Vu la procédure suivante :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 23 avril 2019 et 3 juin 2019, M. A... B... et la société civile d'exploitation agricole (SCEA) Val de Saône, représentés par Me Moutoussamy, demandent à la cour d'annuler l'arrêté du 16 juillet 2018 par lequel le préfet de l'Ain a délivré à la société Ferme Éolienne de Chaleins une autorisation d'exploiter une installation de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent regroupant cinq aérogénérateurs et un poste de livraison sur la commune de Chaleins.
Ils soutiennent que :
- le commissaire enquêteur a donné un avis défavorable et l'arrêté attaqué n'est pas motivé en ce qui concerne la méconnaissance des dispositions de l'article L. 2141-1 du code général des collectivités territoriales ;
- l'arrêté attaqué contrevient au droit des habitants de la commune à être informés et consultés sur les décisions qui les concernent ;
- le projet n'a pas obtenu les autorisations du ministre chargé de l'aviation civile et du ministre de la défense au titre des articles L. 6352-1 du code des transports et R. 244-1 du code de l'aviation civile ;
- les administrations centrales ont commis une erreur manifeste d'appréciation ;
- la population n'a pas été informée de la portée de cette procédure spéciale en méconnaissance des dispositions de l'article 7 de la charte de l'environnement ;
- le projet est dépourvu d'utilité publique suffisante et a été présenté de façon ambigüe ;
- le dossier de demande est incomplet ;
- le projet en litige n'est pas viable et ne comporte aucun élément pour contrôler sa pérennité ;
- il méconnaît les dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme ;
- il n'y a pas d'étude d'impact des aéronefs ;
- les règles relatives à la navigation aéronautique ont été méconnues ;
- le projet en litige va entraîner des troubles anormaux pour les résidents du Guillermin et du Bicheron.
Par mémoire enregistré le 4 juin 2020, la société Ferme Éolienne de Chaleins, représentée par Me Gelas, conclut au rejet de la requête et demande que soit mis à la charge des requérants le versement de la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête est irrecevable car tardive et en l'absence d'intérêt à agir des requérants ;
- subsidiairement, les moyens invoqués ne sont pas fondés.
La requête a été communiquée à la ministre de la transition écologique qui n'a pas produit d'observations.
Par ordonnance du 11 juin 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 31 août 2020.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'aviation civile ;
- le code de l'environnement ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code des transports ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- l'ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 ;
- l'ordonnance n° 2014-355 du 20 mars 2014 relative à l'expérimentation d'une autorisation unique en matière d'installations classées pour la protection de l'environnement ;
- le décret n° 2014-450 du 2 mai 2014 relatif à l'expérimentation d'une autorisation unique en matière d'installations classées pour la protection de l'environnement ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Burnichon, première conseillère ;
- les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public ;
- et les observations de Me Bégué, substituant Me Gelas, pour la société Ferme Éolienne de Chaleins ;
Considérant ce qui suit :
1. La société Ferme Éolienne de Chaleins a déposé le 25 août 2016 une demande, complétée le 6 juillet 2017, tendant à la délivrance d'une autorisation d'exploiter une installation de production d'électricité à partir de l'énergie mécanique du vent regroupant cinq aérogénérateurs et un poste de livraison sur la commune de Chaleins. Par l'arrêté attaqué du 16 juillet 2018, le préfet de l'Ain a délivré l'autorisation unique sollicitée.
2. En premier lieu, la délivrance d'une autorisation unique d'exploiter une installation de production d'électricité à partir de l'énergie mécanique du vent ne constitue pas une décision individuelle défavorable à celui qui l'a présentée, soumise, en application des dispositions de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration, à une obligation de motivation. Par ailleurs, si les dispositions de l'article R. 123-19 du code de l'environnement prévoient que le commissaire enquêteur établit un rapport qui relate le déroulement de l'enquête et examine les observations recueillies et notamment une synthèse des observations du public, ainsi que, dans une présentation séparée, qu'il consigne ses conclusions motivées en précisant si elles sont favorables, favorables sous réserves ou défavorables au projet, elles ne confèrent pas à cet avis la portée d'un avis conforme et ne font pas obligation au préfet de s'en écarter par une motivation spécifique. Dès lors, l'arrêté attaqué n'est pas irrégulier pour n'avoir pas suivi l'avis défavorable du commissaire enquêteur, ou pour s'en être écarté sans justification explicite.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 2141-1 du code général des collectivités territoriales : " Le droit des habitants de la commune à être informés des affaires de celle-ci et à être consultés sur les décisions qui les concernent, indissociable de la libre administration des collectivités territoriales, est un principe essentiel de la démocratie locale (...) ". L'autorisation d'exploiter un parc éolien délivrée à une société privée, au nom de l'État et par le préfet, ne relève pas des affaires de la commune au sens des dispositions précitées. Le moyen tiré de leur méconnaissance doit, dès lors, être écarté comme inopérant. Par ailleurs, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 7 de la charte de l'environnement relatif au principe de participation ne peut qu'être écarté dès lors qu'il n'est pas allégué que le but de l'enquête publique est de recueillir les observations des tiers concernés par le projet.
4. En troisième lieu, il résulte de l'instruction que par courrier du 18 octobre 2016, le ministre de l'aviation civile a émis un avis favorable au projet en litige sous réserve de l'application de plusieurs prescriptions, conformément aux dispositions de l'article L. 6352-1 du code des transports. Par courrier du 25 octobre 2016, le directeur de la circulation aérienne militaire, prenant acte de la compatibilité du projet en litige avec les impératifs des forces de la défense aérienne, a délivré, au titre de l'article R. 244-1 du code de l'aviation civile, son autorisation à sa réalisation. Dès lors, le moyen tiré de l'absence de ces consultations manque en fait alors qu'aucune disposition législative ou règlementaire n'impose que cet avis et cette autorisation soient intégrés à l'arrêté en litige ni même visés par ce dernier.
5. En quatrième lieu, le moyen tiré de ce que les administrations centrales auraient entaché d'erreur manifeste l'appréciation du projet qui leur était soumis n'est pas assorti de précisions suffisantes permettant à la cour d'en apprécier le bien-fondé.
6. En cinquième lieu, le dossier de demande d'autorisation comporte une étude d'impact réalisée par une société spécialisée en la matière et qui comprend un évaluation des incidences notables directes et indirectes d'un projet sur la population et la santé humaine, la biodiversité, les terres, le sol, l'eau, l'air et le climat, le patrimoine culturel et le paysage conformément aux prescriptions de l'article L. 122-1 du code de l'environnement, étude comprise dans le dossier d'enquête publique et proportionnée à la sensibilité environnementale de la zone concernée par l'implantation telle que le prévoit l'article R. 122-5 du code précité. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier et il n'est pas allégué que cette étude serait entachée d'insuffisance ou d'omission de nature à emporter l'annulation de l'arrêté en litige. De plus, aucune disposition législative ou règlementaire n'impose au pétitionnaire de justifier de l'utilité publique de son projet notamment au regard de sa justification économique alors qu'en outre, comme l'indique la société pétitionnaire, que le dossier de demande d'autorisation comporte une déclaration des éléments nécessaires au calcul des impositions pour la demande d'autorisation unique conformément aux dispositions de l'article 4 du décret du 2 mai 2014 susvisé. Il suit de là que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le dossier de demande d'autorisation unique serait incomplet.
7. En sixième lieu, aux termes de l'article L. 516-1 du code de l'environnement, alors applicable : " La mise en activité (...) des installations (...) est subordonnée à la constitution de garanties financières. / Ces garanties sont destinées à assurer, suivant la nature des dangers ou inconvénients (...), la surveillance du site et le maintien en sécurité de l'installation, les interventions éventuelles en cas d'accident avant ou après la fermeture, et la remise en état après fermeture (...) / Un décret en Conseil d'État détermine la nature des garanties et les règles de fixation de leur montant (...) ". Aux termes de l'article R. 512-5 de ce code, alors en vigueur : " Lorsque la demande d'autorisation porte sur une installation mentionnée à l'article R. 516-1 ou R. 553-1, elle précise, en outre, les modalités des garanties financières exigées à l'article L. 516-1, notamment leur nature, leur montant et les délais de leur constitution ". Aux termes de l'article R. 516-1 du même code : " Les installations dont la mise en activité est subordonnée à l'existence de garanties (...) sont : (...) 5° Les installations soumises à autorisation au titre de l'article L. 512-2 (...) ". Enfin, aux termes de l'article R. 553-6 du même code, repris à l'article R. 515-106 : " Les opérations de démantèlement et de remise en état d'un site après exploitation comprennent : 1° Le démantèlement des installations de production (...) 3° La remise en état des terrains sauf si leur propriétaire souhaite leur maintien en l'état (...) ".
8. Il résulte de l'instruction que le dossier de demande d'autorisation comprend une présentation du demandeur, la société Ferme Éolienne de Chaleins, créée spécifiquement pour le projet en litige par la société Samfi-Invest qui prend en charge l'investissement financier des activités de ses filiales et qui est présente notamment dans le secteur du développement, de l'investissement et de l'exploitation de centrales de production d'électricité verte par l'intermédiaire de ses filiales. Cette société a notamment investi depuis 2005 dans neuf parcs éoliens et confie le financement du développement et de la construction de ses centrales de production à la société Saméole. Le dossier de demande d'autorisation comporte une présentation des capacités techniques et financières concernant l'exploitation et la maintenance des aérogénérateurs, les prestations sous-traitées et les capacités financières de l'exploitant et précise que le financement sera assuré par un emprunt sollicité par la société mère et que les frais de démantèlement seront assurés par la société Ferme Éolienne de Chaleins avec une garantie financière déterminée conformément aux dispositions de l'arrêté du 26 août 2011 par le biais d'un contrat signé par la société Samfi-Invest avec l'assureur de son choix. Enfin, le dossier de demande comprend en annexe 2 un " plan d'affaires " du parc éolien en litige. Compte tenu de ces éléments qu'ils ne remettent pas en cause, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le dossier de demande ne comporterait pas d'élément permettant de s'assurer de sa viabilité et méconnaîtrait les dispositions précitées.
9. En septième lieu, aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations ". Il appartient à l'autorité d'urbanisme compétente et au juge, pour apprécier les risques d'atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique, de tenir compte tant de la probabilité de réalisation de ces risques que de la gravité de leurs conséquences, s'ils se réalisent.
10. D'une part, en se bornant à soutenir que l'étude d'impact évoque l'éventualité de projections de pâle emportant un impact sur la circulation sur la route départementale n° 28 sur près de huit cent mètres mais également sur la route départementale n° 289 sur près de deux kilomètres, les requérants, qui n'apportent aucun élément tendant à remettre en cause l'analyse des risques du projet en litige notamment sur la circulation routière lors des phases d'installation et de maintenance, ne sont pas fondés à soutenir qu'en délivrant l'autorisation sollicitée, le préfet de l'Ain aurait méconnu les dispositions précitées du code de l'urbanisme.
11. D'autre part et contrairement à ce que soutiennent les requérants, l'étude d'impact relève l'absence de contrainte particulière concernant la navigation aérienne et civile ainsi qu'il a été relevé par les avis sollicités dans le cadre de l'instruction de la demande et précédemment évoqués ou encore l'avis du 6 février 2013 de la direction générale de l'aviation civile Centre-Est et l'avis du 12 juin 2013 de l'armée de l'air zone aérienne de défense sud qui retiennent la compatibilité du projet avec les servitudes existantes conformément aux dispositions de l'article R. 244-1 du code de l'aviation civile.
12. En dernier lieu, aux termes du I de l'article L. 181-3 du code de l'environnement : " L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1 (...) ". Aux termes de l'article L. 511-1 du même code : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les (...) installations (...), qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage. /(...) ".
13. Il résulte de l'instruction que le balisage lumineux des éoliennes sera modulé pour atténuer le contraste nocturne et que sa perception sera de surcroît amoindrie par l'éloignement des zones d'habitations et le halo formé par d'autres sources lumineuses préexistantes. Il suit de là que le risque d'effet stroboscopique préjudiciable à la santé humaine n'est pas avéré. Le risque d'émissions d'infrasons pour la plage de puissance des aérogénérateurs projetés n'est pas scientifiquement documenté. Faute de remettre utilement en cause ces données, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le projet en litige porterait atteinte aux intérêts protégés par l'article L. 511-1 du code de l'environnement.
14. Il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée en défense que la requête de M. B... et de la SCEA Val de Saône doit être rejetée.
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
15. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la société Ferme Éolienne de Chaleins.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... et de la SCEA Val de Saône est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la société Ferme Éolienne de Chaleins tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à la SCEA Val de Saône, à la société Ferme Éolienne de Chaleins, à la ministre de la transition écologique et à la préfète de l'Ain.
Délibéré après l'audience du 9 décembre 2021 à laquelle siégeaient :
M. Arbarétaz, président de chambre ;
M. Seillet, président assesseur ;
Mme Burnichon, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 décembre 2021.
N° 19LY01557