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26/01/2022 | FRANCE | N°20LY00873

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre, 26 janvier 2022, 20LY00873


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon :

1°) d'annuler la décision en date du 6 juin 2018 par laquelle le directeur du centre hospitalier de Pélussin a prononcé sa révocation ;

2°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Pélussin une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1805669 du 31 décembre 2019, le tribunal administratif de Lyon a annulé la décision du directeur du centre hospitalie

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon :

1°) d'annuler la décision en date du 6 juin 2018 par laquelle le directeur du centre hospitalier de Pélussin a prononcé sa révocation ;

2°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Pélussin une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1805669 du 31 décembre 2019, le tribunal administratif de Lyon a annulé la décision du directeur du centre hospitalier de Pélussin du 6 juin 2018 portant révocation de M. A... et a mis à la charge du centre hospitalier une somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 27 février 2020 et un mémoire enregistré le 30 avril 2021, le centre hospitalier de Pélussin, représenté par Me Calvet-Baridon (SELARL Doitrand et associés), avocate, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 31 décembre 2019 ;

2°) de rejeter la demande de M. A... ;

3°) de mettre à la charge de M. A... une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier, le principe du contradictoire ayant été méconnu ;

- les faits reprochés à M. A... sont établis et suffisamment graves pour justifier la sanction en litige ;

- l'enquête administrative qui a permis d'établir ces faits a été menée dans des conditions régulières.

Par un mémoire en défense enregistré le 8 juillet 2020, M. A..., représenté par la SELARL Delgado et Meyer, avocats, conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge du centre hospitalier de Pélussin la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il expose que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 30 avril 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 31 mai 2021.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Sophie Corvellec, première conseillère ;

- les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public ;

- les observations de Me Calvet-Baridon avocat, représentant le centre hospitalier de Pélussin, et de Me Tastevin, avocat, représentant M. A... ;

Considérant ce qui suit :

1. Le centre hospitalier de Pélussin relève appel du jugement du 31 décembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Lyon a annulé la décision de son directeur du 6 juin 2018 prononçant la révocation de M. A..., infirmier exerçant au sein du centre hospitalier depuis 2009.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article 81 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, dans sa rédaction alors applicable : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : / Premier groupe : L'avertissement, le blâme ; / Deuxième groupe : La radiation du tableau d'avancement, l'abaissement d'échelon, l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de quinze jours ; / Troisième groupe : La rétrogradation, l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de trois mois à deux ans ; / Quatrième groupe : La mise à la retraite d'office, la révocation. / (...) L'exclusion temporaire de fonctions, qui est privative de toute rémunération, peut être assortie d'un sursis total ou partiel. ".

3. En l'absence de disposition législative contraire, l'autorité investie du pouvoir disciplinaire, à laquelle il incombe d'établir les faits sur le fondement desquels elle inflige une sanction à un agent public, peut apporter la preuve de ces faits devant le juge administratif par tout moyen. Toutefois, tout employeur public est tenu, vis-à-vis de ses agents, à une obligation de loyauté. Il ne saurait, par suite, fonder une sanction disciplinaire à l'encontre de l'un de ses agents sur des pièces ou documents qu'il a obtenus en méconnaissance de cette obligation, sauf si un intérêt public majeur le justifie. Il appartient au juge administratif, saisi d'une sanction disciplinaire prononcée à l'encontre d'un agent public, d'en apprécier la légalité au regard des seuls pièces ou documents que l'autorité investie du pouvoir disciplinaire pouvait ainsi retenir. Il lui appartient également, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

4. M. A..., infirmier titulaire depuis le 1er janvier 1997, a été recruté par le centre hospitalier de Pélussin à compter du 1er février 2009. Au terme d'une enquête administrative, le directeur du centre hospitalier a, pour justifier sa révocation, retenu trois séries de griefs à son encontre, en lui reprochant de s'être livré, le 2 janvier 2018, à des actes de harcèlement sexuel, ou assimilés, à l'égard d'un jeune collègue débutant, M. G., placé sous son autorité fonctionnelle, plus généralement d'avoir adopté une attitude inadaptée et eu des gestes déplacés et des propos inappropriés à caractère sexuel ou violents à l'égard de certains collègues et, enfin, d'avoir commis des actes de maltraitance, ou, à tout le moins, eu des pratiques professionnelles douteuses, brutales et agressives, envers des patients âgés et vulnérables, notamment à la fin de l'année 2017 et le 2 janvier 2018 à l'égard de Mme M.

5. L'enquête administrative à laquelle M. A... reproche d'avoir méconnu les exigences de loyauté et d'impartialité, ainsi que les droits de la défense, a été menée des mois de janvier à mars 2018 et a permis de recueillir les témoignages de près de vingt-cinq agents, avant l'engagement de la procédure disciplinaire. Indépendante de celle-ci, elle n'était soumise à aucun formalisme particulier dont la méconnaissance vicierait la procédure disciplinaire. La circonstance qu'elle ait été menée par la direction du centre hospitalier, également à l'origine de la sanction en litige, n'est pas de nature à remettre en cause l'objectivité de ces investigations, M. A... ne se prévalant d'aucune manifestation particulière d'animosité personnelle ou de partialité à son égard. De même, les conditions dans lesquelles les entretiens ont été menés et les procès-verbaux établis ne sont pas en elles-mêmes de nature à remettre en cause la force probante de ces derniers, sauf à ce que l'exactitude des propos qu'ils rapportent soit utilement contredite par ailleurs. Par suite, M. A... n'est pas fondé à remettre en cause la régularité de cette enquête pour soutenir que les témoignages sur lesquels elle repose devraient être écartés.

6. D'une part, il ressort des pièces du dossier, plus précisément d'une douzaine de témoignages concordants sur ce point et faisant état de propos dont leurs auteurs ont été directement témoins, sans se borner à relater de simples rumeurs, que M. A... avait pour habitude d'adresser des propos grossiers et dégradants, à caractère sexuel ou relatifs au physique, voire des insultes à l'égard de collègues féminines, généralement lors de leur prise de fonctions au centre hospitalier. A ces paroles se sont parfois ajoutés des gestes déplacés, dont trois agents ont témoigné, consistant notamment à se placer dans le dos de collègues féminines. Ces paroles comme ces gestes, proférés au détriment de collègues, et sans leur consentement, et qui ne sauraient dès lors être justifiés ni par un prétendu humour propre à M. A..., ni par sa tendance à " être tactile ", présentent un caractère fautif et ont été de nature à porter atteinte à la dignité des personnels concernés et à créer un contexte de malaise au sein du service, sans qu'il ne soit prétendu que de tels comportements y seraient communément admis. S'agissant, plus particulièrement, des faits qui lui sont reprochés à l'égard d'un jeune collègue, M. G., le 2 janvier 2018, ce grief s'appuie sur le témoignage de l'intéressé, précis et réitéré lors de son audition à la gendarmerie d'Annonay le 3 janvier 2018, qui, dans le contexte précédemment décrit, ne saurait être considéré comme dépourvu de crédibilité. En outre, si ce témoignage est contesté par M. A..., il résulte des explications même de ce dernier, exposées lors d'un entretien réalisé le 8 janvier 2018, qu'il a alors, à tout le moins, adopté un comportement particulièrement inapproprié envers un agent débutant et placé sous son autorité fonctionnelle, notamment en l'invitant à se joindre à lui dans une cabine de douche où il était en sous-vêtements et qu'il a fermée à clé et en lui tenant alors des propos ambiguë relatif à son orientation sexuelle, dans le but de le " recadrer ". Ce comportement est également fautif, alors même qu'il échapperait à la qualification de harcèlement sexuel. D'autre part, il résulte de sept témoignages concordants à cet égard que M. A... a adopté des pratiques brutales, et étrangères aux usages de la profession, à l'égard de patients âgés, consistant à les forcer à prendre leur traitement en leur serrant les mâchoires. En outre, il a eu un comportement violent, à tout le moins à deux reprises, à l'égard d'une résidente, Mme M., atteinte de la maladie d'Alzheimer, au mois de décembre 2017 et le 2 janvier 2018. Les éléments de contexte, tels que les bruits alors entendus, les rougeurs constatées sur le visage de l'intéressée et le comportement de M. A..., rapportés, pour chacun de ces deux incidents, par deux agents différents, dans des témoignages qui, s'ils comportent des imprécisions notamment quant à la date du premier incident ou quant aux paroles exactes alors prononcées par la patiente, n'en demeurent pas moins cohérents et nullement démentis par des pièces ou explications apportées par M. A..., permettent de considérer comme établies les gifles qui lui sont imputées et dont la gravité ne saurait être atténuée par le caractère difficile de la patiente. Si la réalité des autres actes de maltraitance reprochés n'est pas démontrée, en l'absence de témoignages suffisamment précis et concordants les concernant, M. A... a ainsi fait preuve d'un comportement fautif, incompatible avec ses fonctions d'infirmier auprès de patients vulnérables.

7. Eu égard à la nature des fonctions exercées par M. A..., à la gravité et au caractère répété des faits fautifs ainsi reprochés, commis à l'encontre de collègues et de patients particulièrement vulnérables, et nonobstant la double circonstance que certains de ces faits ont fait l'objet d'un jugement de relaxe par le tribunal correctionnel de Saint-Etienne et qu'il avait seulement, jusqu'alors, été rappelé à l'ordre à deux reprises, pour des faits distincts, sans être sanctionné, la sanction de révocation prononcée à son encontre n'est pas disproportionnée.

8. Il suit de là, et sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens contestant la régularité du jugement attaqué, que le centre hospitalier de Pélussin est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Lyon a, pour annuler la décision du 6 juin 2018, retenu le moyen tiré de la disproportion de cette sanction.

9. Aucun autre moyen n'a été invoqué devant le tribunal administratif de Lyon par M. A... à l'appui de sa demande dont la cour se trouverait saisie par l'effet dévolutif de l'appel.

Sur les frais liés au litige :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier de Pélussin, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par M. A.... Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de ce dernier le paiement des frais exposés par le centre hospitalier de Pélussin au titre de ces mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lyon du 31 décembre 2019 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Lyon et ses conclusions présentées en appel sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions du centre hospitalier de Pélussin tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier de Pélussin et à M. B... A....

Délibéré après l'audience du 11 janvier 2022, à laquelle siégeaient :

M. Jean-Yves Tallec, président de chambre,

M. Gilles Fédi, président-assesseur,

Mme Sophie Corvellec, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 janvier 2022.

2

N° 20LY00873


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY00873
Date de la décision : 26/01/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-09-04 Fonctionnaires et agents publics. - Discipline. - Sanctions.


Composition du Tribunal
Président : M. TALLEC
Rapporteur ?: Mme Sophie CORVELLEC
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : DOITRAND et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 01/02/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-01-26;20ly00873 ?
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