La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/01/2022 | FRANCE | N°21LY02923

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 13 janvier 2022, 21LY02923


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme C... B..., épouse E..., a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les décisions du 31 décembre 2020 par lesquelles le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai d'un mois et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2100340 du 20 mai 2021, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée l

e 1er septembre 2021, Mme B..., épouse E..., représentée par Me Huard, avocat, demande à la cour ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme C... B..., épouse E..., a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les décisions du 31 décembre 2020 par lesquelles le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai d'un mois et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2100340 du 20 mai 2021, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 1er septembre 2021, Mme B..., épouse E..., représentée par Me Huard, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 20 mai 2021 ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions susmentionnées ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer un titre de séjour, à défaut de réexaminer sa demande et dans l'attente lui délivrer un récépissé de demande de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros, au profit de son conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- le refus de titre de séjour est insuffisamment motivé et révèle un défaut d'examen de sa situation particulière ;

- l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration n'est pas produit ;

- cet avis est obsolète et irrégulier ;

- le préfet s'est senti en situation de compétence liée ;

- les soins dont elle a besoin ne sont pas disponibles en Albanie ; le préfet a méconnu le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le refus de titre de séjour méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- cette décision méconnaît le 1 du 3 de convention relative aux droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision l'obligeant à quitter le territoire français est illégale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour ;

- cette décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît le 1 du 3 de convention relative aux droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

Mme B..., épouse E..., a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 août 2021.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre l'administration et le public ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Dèche, présidente assesseure ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., épouse E..., de nationalité albanaise, née le 28 juin 1987, est entrée irrégulièrement en France le 24 avril 2016. Le 14 février 2017, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté sa demande d'asile et ce refus a été confirmé par la Cour nationale du droit d'asile, le 30 juin 2017. Sa demande de réexamen de sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, le 30 juin 2018 et ce refus a été confirmé par la Cour nationale du droit d'asile, le 31 janvier 2019. Elle a bénéficié d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade valable du 6 juin 2019 au 5 décembre 2019. Le 4 décembre 2019, elle a sollicité le renouvellement de ce titre de séjour. Par décisions du 31 décembre 2020, le préfet de l'Isère a refusé de renouveler son titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai d'un mois et a fixé le pays de renvoi. Mme B..., épouse E..., relève appel du jugement du 20 mai 2021, par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.

Sur la légalité du refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, la décision en litige mentionne le rejet de la demande d'asile de l'intéressée, rappelle qu'elle a bénéficié d'un titre de séjour portant la mention étranger malade, fait état de l'avis médical rendu par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), le 9 mars 2020 et précise que son époux qui est présent en France, fait également l'objet d'une mesure d'éloignement. Cette motivation est suffisante au regard des exigences des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration et ne révèle pas l'existence d'un défaut d'examen de la situation particulière de Mme B..., épouse E..., par le préfet de l'Isère.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. (...). La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ". Aux termes de l'article R. 313-22 de ce code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé (...) ". Aux termes de l'article R. 313-23 du même code : " Le rapport médical mentionné à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement le demandeur ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa de l'article R. 313-22. (...) Sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le service médical de l'office informe le préfet qu'il a transmis au collège de médecins le rapport médical. (...) Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège (...) ".

4. D'une part, il ressort des pièces du dossier de première instance, et en particulier du bordereau de transmission signé par le directeur général de l'OFII le 9 mars 2020, qu'un rapport médical a été établi le 10 février 2020 par le Dr F..., lequel n'a pas siégé au sein du collège des médecins de l'OFII qui a rendu, le 9 mars 2020, un avis sur l'état de santé de Mme B..., épouse E.... Ce collège était régulièrement composé de trois médecins, les Dr D..., Sahrane et Mettais-Cartier qui ont signé l'avis du 9 mars 2020, lequel a été produit en défense devant le tribunal. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier que, compte tenu de l'évolution de l'état de santé de Mme B..., épouse E..., ou de l'offre de soins en Albanie, cet avis aurait présenté un caractère obsolète à la date de la décision la concernant en litige. La requérante n'est donc pas fondée à invoquer l'irrégularité de la procédure ayant précédé le refus de titre de séjour en raison de son état de santé.

5. D'autre part, par son avis émis le 9 mars 2020, le collège des médecins de l'OFII a estimé que, si l'état de santé de Mme B..., épouse E... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, elle peut bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé. Mme B..., épouse E..., ne fait état d'aucun élément et ne produit aucune pièce permettant de remettre en cause les termes de cet avis. Par suite, le préfet n'a pas méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur en refusant de délivrer sur leur fondement un titre de séjour à Mme B..., épouse E....

6. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de l'Isère se serait, à tort, estimé lié par l'avis émis le 9 mars 2020 par le collège des médecins de l'OFII.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. "

8. Mme B..., épouse E.... fait valoir qu'elle vit en France depuis plus de quatre ans, qu'elle est atteinte de plusieurs pathologies nécessitant un accompagnement et une prise en charge pluridisciplinaire et qu'elle a noué des liens personnels, amicaux et sociaux en France. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que l'intéressée est entrée en France à l'âge de vingt-huit ans et qu'elle n'établit pas être dépourvue d'attache familiale en Albanie. Par ailleurs, et ainsi qu'il a été dit précédemment, elle n'établit pas qu'elle ne pourrait bénéficier en Albanie d'un traitement approprié à son état de santé. Enfin, il ressort des pièces du dossier que son époux qui est présent en France fait également l'objet d'une mesure d'éloignement. Dès lors, la décision portant refus de titre de séjour n'a pas porté au droit de Mme B..., épouse E..., au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise. Le préfet de l'Isère n'a ainsi pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Le préfet n'a pas davantage entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée.

9. En dernier lieu, aux termes du 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

10. La requérante n'établit l'existence d'aucun obstacle à ce que ses enfants poursuivent leur scolarité en Albanie. Par suite, la décision du préfet ne méconnaît pas l'intérêt supérieur des enfants de A... B..., épouse E..., garanti par les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

11. En premier lieu, il résulte de l'examen de la légalité du refus de titre de séjour qui lui a été opposé que Mme B..., épouse E..., n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de cette décision à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français.

12. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés ci-dessus, la décision obligeant Mme B..., épouse E..., à quitter le territoire français n'a pas été prise en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée. Elle ne méconnaît pas non plus les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

13. Il résulte de ce qui précède que Mme B..., épouse E..., n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme B..., épouse E..., est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B..., épouse E... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 9 décembre 2021 à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Dèche, présidente assesseure,

Mme Le Frapper, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 janvier 2022.

6

N° 21LY02923


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY02923
Date de la décision : 13/01/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Pascale DECHE
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : HUARD

Origine de la décision
Date de l'import : 25/01/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-01-13;21ly02923 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award