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13/01/2022 | FRANCE | N°21LY01489

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 13 janvier 2022, 21LY01489


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B... a demandé à la présidente du tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 19 janvier 2021 par lequel la préfète de la Loire lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a désigné le pays à destination duquel elle est susceptible d'être reconduite d'office.

Par un jugement n° 2100646 du 14 avril 2021, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour


Par une requête enregistrée le 10 mai 2021, Mme B..., représentée par la Selarl Ad Justitiam, d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B... a demandé à la présidente du tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 19 janvier 2021 par lequel la préfète de la Loire lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a désigné le pays à destination duquel elle est susceptible d'être reconduite d'office.

Par un jugement n° 2100646 du 14 avril 2021, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 10 mai 2021, Mme B..., représentée par la Selarl Ad Justitiam, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 19 janvier 2021.

Elle soutient que :

- l'arrêté attaqué est entaché d'incompétence ;

- l'obligation de quitter le territoire français porte atteinte à son droit au respect de sa vie privée et familiale et à l'intérêt supérieur de ses filles mineures, nées sur le territoire national et dont la demande d'asile est en cours d'examen par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ;

- elle encourt un réel danger en cas de retour dans son pays d'origine, où elle a subi une mutilation sexuelle.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 juillet 2021, la préfète de la Loire conclut au non-lieu à statuer sur les conclusions de la requête.

Elle soutient que Mme B..., lorsqu'elle a introduit son recours devant la cour, avait été mise en possession d'une attestation de demande d'asile valable du 9 avril 2021 au 8 octobre 2021 par le préfet du Rhône, et bénéficiait ainsi du droit de se maintenir sur le territoire français.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 11 août 2021.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de Mme Le Frapper, première conseillère, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante de République de Guinée née le 4 novembre 1996, a déclaré être entrée en France le 21 septembre 2018 afin de demander une protection internationale, qui lui a été définitivement refusée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 3 septembre 2020. Par un arrêté du 19 janvier 2021, la préfète de la Loire lui a alors fait obligation de quitter le territoire français sur le fondement du 6° du I de l'article L. 511-1 alors en vigueur du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a fixé un délai de départ volontaire de 30 jours et a désigné le pays à destination duquel elle est susceptible d'être reconduite d'office. Mme B... relève appel du jugement du 14 avril 2021 par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " I. ' L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / (...) 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 743-1 et L. 743-2 , à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...) ". Aux termes de l'article L. 743-1 du même code : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision de l'office ou, si un recours a été formé, dans le délai prévu à l'article L. 731-2 contre une décision de rejet de l'office, soit jusqu'à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile, soit, s'il est statué par ordonnance, jusqu'à la date de la notification de celle-ci. L'attestation délivrée en application de l'article L. 741-1, dès lors que la demande d'asile a été introduite auprès de l'office, vaut autorisation provisoire de séjour et est renouvelable jusqu'à ce que l'office et, le cas échéant, la cour statuent ". En vertu de l'article L. 743-2 du même code, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin et l'attestation de demande d'asile peut être refusée, retirée ou son renouvellement refusé lorsque l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a pris une décision d'irrecevabilité en application des 1°, 2° ou 3° de l'article L. 723-11 du code. Aux termes de l'article L. 743-4 du même code : " (...) lorsque l'étranger sollicitant l'enregistrement d'une demande d'asile a fait l'objet, préalablement à la présentation de sa demande, d'une mesure d'éloignement prise en application du livre V, celle-ci, qui n'est pas abrogée par la délivrance de l'attestation prévue à l'article L. 741-1, ne peut être mise à exécution tant que l'étranger bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français dans les conditions prévues aux articles L. 743-1 et L. 743-2 (...) ".

3. Il résulte des dispositions précitées que l'attestation de demande d'asile remise le 9 avril 2021 à Mme B..., avant l'enregistrement de sa requête d'appel, n'a eu ni pour objet, ni pour effet, d'abroger l'obligation de quitter le territoire français antérieurement notifiée, mais seulement d'en suspendre l'exécution. Il s'ensuit que la requête enregistrée le 10 mai 2021 tendant à l'annulation de la mesure d'éloignement, au demeurant à nouveau exécutoire compte tenu du rejet pour irrecevabilité opposé le 30 avril 2021 par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, n'était pas dépourvue d'objet. Dès lors, le moyen opposé par la préfète de la Loire tiré de ce que le litige serait privé d'objet, qui doit s'analyser en l'espèce en une fin de non-recevoir, doit être écarté.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir et sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale, dans toutes les décisions les concernant, à l'intérêt supérieur des enfants.

5. A... ressort des pièces du dossier que Mme B... est mère de deux filles nées en France les 28 août 2019 et 28 janvier 2021, auxquelles l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a reconnu la qualité de réfugiées statutaires par décisions du 31 mai 2021. Eu égard au caractère recognitif de cette décision, et dès lors qu'il n'est pas allégué que la requérante ne contribuerait pas à l'entretien et à l'éducation de ses filles, Mme B... est fondée à soutenir que la décision du 19 janvier 2021 lui faisant obligation de quitter le territoire français est intervenue en méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 précité de la convention internationale relative aux droits de l'enfant protégeant l'intérêt supérieur de ses filles et doit, ainsi, être annulée, ainsi que les mesures subséquentes.

6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 19 janvier 2021.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lyon du 14 avril 2021 et l'arrêté de la préfète de la Loire du 19 janvier 2021 sont annulés.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée à la préfète de la Loire et au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Saint-Etienne.

Délibéré après l'audience du 9 décembre 2021, à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Dèche, présidente assesseure,

Mme Le Frapper, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 13 janvier 2022.

4

N° 21LY01489


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY01489
Date de la décision : 13/01/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Mathilde LE FRAPPER
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : SELARL AD JUSTITIAM

Origine de la décision
Date de l'import : 25/01/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-01-13;21ly01489 ?
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