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19/01/2022 | FRANCE | N°21LY00866

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 19 janvier 2022, 21LY00866


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. D... H... C... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 23 janvier 2020 par laquelle le préfet du Rhône lui a refusé le renouvellement de son titre de séjour.

Par un jugement n° 2002538 du 10 décembre 2020, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 19 mars 2021, M. C..., représenté par Me Petit, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la décis

ion du préfet du Rhône du 23 janvier 2020 ;

3°) d'enjoindre au préfet, à titre principal, de lui délivrer une...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. D... H... C... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 23 janvier 2020 par laquelle le préfet du Rhône lui a refusé le renouvellement de son titre de séjour.

Par un jugement n° 2002538 du 10 décembre 2020, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 19 mars 2021, M. C..., représenté par Me Petit, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision du préfet du Rhône du 23 janvier 2020 ;

3°) d'enjoindre au préfet, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois, à titre subsidiaire, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour avec droit au travail dans le délai de quinze jours ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat, à verser à son conseil, une somme de 1 300 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- que le jugement est irrégulier, les premiers juges n'ayant pas répondu à l'ensemble des branches de son moyen tiré du vice de procédure ; dans ces conditions, l'affaire sera renvoyée devant le tribunal administratif de Lyon pour qu'il soit de nouveau statué sur sa demande ;

- la décision a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière ; l'apposition de fac-similés des signatures sur l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ne présente aucune garantie quant à l'identité des signataires ; les médecins n'ont pas délibéré collégialement ; il appartient au préfet de produire les extraits de l'application Themis afin de permettre à la cour de vérifier que les trois médecins composant le collège ont bien délibéré collégialement ;

- la décision méconnaît le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet du Rhône n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation, a méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- il a également méconnu le paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

La requête a été communiquée au préfet du Rhône qui n'a pas produit d'observations.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 12 février 2021.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

La présidente de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de Mme Lesieux, première conseillère, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. M. D... H... C..., ressortissant angolais né en 1965, est entré en B..., accompagné d'un de ses enfants mineurs, le 13 juillet 2015 selon ses déclarations. Sa demande d'asile, ainsi que celle de sa compagne, Mme A..., entrée en B... en décembre 2014 avec un autre de leurs enfants mineurs, ont été successivement rejetées par le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, le 29 avril 2016, et la Cour nationale du droit d'asile, le 28 mars 2017. Mais compte tenu de leur état de santé, le préfet du Rhône a délivré à chacun un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " valable du 8 février 2017 au 7 février 2018. M. C... relève appel du jugement du 10 décembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 23 janvier 2020 du préfet du Rhône lui refusant le renouvellement de ce titre de séjour.

Sur la régularité du jugement :

2. A l'appui de sa demande, M. C... soutenait notamment que la décision portant refus de renouvellement de son titre de séjour avait été prise à l'issue d'une procédure irrégulière, le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) n'ayant pas délibéré collégialement. Le tribunal ne s'est pas prononcé sur ce moyen, qui n'était pas inopérant. Par suite, son jugement doit être annulé.

3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Lyon.

Sur la légalité de la décision du préfet du Rhône du 23 janvier 2020 :

4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en B..., si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. (...) La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ". Selon l'article R. 313-22 de ce code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé (...) ". Aux termes de l'article R. 313-23 du même code : " Le rapport médical mentionné à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement le demandeur ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa de l'article R. 313-22. (...) Il transmet son rapport médical au collège de médecins. (...) Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. / Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle (...) ". Aux termes de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 visé ci-dessus : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté (...) Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. / L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège ".

5. D'une part, il ressort des pièces du dossier que le préfet du Rhône a refusé le renouvellement du titre de séjour de M. C... au vu d'un avis émis par le collège des médecins de l'OFII le 14 septembre 2018. Cet avis a été émis au vu du rapport médical établi le 10 juillet 2018 par le Dr F... E... qui n'a pas siégé au sein du collège. Par ailleurs, cet avis est revêtu des signatures des trois médecins composant ce collège et porte la mention " Après en avoir délibéré, le collège des médecins de l'OFII émet l'avis suivant " laquelle atteste du caractère collégial de l'avis. La circonstance que ces médecins exercent leur activité professionnelle dans des villes différentes et qu'ils ne seraient pas " suffisamment disponibles " ne permet pas d'établir qu'ils n'auraient pas délibéré de façon collégiale, le cas échéant au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle comme le prévoient les dispositions précitées des articles R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur et 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016. Pour contester la régularité de cet avis, M. C... produit devant la cour des extraits du logiciel de traitement informatique Themis, qui outre qu'ils ne concernent pas l'intéressé, ne sauraient constituer, à supposer même que les médecins du collège de l'OFII signent l'avis qu'ils émettent à des dates et heures différentes, la preuve qu'ils n'auraient pas délibéré collégialement. Enfin, si les signatures figurant sur l'avis en cause sont des fac-similés, aucun élément du dossier ne permet d'estimer que les signataires, dont l'identité est précisée, n'auraient pas siégé au sein du collège de médecins de l'OFII. Par suite, sans qu'il soit besoin avant-dire droit, d'enjoindre au préfet du Rhône de produire des extraits de l'application Themis relatifs à l'examen de son dossier, M. C... n'est pas fondé à soutenir qu'il a été privé de la garantie tenant au débat collégial du collège des médecins de l'OFII. Son moyen tiré de ce que la décision attaquée a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière doit donc être écarté.

6. D'autre part, par son avis du 14 septembre 2018, le collège des médecins de l'OFII a estimé que si l'état de santé de M. C... nécessite une prise en charge dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il peut, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans son pays d'origine, y bénéficier effectivement d'un traitement approprié et peut voyager sans risque à destination de ce pays. Pour contester la décision prise par le préfet du Rhône au vu de cet avis, M. C... se borne à soutenir qu'il est suivi par un cardiologue et qu'il souffre d'une hypertension artérielle depuis plusieurs années. Toutefois, il n'apporte aucun élément de nature à établir qu'il ne pourrait pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé en Angola. Le moyen tiré de la méconnaissance du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit, par suite, être écarté.

7. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que la compagne de M. C..., Mme A..., a donné naissance à un enfant le 10 décembre 2014, reconnu par un ressortissant français le 5 janvier 2015. M. C... soutient que le préfet du Rhône n'a pas tenu compte de la qualité de parent d'enfant français de sa compagne, ni de sa situation médicale, ni de la présence de ses enfants en B.... Toutefois, il ne ressort ni des termes de la décision litigieuse prise au vu de l'avis du collège des médecins de l'OFII, qui vise les articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et fait état de la possibilité pour l'intéressé de reconstituer sa cellule familiale dans son pays d'origine, ni des pièces du dossier, que le préfet n'aurait pas procédé à un examen particulier de sa situation personnelle avant de lui opposer un refus à la demande de titre de séjour dont il était saisi.

8. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

9. M. C... soutient qu'il vit régulièrement en B... depuis juillet 2015, avec sa compagne, mère d'un enfant français né en 2014, et leurs enfants nés en 2008, 2012 et 2018. Il soutient également qu'il justifie, ainsi que sa compagne, d'une insertion professionnelle et de leur indépendance financière. Toutefois, l'intéressé a vécu jusqu'à l'âge de cinquante ans dans son pays d'origine où réside sa fille aînée, mineure. Sa compagne, de même nationalité que lui, a fait l'objet d'une décision de refus de titre de séjour le 23 janvier 2020, dont la légalité est confirmée par un arrêt de la cour de ce jour et il n'établit pas que l'enfant français de sa compagne entretiendrait des relations filiales avec son père français. Dans ces conditions, le préfet du Rhône n'a pas, en lui refusant le renouvellement de son titre de séjour, porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels cette décision a été prise. Le préfet n'a donc pas méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'a pas davantage entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.

10. En dernier lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

11. Ainsi qu'il a été dit au point 9 du présent arrêt, M. C... n'établit pas que l'enfant français de sa compagne, qui vit à leurs côtés, entretiendrait des relations avec son père ni que ce dernier contribuerait à son entretien et à son éducation. Il n'établit pas non plus que ses enfants ne pourraient pas poursuivre leur scolarité dans leur pays d'origine. Ainsi, la décision attaquée, qui n'a ni pour objet ni pour effet de séparer les enfants de M. C... et de Mme A... de leurs parents, ne méconnaît pas le paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

12. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision contestée. En conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre des frais du litige doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2002538 du tribunal administratif de Lyon du 10 décembre 2020 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Lyon et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... H... C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 2 décembre 2021 à laquelle siégeaient :

Mme Evrard, présidente de la formation de jugement,

Mme Caraës, première conseillère,

Mme Lesieux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 19 janvier 2022.

2

N° 21LY00866


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY00866
Date de la décision : 19/01/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme EVRARD
Rapporteur ?: Mme Sophie LESIEUX
Rapporteur public ?: Mme VINET
Avocat(s) : PETIT

Origine de la décision
Date de l'import : 01/02/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-01-19;21ly00866 ?
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