Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
La SARL Fiorim a demandé au tribunal administratif de Grenoble de lui accorder la rectification du déficit initialement déclaré au titre de l'exercice clos en 2013 et l'imputation d'une créance née d'un report en arrière de ce déficit rectifié sur la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés mise à sa charge au titre de l'exercice clos en 2012.
La SCI Les Terrasses du Prieuré a demandé au tribunal administratif de Grenoble de lui accorder la rectification du déficit qu'elle avait initialement déclaré au titre de l'exercice clos en 2013.
Par un jugement n° 1902940 et 1902941 du 5 juin 2020, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leurs demandes.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 8 juillet 2020, et un mémoire complémentaire, enregistré le 6 octobre 2021, la SARL Fiorim, représentée par Me Duraffourd, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la rectification du déficit initialement déclaré au titre de l'exercice clos en 2013 et l'imputation d'une créance née d'un report en arrière de ce déficit rectifié sur la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés mise à sa charge au titre de l'exercice clos en 2012 ;
3°) de constater qu'elle dispose d'une créance sur le Trésor de 206 151 euros ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la SCI Les Terrasses du Prieuré était tenue de constater une provision ;
- sa demande est recevable et fondée sur les dispositions de l'alinéa 1 de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales et non sur celles du 2 de cet article ;
- la SCI Les Terrasses du Prieuré a constaté dans ses comptes la provision litigieuse avant l'expiration du délai prévu pour le dépôt de sa déclaration de résultat au titre de l'exercice clos le 31 janvier 2013 ; la provision figurait dans la déclaration déposée le 31 juillet 2013 au titre de l'exercice clos le 31 janvier 2012 et a été comptabilisée avant le 5 mai 2014, date d'expiration du délai de déclaration du résultat réalisé par la SCI au titre de l'exercice clos le 31 janvier 2013 ;
- un contribuable qui a effectué une déclaration erronée peut à tout moment procéder à une déclaration de résultat rectificative et il importe peu que la déclaration initiale ait fait état d'un résultat déficitaire ou bénéficiaire ;
- la demande qu'elle a formée en application des articles L. 190 et R. 196-1 du livre des procédures fiscales a pour objet de lui faire bénéficier d'un droit résultant de l'article 220 quinquies du code général des impôts ;
- cette demande consiste à imputer son déficit de l'exercice clos en 2013 sur le bénéfice qu'elle a réalisé au titre de l'année 2012 issu du redressement dont elle a fait l'objet ayant donné lieu à la mise en recouvrement d'un rappel d'impôt sur les sociétés en 2016 ; par suite, elle dispose d'une créance sur le Trésor ; elle n'a pas conclu à l'imputation de cette créance sur le rappel d'impôt dont elle a fait l'objet ;
- la doctrine administrative BOI-IS-DEF-20-10 n° 50-60 admet que le dépôt d'une déclaration rectificative majorant un déficit dans le délai prévu à l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales permet de solliciter le bénéfice du report en arrière de ce déficit y compris quand un déficit avait été originairement déclaré.
Par un mémoire, enregistré le 15 avril 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Caraës, première conseillère,
- et les conclusions de Mme Vinet, rapporteure publique ;
Considérant ce qui suit :
1. La SCI Les Terrasses du Prieuré, société de construction-vente ayant pour associés, d'une part, M. A... qui possédait 1 % de ses parts et, d'autre part, la SARL Fiorim, détenue à parts égales par M. A... et Mme A..., qui possédait 99 % de ses parts, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos en 2011, 2012 et 2013 à l'issue de laquelle l'administration a notamment réintégré dans son résultat imposable de l'exercice clos en 2012, en application de la procédure d'évaluation d'office prévue au 1° de l'article L. 73 du livre des procédures fiscales, une provision pour litige de 700 000 euros au motif que sa déclaration de résultats avait été souscrite après l'expiration du délai légal de déclaration. Ce redressement a eu pour effet de ramener à - 179 945 euros le déficit de - 879 945 euros déclaré par la SCI Les Terrasses du Prieuré au titre de cet exercice. Tirant les conséquences de ce redressement pour la SARL Fiorim, l'administration a ramené à - 178 146 euros le déficit de - 871 145 euros, correspondant à ses droits dans la SCI Les Terrasses du Prieuré, déduit de son résultat imposable à l'impôt sur les sociétés de l'exercice clos le 31 décembre 2012, ce qui a conduit à un rehaussement de 692 999 euros au titre de cet exercice. La SARL Fiorim, qui avait déclaré un résultat déficitaire de - 44 527 euros au titre de son exercice clos en 2012, a par conséquent, été assujettie, par avis de mise en recouvrement du 16 décembre 2016, à une cotisation d'impôt sur les sociétés de 206 151 euros au titre de cet exercice à laquelle l'administration a appliqué la majoration de 40 % du b. de l'article 1728 du code général des impôts encourue en l'absence de déclaration du contribuable dans les 30 jours suivant la réception d'une mise en demeure de le faire.
2. La SCI Les Terrasses du Prieuré et la SARL Fiorim ont, l'une et l'autre, déposé, respectivement, le 26 octobre 2018 et le 28 décembre 2018, des déclarations rectificatives de résultats au titre des exercices clos en 2012 et 2013. Les nouvelles déclarations qu'elles ont souscrites au titre de l'exercice clos en 2013 ont majoré les déficits initialement déclarés par chacune d'elle du montant de la provision de 700 000 euros rejetée au titre de l'exercice clos en 2012. La SARL Fiorim a joint à sa déclaration rectificative une demande de report en arrière (carry back) du nouveau déficit déclaré au titre de l'exercice clos en 2013, de 639 418 euros, sur le bénéfice rectifié de l'exercice clos en 2012 faisant apparaître une créance sur le trésor de 206 151 euros égale à l'impôt sur les sociétés mis à sa charge au titre de l'exercice clos en 2012. Ces déclarations rectificatives, qui ont été regardées comme des réclamations contentieuses, ont été rejetées par des décisions datées, respectivement, du 8 mars 2019 et du 11 mars 2019.
3. La SARL Fiorim relève appel du jugement du 5 juin 2020 en tant que le tribunal administratif de Grenoble a rejeté comme irrecevable sa demande tendant à la majoration du déficit déclaré au titre de l'exercice clos en 2013 du montant de la provision de 700 000 euros et au report en arrière du nouveau déficit déclaré au titre de l'exercice clos en 2013 sur le bénéfice rectifié de l'exercice clos en 2012.
4. Aux termes de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction alors applicable, " Les réclamations relatives aux impôts, contributions, droits, taxes, redevances, soultes et pénalités de toute nature, établis ou recouvrés par les agents de l'administration, relèvent de la juridiction contentieuse lorsqu'elles tendent à obtenir soit la réparation d'erreurs commises dans l'assiette ou le calcul des impositions, soit le bénéfice d'un droit résultant d'une disposition législative ou réglementaire. / Relèvent de la même juridiction les réclamations qui tendent à obtenir la réparation d'erreurs commises par l'administration dans la détermination d'un résultat déficitaire ou d'un excédent de taxe sur la valeur ajoutée déductible sur la taxe sur la valeur ajoutée collectée au titre d'une période donnée, même lorsque ces erreurs n'entraînent pas la mise en recouvrement d'une imposition supplémentaire. Les réclamations peuvent être présentées à compter de la réception de la réponse aux observations du contribuable mentionnée à l'article L. 57, ou à compter d'un délai de 30 jours après la notification prévue à l'article L. 76 ou, en cas de saisine de la commission départementale ou nationale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, à compter de la notification de l'avis rendu par cette commission ".
5. Aux termes de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales, " Pour être recevables, les réclamations relatives aux impôts autres que les impôts directs locaux et les taxes annexes à ces impôts, doivent être présentées à l'administration au plus tard le 31 décembre de la deuxième année suivant celle, selon le cas : c) De la réalisation de l'événement qui motive la réclamation. Ne constitue pas un tel événement une décision juridictionnelle ou un avis mentionné aux troisième et cinquième alinéas de l'article L. 190 ".
6. A l'issue de la vérification de comptabilité de la SCI Les Terrasses du Prieuré portant sur la période du 1er février 2010 au 31 octobre 2013, la SCI et la SARL Fiorim ont formé une réclamation les 26 octobre et 26 décembre 2018 par lesquelles elles ont déposé des déclarations rectificatives des résultats au titre de l'exercice clos en 2013 tendant à la majoration de leur déficit déclaré au titre de cet exercice résultant de la déduction de la provision pour litige de 700 000 euros. Si l'administration a rectifié le résultat déficitaire déclaré en matière de bénéfice industriel et commercial au titre de l'exercice clos le 31 janvier 2012 après avoir rejeté la déduction de la provision pour litige de 700 000 euros, le résultat déficitaire déclaré des deux sociétés au titre de l'exercice clos le 31 janvier 2013 n'a pas été remis en cause par l'administration. La demande tendant à la majoration du déficit de l'exercice clos en 2013 n'entrait pas, par suite, dans les prévisions du deuxième alinéa de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales, lequel concerne les seules réclamations portant sur les erreurs commises par l'administration dans la détermination d'un déficit à l'issue d'une procédure de rectification.
7. Si la société requérante fait valoir que sa demande serait recevable en application des dispositions combinées du premier alinéa de l'article L. 190 et de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales, ces dernières dispositions, d'une part, n'ont pas pour objet d'étendre le champ d'application des réclamations relevant de la juridiction contentieuse défini par l'article L. 190 du même livre et, d'autre part, n'ouvrent au contribuable un délai de réclamation étendu pour contester tant les rehaussements notifiés que les bases initialement déclarées que dans l'hypothèse, qui n'est pas celle de l'espèce, d'impositions effectivement mises à la charge du contribuable. En l'absence de rehaussements conduisant à la mise en recouvrement d'impositions supplémentaires concernant l'exercice clos en 2013, la société requérante ne peut dès lors fonder sa réclamation sur les dispositions du premier alinéa de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales.
8. A supposer que la société ait entendu se prévaloir des dispositions de l'article L. 80-A du livre des procédures fiscales, les paragraphes n° 50 et 60 de la doctrine administrative référencée BOI-IS-DEF-20-10 qui précisent que le dépôt d'une déclaration rectificative majorant un déficit déclaré ouvre droit au report en arrière de ce déficit sont relatifs à la procédure contentieuse et ne peuvent dès lors être utilement invoqués.
9. Par suite, les conclusions présentées devant le tribunal administratif tendant à la majoration du déficit initialement déclaré par la SARL Fiorim au titre de l'exercice clos en 2013 étaient irrecevables.
10. Si la SARL Fiorim soutient que sa demande tendait en réalité à faire constater son droit, conféré par l'article 220 quinquies du code général des impôts, d'imputer le déficit qu'elle a constaté au titre de l'exercice clos en 2013 sur le résultat de l'exercice clos en 2012 devenu bénéficiaire en conséquence du redressement opéré par l'administration, il résulte de ce qui a été dit aux points 6 et 7 que la société ne peut se prévaloir d'un déficit majoré résultant de la déduction de la provision pour litige de 700 000 euros au titre de l'exercice clos en 2013 et, par suite, ne peut demander le report en arrière de ce déficit sur l'exercice clos en 2012. Il s'ensuit que les conclusions présentées devant le tribunal administratif tendant au report en arrière de son déficit sur l'exercice clos en 2012 ne peuvent qu'être rejetées.
11. Il résulte de ce qui précède que la SARL Fiorim n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SARL Fiorim est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Fiorim et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Délibéré après l'audience du 2 décembre 2021, à laquelle siégeaient :
Mme Evrard, présidente de la formation de jugement,
Mme Caraës, première conseillère,
Mme Lesieux, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 13 janvier 2022.
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N° 20LY01770