation du caractère déductible de la dépense. Le juge de l'impôt doit apprécier la valeur des explications qui lui sont respectivement fournies par le contribuable et par l'administration.
5. L'administration a remis en cause la déductibilité de trois factures émises par l'EURL Européenne d'Investissement les 31 janvier, 30 juin et 2 août 2014 d'un montant respectif de 101 000 euros, 130 500 euros et 45 500 euros, portées en déduction de son résultat imposable au titre de l'exercice clos en 2014 par la société IDM Construction, correspondant à des commissions versées par cette société à l'EURL Européenne d'investissements, gérée par la belle-sœur de M. B... C..., gérant de la SARL IDM Construction, pour des prestations d' " apporteur d'affaires " que l'administration a estimées dénuées de réalité. Il résulte de l'instruction qu'après mise en œuvre du droit de communication, le maître d'œuvre, architecte des différents marchés de travaux privés mentionnés sur lesdites factures et confiés à la société IDM Construction, a indiqué qu'aucun intermédiaire n'était intervenu dans les différentes opérations pour obtenir l'attribution de ces contrats au profit de la société IDM Construction. En outre, il est constant que l'EURL Européenne d'Investissement a été dissoute le 31 août 2013, soit antérieurement à l'émission des factures litigieuses, puis liquidée le 24 avril 2014 et radiée du registre du commerce et des sociétés le 12 juin 2014. La société IDM Construction n'apporte à l'appui de son argumentation aucun élément pertinent susceptible de remettre en cause ces éléments, de nature à caractériser l'absence de réalité et de matérialité des prestations rendues par l'EURL Européenne d'investissements à la société IDM Construction et, par suite, leur absence de déductibilité du résultat imposable de cette dernière en vertu des dispositions précitées. Dans ces conditions, c'est à bon droit que l'administration fiscale a réintégré dans la base d'imposition à l'impôt sur les sociétés de la SARL IDM Construction les sommes correspondant aux factures litigieuses.
6. D'autre part, en vertu des dispositions combinées des articles 271, 272 et 283 du code général des impôts, un contribuable n'est pas en droit de déduire de la taxe sur la valeur ajoutée dont il est redevable à raison de ses propres opérations, la taxe mentionnée sur une facture établie à son nom par une personne qui ne lui a fourni aucune marchandise ou prestation de services, ou qui n'était pas le fournisseur réel de la marchandise ou de la prestation effectivement livrée ou exécutée. Dans le cas où l'auteur de la facture était régulièrement inscrit au registre du commerce et des sociétés et se présentait à ses clients comme assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée, sans qu'il soit manifeste qu'il n'aurait pas rempli les obligations l'autorisant à faire figurer cette taxe sur ses factures, il appartient à l'administration, si elle entend refuser à celui qui a reçu la facture le droit de déduire la taxe qui y était mentionnée, d'établir qu'il s'agissait d'une facture fictive ou d'une facture de complaisance. Si l'administration apporte des éléments suffisants permettant de penser que la facture ne correspond pas à une opération réelle, il appartient alors au contribuable d'apporter toutes justifications utiles sur la réalité de cette opération.
7. En l'espèce, compte tenu de ce qui a été énoncé au point 5, l'administration doit être regardée comme démontrant le caractère fictif des différentes factures en cause et était ainsi fondée à remettre en cause la taxe sur la valeur ajoutée déduite au titre desdites opérations.
8. Il résulte de ce qui précède que la SARL IDM Construction n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'article 2 du jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté ses demandes tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et du supplément d'impôt sur les sociétés mis à sa charge au titre de l'exercice clos en 2013 en droits et pénalités. Les conclusions qu'elle présente en appel aux mêmes fins doivent être rejetées ainsi que ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la SARL IDM Construction est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL IDM Construction et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Délibéré après l'audience du 6 janvier 2022 à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme Dèche, présidente assesseure,
Mme Le Frapper, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 27 janvier 2022.
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N° 19LY04308