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20/01/2022 | FRANCE | N°20LY00861

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre, 20 janvier 2022, 20LY00861


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La régie départementale des transports de l'Ain a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner in solidum, sur le fondement de la garantie décennale, les sociétés Delers et associés, Bel Air architectures, Caillaud ingénierie, Socatra, Bugey espaces verts, Groupama Rhône-Alpes-Auvergne et l'Auxiliaire à lui verser la somme totale de 131 160,20 euros assortie des intérêts et de leur capitalisation en réparation des préjudices résultant des désordres survenus à l'occasion des travaux de con

struction d'une agence d'exploitation et de maintenance des cars située dans la...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La régie départementale des transports de l'Ain a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner in solidum, sur le fondement de la garantie décennale, les sociétés Delers et associés, Bel Air architectures, Caillaud ingénierie, Socatra, Bugey espaces verts, Groupama Rhône-Alpes-Auvergne et l'Auxiliaire à lui verser la somme totale de 131 160,20 euros assortie des intérêts et de leur capitalisation en réparation des préjudices résultant des désordres survenus à l'occasion des travaux de construction d'une agence d'exploitation et de maintenance des cars située dans la commune d'Izernore.

Par un jugement n° 1802588 du 19 décembre 2019, ce tribunal a rejeté ses conclusions dirigées contre les sociétés Groupama Rhône-Alpes-Auvergne et l'Auxiliaire et les conclusions de la société Socatra dirigées contre la société Bugey espaces verts comme portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître, a condamné les sociétés Delers et associés, Bel Air architectures, Caillaud ingénierie et Socatra à verser à la régie départementale des transports de l'Ain la somme de 40 780,35 euros HT, assortie des intérêts légaux à compter du 29 mars 2018, ces intérêts étant eux-mêmes capitalisés, et a fait droit aux appels en garantie croisés des sociétés condamnées.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 27 février 2020, la régie départementale des transports de l'Ain, représentée par Me Dez, demande à la cour :

1°) de réformer ce jugement en tant qu'il a limité le montant de son indemnisation qui devra être augmenté de la somme de 77 817,65 euros pour tenir compte de la moins-value affectant l'ouvrage ;

2°) de mettre à la charge de la société Delers et associés in solidum avec les sociétés Bel Air architectures, Caillaud ingénierie, Socatra et Bugey espaces verts la somme de 3 000 euros au titre des frais du litige.

Elle soutient que le traitement des surfaces par des enrobés apporte une moins-value de 77 817,65 euros à l'ouvrage initial conçu selon une démarche " Haute qualité environnementale " et provoque un surcoût dû à l'installation d'un arrosage automatique des dalles engazonnées et d'un ouvrage destiné à la récupération des eaux pluviales.

Par des mémoires en défense enregistrés les 29 juillet et 28 octobre 2020 la société Socatra, représentée par Me Descout, conclut au rejet de la requête et des conclusions dirigées contre elle et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la régie départementale des transports de l'Ain et des sociétés Delers et associés et Bel Air architectures au titre des frais du litige.

Elle fait valoir que :

- la circonstance que la régie ait retenu une solution de reprise en enrobé d'un coût inférieur au procédé mis en œuvre dans le cadre du projet ne permet pas de caractériser un préjudice ;

- l'ouvrage en enrobé répond à la destination prévue pour un coût d'entretien moindre ;

- cette substitution de procédé a été sans conséquence sur le dimensionnement du réseau de collecte des eaux pluviales, de sorte que les frais que la régie a exposés au titre des travaux de récupération des eaux pluviales n'ont pas été inutiles ;

- le désordre est imputable à la société Caillaud, qui n'a pas imposé dans le CCTP qu'elle a rédigé la mise en œuvre de matériaux drainants, à la société Delers et associés, qui a omis de relever cette imprécision et de rappeler aux sociétés Socatra et Bugey espaces verts qu'elles devaient employer des matériaux drainants, dans une moindre mesure à la société Bel Air architectures, qui n'a pas relevé l'insuffisante perméabilité, et aux sociétés Socatra et Bugey espaces verts ;

- la juridiction administrative est compétente pour connaître des appels en garantie diriges contre la société Bugey espaces verts.

Par un mémoire en défense enregistré le 31 août 2020 les sociétés Delers et associés et Bel Air architecture, représentées par Me Prudon, concluent au rejet de la requête, à l'annulation des articles 3 à 9 du jugement attaqué, à la condamnation des sociétés Caillaud ingénierie et Socatra, ou les mêmes avec la société Bugey espaces verts, à les garantir intégralement des sommes mises à leur charge, à ce que les frais d'expertise soit mis à la charge des sociétés condamnées à hauteur de leur part de responsabilité et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la régie départementale des transports de l'Ain et des autres intimés au titre des frais du litige.

Elles font valoir que :

- la régie départementale des transports de l'Ain n'est pas recevable à rechercher leur responsabilité contractuelle après la notification des décomptes généraux et définitifs de leurs marchés ;

- les travaux de reprise ont été d'une importance moindre que les travaux initiaux ;

- la substitution de procédé a été sans conséquence sur le dimensionnement du réseau de collecte des eaux pluviales, de sorte que les frais que la régie a exposés au titre des travaux de récupération des eaux pluviales n'ont pas été inutiles ;

- ces frais et le coût des travaux de reprise constituent le même préjudice ;

- il n'entrait pas dans la mission de la société Delers et associés de contrôler les prestations des autres membres du groupement de maîtrise d'œuvre et elle n'est pas intervenue au stade de l'exécution des travaux ;

- la société Bel Air architectures était tenue des seules obligations de moyens et il ne lui incombait pas d'émettre des réserves sur la structure d'assise des dalles engazonnées ;

- le désordre est imputable à la société Caillaud, qui n'a pas imposé dans le CCTP la mise en œuvre de matériaux drainants, et aux sociétés Socatra et Bugey espaces verts, qui avaient une obligation de résultat pour la parfaite tenue de l'ouvrage et n'ont pas émis de réserve sur la structure d'assise.

Par un mémoire en défense enregistré le 28 octobre 2020 la société Caillaud Ingénierie, représentée par Me Bois, conclut à l'annulation du jugement attaqué, au rejet des conclusions dirigées contre elle ou, subsidiairement, à ce que sa part de responsabilité soit limitée à 20 % et à la condamnation de la société Socatra à la garantir des condamnations prononcées à son encontre et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la régie départementale des transports de l'Ain ou de qui mieux la devra au titre des frais du litige.

Elle fait valoir que :

- le désordre est imputable à la seule société Socatra qui n'a pas respecté les prescriptions du CCTP et de la fiche technique du procédé mis en œuvre ;

- les conclusions indemnitaires de la requête sont fondées sur la responsabilité contractuelle des constructeurs ;

- le préjudice dont la régie départementale des transports de l'Ain demande la réparation résulte de sa décision de substituer une aire réalisée en enrobé à l'aire perméable initiale qui s'est révélée défectueuse et, au surplus, cette substitution n'est pas une cause de moins-value à l'ouvrage.

Par un mémoire enregistré le 10 décembre 2021 la société Bugey espaces verts, représentée par Me Deygas, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la régie départementale des transports de l'Ain au titre des frais du litige.

Elle fait valoir que :

- les conclusions de la régie départementale des transports de l'Ain dirigées contre elle, qui n'a pas la qualité de constructeur de l'ouvrage, sont irrecevables ;

- le recours à une solution utilisant des enrobés apporte une plus-value à l'ouvrage.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code civil ;

- le code des marchés publics, alors en vigueur ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Michel,

- les conclusions de M. Savouré, rapporteur public,

- et les observations de Me Gneno-Gueydan, représentant la société Bugey espaces verts, celles de Me Prudon, représentant les sociétés Delers et associés et Bel Air architectures, et celles de Me Rattier, représentant la société Caillaud ingénierie.

Considérant ce qui suit :

1. L'établissement public industriel et commercial " régie départementale des transports de l'Ain ", ci-après la Régie, a confié la maîtrise d'œuvre du projet de construction à Izernore (01580) d'une agence d'exploitation et de maintenance des cars à un groupement conjoint constitué entre la société Delers et associés, mandataire du groupement et concepteur du projet, de la société Bel Air architectures, maître d'œuvre d'exécution, de la société Caillaud ingénierie, bureau d'études techniques des fluides et économiste du bâtiment, et de la société Chapuis structure, bureau d'études techniques des structures. Le projet incluait la réalisation de deux aires de stationnement à revêtement perméable pour cars et véhicules légers. La Régie a conclu un marché public de travaux pour l'exécution du lot n° 1 " terrassement - VRD " avec la société Socatra, qui a sous-traité la mise en place de la structure d'assise de dalles engazonnées et leur pose à la société Bugey espaces verts. La réception de l'ouvrage a été prononcée le 22 juillet 2010 avec une réserve relative à des dalles engazonnées manquantes sur l'aire de stationnement pour véhicules légers. Dès les premières pluies de l'automne 2010, le revêtement de l'aire de stationnement des cars et, dans une moindre mesure, de celui pour véhicules légers, moins sollicité, est devenu instable, s'est affaissé et a été affecté d'ornières. Un expert judiciaire a été désigné le 6 juillet 2012 à la demande de la Régie. Sur la base des conclusions du rapport d'expertise, la Régie a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner in solidum, sur le fondement de la garantie décennale, les sociétés Delers et associés, Caillaud ingénierie, Socatra, Bugey espaces verts, Groupama Rhône-Alpes-Auvergne et l'Auxiliaire à lui verser la somme totale de 131 160,20 euros assortie des intérêts et de leur capitalisation. Par un jugement du 19 décembre 2019, ce tribunal a rejeté ses conclusions dirigées contre les sociétés Groupama Rhône-Alpes-Auvergne et l'Auxiliaire et les conclusions de la société Socatra dirigées contre la société Bugey espaces vertes comme portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître, a condamné les sociétés Delers et associés, Bel Air architectures, Caillaud ingénierie et Socatra à verser à la Régie la somme de 40 780,35 euros HT, assortie des intérêts légaux à compter du 29 mars 2018, ces intérêts étant eux-mêmes capitalisés, et a fait droit aux appels en garantie croisés des sociétés condamnées. La Régie relève appel de ce jugement en tant qu'il a limité son indemnisation au montant des travaux de réfection de l'aire de stationnement des cars, réalisés en cours de l'été 2014, qui ont consisté à la remplacer par une aire imperméabilisée avec un revêtement en enrobé.

2. Il n'est pas contesté que le désordre, qui n'était pas apparent lors de la réception définitive de l'ouvrage et consiste en une mauvaise tenue mécanique du revêtement, affecte l'ensemble de l'aire de stationnement des cars en dalles engazonnées et plus particulièrement sa zone centrale, sur laquelle les cars ne peuvent pas stationner en période pluvieuse ou hivernale, et est de nature à rendre l'ouvrage impropre à sa destination. Le tribunal a imputé le désordre aux sociétés Delers et associés, Bel Air architectures et Caillaud ingénierie d'une part, et à la société Socatra, d'autre part.

3. En premier lieu, il résulte du l'instruction, en particulier du rapport d'expertise judiciaire, que la cause du désordre réside dans l'insuffisante perméabilité des matériaux constitutifs de la structure de fondation des sols de l'aire de stationnement. Les résultats des essais en laboratoire auxquels a fait procéder l'expert judiciaire sur les échantillons de la couche de matériaux gravelo-sableux entre les dalles engazonnées de surface et leur structure de pose ont révélé la présence significative d'une fraction fine limino-argileuse, donc peu perméable. Le cahier des clauses techniques particulières du lot " terrassement - VRD " ne précisait pas en effet que la structure supportant l'aire de stationnement devait être constituée de matériaux drainants. Par suite, le désordre est de nature à être partiellement imputé à la société Caillaud ingénierie, qui n'est pas fondée à opposer à la Régie l'imputabilité du désordre à la société Socatra.

4. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que le programme élaboré initialement et retenu pour la construction de l'agence d'exploitation et de maintenance des cars prévoyait des aires intégralement réalisées en enrobé. L'emploi de dalles engazonnées était mentionné comme une variante technique, envisagée pour des raisons environnementales et pour réduire les surfaces imperméabilisées, conformément au règlement de la zone artisanale " Les Champagnes ". Pour prévenir la mauvaise tenue mécanique des dalles engazonnées, la Régie qui avait finalement retenu ce mode de réalisation des aires de stationnement, a renoncé à une simple réfection à l'identique de l'aire de stationnement pour se garantir contre le renouvellement du même désordre. La réalisation de l'aire de stationnement en enrobé, si elle est un moyen de remédier aux désordres apparus, améliore tant les caractéristiques mécaniques que la portance de l'ouvrage, qui doit supporter durablement les charges propres aux véhicules accueillis. Par ailleurs et ainsi que l'a relevé l'expert judiciaire dans son rapport, les hypothèses de dimensionnement du réseau de collecte des eaux pluviales avaient été établies dans le cadre du programme de base de réalisation d'aires imperméabilisées. Dans ces conditions, les sociétés Delers et associés, Bel Air architectures, Caillaud ingénierie et Socatra ne peuvent être condamnées à verser une quelconque somme supplémentaire à la Régie, y compris au titre d'un surcoût lié à l'installation d'un dispositif d'arrosage automatique, qui résulte du choix de la variante initialement retenue. L'établissement appelant n'est dès lors pas fondé à demander la réformation du jugement attaqué.

5. En troisième lieu, le présent arrêt n'a pas pour effet d'aggraver la situation des sociétés Delers et associés, Bel Air architecture et Caillaud ingénierie telle qu'elle a été fixée par le jugement attaqué du tribunal administratif de Lyon. Par suite, les appels en garantie formés, d'une part, par les sociétés Delers et associés et Bel Air architectures contre les sociétés Caillaud ingénierie, Socatra et Burgey espaces verts et, d'autre part, par la société Caillaud ingénierie contre la société Socatra, qui ont été présentés après l'épuisement du délai d'appel, sont irrecevables par la voie de l'appel provoqué et doivent être rejetés.

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de laisser à la charge des parties les frais qu'elles ont exposés au titre du litige.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la régie départementale des transports de l'Ain et les conclusions présentées en appel par les sociétés Delers et associés, Bel Air architectures, Caillaud ingénierie, Socotra et Bugey espaces verts sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la régie départementale des transports de l'Ain et aux sociétés Delers et associés, Bel Air architectures, Caillaud ingénierie, Socotra et Bugey espaces verts.

Délibéré après l'audience du 16 décembre 2021, à laquelle siégeaient :

M. d'Hervé, président,

Mme Michel, présidente assesseure,

Mme Duguit-Larcher, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 janvier 2022.

2

N° 20LY00861


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY00861
Date de la décision : 20/01/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-06-01-04 Marchés et contrats administratifs. - Rapports entre l'architecte, l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage. - Responsabilité des constructeurs à l'égard du maître de l'ouvrage. - Responsabilité décennale.


Composition du Tribunal
Président : M. d'HERVE
Rapporteur ?: Mme Céline MICHEL
Rapporteur public ?: M. SAVOURE
Avocat(s) : SELARL AVENIR JURISTE

Origine de la décision
Date de l'import : 01/02/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-01-20;20ly00861 ?
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