Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
La SAS Zamenhof a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge du complément d'impôt sur les sociétés qui lui a été assigné au titre de l'exercice clos en 2010, ainsi que des majorations correspondantes.
Par un jugement n° 1705152 du 17 octobre 2019, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 19 décembre 2019, la SAS Zamenhof, représentée par Me Barthelémy, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge de cette imposition et des majorations correspondantes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la proposition de rectification qui lui a été adressée est insuffisamment motivée ;
- la procédure d'imposition est irrégulière, dès lors que l'administration était tenue, compte tenu de la substitution de motifs opérée, de lui notifier une nouvelle proposition de rectification ;
- l'administration ne pouvait procéder à une telle substitution de motifs, dès lors qu'elle a eu pour effet de la priver de la garantie tenant à la réception d'une proposition de rectification suffisamment motivée ;
- l'administration ne pouvait fonder le redressement sur le 1. de l'article 39 du code général des impôts, qui ne mentionne ni les actes anormaux de gestion, ni le rejet des dépenses ayant pour conséquence un accroissement de l'actif net.
Par un mémoire, enregistré le 24 juin 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Evrard, présidente-assesseure,
- et les conclusions de Mme Vinet, rapporteure publique ;
Considérant ce qui suit :
1. La SAS Zamenhof, qui exerce l'activité de holding, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2011, étendue au 30 juin 2012 en matière de taxe sur la valeur ajoutée. A l'issue de ce contrôle, l'administration a, notamment, réintégré dans le résultat imposable de la société de l'exercice clos en 2010 une charge exceptionnelle de 400 000 euros, correspondant à une indemnité versée à M. A..., associé de la société, au motif que cette charge n'avait pas été engagée dans l'intérêt de l'entreprise. A la suite du recours hiérarchique exercé par la société, l'administration a, par un courrier du 29 octobre 2015, estimé que le versement de cette somme ne relevait pas d'un acte anormal de gestion mais a maintenu le redressement au motif que ce versement avait permis d'augmenter la valeur des participations de la société dans les SAS SNTCL Toulouse, SNTCL Narbonne et SNTCL Grasse, constituées par M. A... et par elle au mois de janvier 2009. La SAS Zamenhof a, en conséquence, été assujettie, selon la procédure contradictoire, à un complément d'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos en 2010 ainsi qu'à des majorations, mis en recouvrement le 15 février 2016. Elle relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions et majorations.
2. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation ". Aux termes de l'article R. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. L'administration invite, en même temps, le contribuable à faire parvenir son acceptation ou ses observations dans un délai de trente jours à compter de la réception de la proposition, prorogé, le cas échéant, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de cet article ".
3. Il résulte l'instruction, et, notamment, des termes de la proposition de rectification du 22 février 2013 par laquelle l'administration a notifié à la SAS Zamenhof, selon la procédure contradictoire, un rehaussement de ses bases imposables à l'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos en 2010 que, pour remettre en cause la déduction du bénéfice imposable de l'indemnité de 400 000 euros versée par la société à M. A... en contrepartie de l'annulation des actions en industrie que ce dernier détenait dans le capital de la société, l'administration s'est uniquement fondée sur le motif tiré de ce que cette dépense n'était pas engagée dans l'intérêt de l'entreprise mais dans celui, exclusif, de M. A.... A la suite du recours hiérarchique exercé par la société le 19 juillet 2013, l'administration a indiqué, dans un courrier du 29 octobre 2015, que le versement de cette indemnité relevait d'une gestion commerciale normale, mais a estimé que, dès lors qu'il avait permis d'augmenter la valeur des participations de la société dans les SAS SNTCL Toulouse, SNTCL Narbonne et SNTCL Grasse, il aurait dû être immobilisé à l'actif du bilan de la société. Ce faisant, et quand bien même elle s'est finalement référée, comme à l'origine, à l'application de l'une des règles auxquelles est subordonnée la déductibilité d'une charge en vertu du 1. de l'article 39 du code général des impôts, l'administration ne s'est pas bornée à substituer un motif à un autre mais doit être regardée comme ayant justifié le redressement en cause par un nouveau fondement légal, lequel, au demeurant, ne relevait pas, à l'inverse du premier, de la compétence de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, ainsi que l'administration l'indique elle-même. Par suite, l'administration était tenue, avant de mettre en recouvrement le complément d'impôt sur les sociétés résultant de ce rehaussement, d'adresser à la société requérante une nouvelle proposition de rectification l'informant du nouveau fondement légal de l'imposition mise à sa charge afin qu'elle puisse présenter utilement ses observations.
4. Il résulte de ce qui précède que la SAS Zamenhof est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
5. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à la SAS Zamenhof sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1705152 du tribunal administratif de Grenoble du 17 octobre 2019 est annulé.
Article 2 : La SAS Zamenhof est déchargée du complément d'impôt sur les sociétés qui lui a été assigné au titre de l'exercice clos en 2010, ainsi que des majorations correspondantes.
Article 3 : L'Etat versera à la SAS Zamenhof la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Zamenhof et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Délibéré après l'audience du 2 décembre 2021, à laquelle siégeaient :
Mme Evrard, présidente de la formation de jugement,
Mme Caraës, première conseillère,
Mme Lesieux, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition du greffe, le 13 janvier 2022.
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N° 19LY04650