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06/01/2022 | FRANCE | N°21LY03266

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 7ème chambre, 06 janvier 2022, 21LY03266


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. E... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les arrêtés du 13 juillet 2021 par lesquels le préfet du Rhône a décidé de son transfert aux autorités allemandes pour l'examen de sa demande d'asile et l'a assigné à résidence.

Par jugement n° 2105552 du 19 juillet 2021, le magistrat désigné par la présidente du tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par requête enregistrée le 8 octobre 2021, présentée pour M. A... B..., il est demandé à la

cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 2105552 du 19 juillet 2021 ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. E... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les arrêtés du 13 juillet 2021 par lesquels le préfet du Rhône a décidé de son transfert aux autorités allemandes pour l'examen de sa demande d'asile et l'a assigné à résidence.

Par jugement n° 2105552 du 19 juillet 2021, le magistrat désigné par la présidente du tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par requête enregistrée le 8 octobre 2021, présentée pour M. A... B..., il est demandé à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 2105552 du 19 juillet 2021 ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions susmentionnées ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône d'enregistrer sa demande d'asile ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai de cinq jours ;

4°) de mettre à la charge de l'État le paiement à son conseil, sous réserve qu'il renonce à l'aide juridictionnelle, d'une somme de 2 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- dès lors qu'à la suite de l'enregistrement de sa demande d'asile, le 17 décembre 2020, il n'est pas retourné s'installer en Allemagne, contrairement à ce qu'a considéré le préfet, mais s'est au contraire présenté aux convocations fixées dans le cadre de l'examen de cette demande, que l'administration n'a jamais justifié avoir présenté alors une demande de reprise en charge et qu'aucune décision de transfert n'a été prise suite à l'acceptation des autorités allemandes du 15 février 2021, il n'est pas justifié que la demande de reprise en charge auprès des autorités allemandes à la suite de laquelle a été prise la décision de transfert en litige a été faite dans les délais prescrits par l'article 23 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, décomptés à partir de sa présentation à la plateforme d'accueil le 17 décembre 2020 ;

- la décision de transfert méconnaît les dispositions de l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, dès lors que le délai de six mois prévu par ces dispositions, dont le point de départ doit être fixé au 1er janvier 2021, deux semaines après le " hit " Eurodac du 17 décembre 2020, était expiré depuis le 2 juillet 2021 lorsque cette décision est intervenue ;

- il est fondé à exciper de l'illégalité de la décision de transfert au soutien de ses conclusions d'annulation de la décision d'assignation à résidence ;

- l'assignation à résidence est insuffisamment motivée et est intervenue sans examen particulier de sa situation ; elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

Par mémoire enregistré le 17 novembre 2021, le préfet du Rhône conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par le requérant n'est fondé.

M. A... B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 25 août 2021 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Lyon (section administrative d'appel).

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 modifié par le règlement (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Seillet, président assesseur ;

- et les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B..., de nationalité somalienne, né le 1er juin 1996 à Mogadiscio (Somalie), entré en France en décembre 2020, selon ses déclarations, a déposé une demande d'asile enregistrée à la préfecture de police de Paris le 18 décembre 2020. La consultation du fichier Eurodac a alors révélé qu'il avait sollicité l'asile à plusieurs reprises et sous plusieurs identités en Allemagne en 2019. Les autorités allemandes ont fait connaître leur accord explicite pour sa réadmission, le 15 février 2021, en faisant état de sa présence depuis le 30 décembre 2020 sur le territoire allemand. Une nouvelle demande d'asile a été enregistrée par la préfecture de police de Paris, le 26 mai 2021, et, après une nouvelle consultation du fichier Eurodac, les autorités allemandes ont été, à nouveau, saisies d'une demande de reprise en charge de M. A... B... pour l'examen de sa demande d'asile, le 24 juin 2021 et ont donné leur accord par une décision explicite du 28 juin 2021. Par un arrêté du 13 juillet 2021, le préfet du Rhône a ordonné son transfert aux autorités allemandes, responsables de sa demande d'asile et, par un autre arrêté du même jour, l'a assigné à résidence. M. A... B... relève appel du jugement par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces arrêtés.

Sur la décision de transfert :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 23 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " (...) 2. Une requête aux fins de reprise en charge est formulée aussi rapidement que possible et, en tout état de cause, dans un délai de deux mois à compter de la réception du résultat positif Eurodac (" hit "), en vertu de l'article 9, paragraphe 5, du règlement (UE) n° 603/2013. / Si la requête aux fins de reprise en charge est fondée sur des éléments de preuve autres que des données obtenues par le système Eurodac, elle est envoyée à l'État membre requis dans un délai de trois mois à compter de la date d'introduction de la demande de protection internationale au sens de l'article 20, paragraphe 2. / 3. Lorsque la requête aux fins de reprise en charge n'est pas formulée dans les délais fixés au paragraphe 2, c'est l'État membre auprès duquel la nouvelle demande est introduite qui est responsable de l'examen de la demande de protection internationale ".

3. Il ressort des pièces du dossier qu'ainsi qu'il a été dit au point 1, après la demande d'asile présentée par M. A... B... et enregistrée le 18 décembre 2020 par la préfecture de police de Paris, les autorités allemandes, nécessairement saisies d'une demande en ce sens par les autorités françaises, ont fait connaître leur accord explicite pour sa réadmission le 15 février 2021 en faisant état de sa présence depuis le 30 décembre 2020 sur le territoire allemand. Dès lors, et alors que, contrairement à ce qu'il prétend, M. A... B... ne démontre pas avoir répondu aux convocations ultérieures au 15 février 2021 ni avoir été présent sur le territoire français jusqu'à la date du 26 mai 2021, les autorités françaises ont pu, à bon droit, considérer que, sans qu'il soit besoin de prendre une décision de transfert de l'intéressé vers l'Allemagne, où il se trouvait déjà, la demande d'asile de M. A... B... était examinée par les autorités allemandes. Par suite, lorsque M. A... B... s'est présenté à nouveau à la préfecture de police à Paris pour présenter sa demande d'asile, les autorités françaises ont pu également, à bon droit, considérer cette demande comme nouvelle et procéder à son enregistrement à compter du 26 mai 2021. Il en résulte que, dès lors qu'ainsi qu'il ressort des pièces du dossier et notamment des copies des accusés de réception DubliNet produites par le préfet, les autorités allemandes ont effectivement été saisies, le 24 juin 2021, d'une demande de reprise en charge de M. A... B..., soit avant l'expiration du délai de deux mois prescrit par les dispositions précitées de l'article 23 à compter de la date du résultat positif Eurodac (" hit "), du 25 mai 2021, comme avant l'expiration du délai de trois mois après l'introduction d'une demande de protection internationale fixé par le même article, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté.

4. En second lieu, aux termes de l'article 29, paragraphe 1, du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, le transfert du demandeur vers l'État membre responsable de l'examen de sa demande d'asile doit s'effectuer " dès qu'il est matériellement possible et, au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation par un autre État membre de la requête aux fins de la prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée ou de la décision définitive sur le recours ou la révision lorsque l'effet suspensif est accordé conformément à l'article 27, paragraphe 3 ". Aux termes du paragraphe 2 du même article : " Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'État membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'État membre requérant. Ce délai peut être porté à un an au maximum s'il n'a pas pu être procédé au transfert en raison d'un emprisonnement de la personne concernée ou à dix-huit mois au maximum si la personne concernée prend la fuite ".

5. Les autorités allemandes, saisies d'une demande de reprise en charge de M. A... B... pour l'examen de sa demande d'asile, le 24 juin 2021, ont donné leur accord par une décision explicite du 28 juin 2021. Dès lors, à la date de la décision de transfert en litige, le 13 juillet 2021, le délai de six mois fixé par les dispositions précitées de l'article 29 du règlement du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 n'était pas expiré et ladite décision n'est pas intervenue en méconnaissance de ces dispositions.

Sur la légalité de la décision d'assignation à résidence :

6. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit précédemment que M. A... B... n'est pas fondé à exciper, au soutien des conclusions de sa requête dirigées contre l'arrêté du 13 juillet 2021 par lequel le préfet du Rhône l'a assigné à résidence, de l'illégalité de l'arrêté du même jour par lequel ledit préfet a ordonné son transfert vers l'Allemagne.

7. En second lieu, les moyens, déjà soulevés en première instance, tirés de ce que l'assignation à résidence est insuffisamment motivée, de ce qu'elle est intervenue sans examen particulier de sa situation et de ce qu'elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, doivent être écartés pour les motifs retenus par le premier juge et qu'il y a lieu, pour la cour, d'adopter.

8. Il résulte de ce qui précède que M. A... B... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et aux fins de mise à la charge de l'État d'une somme au titre des frais du litige.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 9 décembre 2021 à laquelle siégeaient :

M. Arbarétaz, président de chambre ;

M. Seillet, président assesseur ;

Mme Burnichon, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 janvier 2022.

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N° 21LY03266


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY03266
Date de la décision : 06/01/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

095-02-03-03-01 - TRANSFERT D'UN DEMANDEUR D'ASILE VERS L'ETAT MEMBRE RESPONSABLE DE L'EXAMEN DE SA DEMANDE (RÈGLEMENT DU 26 JUIN 2013, DIT DUBLIN III) - DÉLAI DE DEUX MOIS POUR SOLLICITER LA REPRISE EN CHARGE PAR UN AUTRE ÉTAT MEMBRE - POINT DE DÉPART COURANT À COMPTER DU RÉSULTAT POSITIF EURODAC - NOUVEAU DÉLAI DE DEUX MOIS À COMPTER D'UNE NOUVELLE CONSULTATION DU FICHIER EURODAC EN CAS DE RETOUR EN FRANCE D'UN DEMANDEUR D'ASILE QUI S'ÉTAIT RENDU VOLONTAIREMENT DANS LE PAYS QUI AVAIT ACCEPTÉ UNE PREMIÈRE DEMANDE DE REPRISE EN CHARGE.

095-02-03-03-01 En l'espèce, un ressortissant de nationalité somalienne, entré en France une première fois en décembre 2020, avait déposé une demande d'asile enregistrée à la préfecture de police de Paris le 18 décembre 2020. La consultation du fichier Eurodac avait alors révélé qu'il avait sollicité l'asile à plusieurs reprises et sous plusieurs identités en Allemagne en 2019. Les autorités allemandes avaient fait connaître leur accord explicite pour sa réadmission le 15 février 2021 mais en faisant état de sa présence depuis le 30 décembre 2020 sur le territoire allemand. ...Une nouvelle demande d'asile avait ensuite été enregistrée par la préfecture de police de Paris le 26 mai 2021 et, après une nouvelle consultation du fichier Eurodac, les autorités allemandes avaient été, à nouveau, saisies d'une demande de reprise en charge pour l'examen de sa demande d'asile, le 24 juin 2021 et avaient donné leur accord par une décision explicite du 28 juin 2021. Par un arrêté du 13 juillet 2021, le préfet du Rhône a ordonné son transfert aux autorités allemandes, responsables de sa demande d'asile ;...Le requérant soutenait que le délai prescrit par l'article 23 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 devait être décompté à partir de sa première présentation à la plateforme d'accueil le 17 décembre 2020....Il est proposé de considérer que dès lors que les autorités allemandes, lors de la première acceptation de la demande de reprise en charge, avaient fait état de la présence de l'intéressé sur le territoire allemand à la date de cette acceptation, et alors que, contrairement à ce qu'il prétendait, le requérant ne démontrait pas avoir été présent sur le territoire français jusqu'à la date du 26 mai 2021, les autorités françaises ont pu, à bon droit, considérer que, sans qu'il soit besoin de prendre une décision de transfert de l'intéressé vers l'Allemagne, où il se trouvait déjà, la demande d'asile initiale avait été examinée par les autorités allemandes. Par suite, lorsque l'intéressé s'est présenté à nouveau à la préfecture de police à Paris pour présenter sa demande d'asile, les autorités françaises ont pu également, à bon droit, considérer cette demande comme nouvelle et procéder à son enregistrement à compter du 26 mai 2021. Il en résulte que, dès lors qu'ainsi qu'il ressort des pièces du dossier et notamment des copies des accusés de réception DubliNet produites par le préfet, les autorités allemandes ont effectivement été saisies, le 24 juin 2021, d'une demande de reprise en charge, soit avant l'expiration du délai de deux mois prescrit par les dispositions précitées de l'article 23 à compter de la date du résultat positif Eurodac (« hit »), du 25 mai 2021, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté.


Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: M. Philippe SEILLET
Rapporteur public ?: M. CHASSAGNE
Avocat(s) : DACHARY

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-01-06;21ly03266 ?
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