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28/12/2021 | FRANCE | N°20LY03839

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre, 28 décembre 2021, 20LY03839


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Par trois demandes distinctes, Mme F... B... épouse E..., M. C... E... et Mme G... E... ont demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les arrêtés du 28 septembre 2020 par lesquels le préfet du Rhône leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2007311-2007316-2007317 du 9 décembre 2020, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes

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Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 29 décembre 2020, Mme F...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Par trois demandes distinctes, Mme F... B... épouse E..., M. C... E... et Mme G... E... ont demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les arrêtés du 28 septembre 2020 par lesquels le préfet du Rhône leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2007311-2007316-2007317 du 9 décembre 2020, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 29 décembre 2020, Mme F... B... épouse E..., M. C... E... et Mme G... E..., représentés par Me Paquet, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 9 décembre 2020 ;

2°) d'annuler ces arrêtés du 28 septembre 2020 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de leur délivrer un titre de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de réexaminer leur situation dans un délai d'un mois, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, après leur avoir délivré dans l'attente un récépissé constatant le dépôt d'une demande de titre de séjour, l'autorisant à travailler ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Ils soutiennent que :

- le jugement est irrégulier, le premier juge ayant omis de statuer sur le moyen tiré de ce que le préfet n'avait pas, à tort, fait usage de son pouvoir de régularisation ;

- les décisions portant obligation de quitter le territoire français sont entachées d'un défaut d'examen de leur situation personnelle ;

- les décisions portant obligation de quitter le territoire français méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation quant à leurs conséquences sur leur situation personnelle ;

- les décisions portant obligation de quitter le territoire français méconnaissent l'article 3-1 de la convention internationale sur les droits de l'enfant ;

- en décidant de ne pas régulariser leur situation, le préfet a entaché ses décisions d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision obligeant Mme B... à quitter le territoire français méconnaît le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- les décisions fixant le pays de destination méconnaissent l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- les décisions fixant le pays de destination sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation.

La requête a été communiquée au préfet du Rhône, qui n'a pas produit de mémoire en défense.

M. C... E..., Mme F... E... née B... et leurs filles D... et G... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 3 février 2021.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

La présidente de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Besse, président-assesseur ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... épouse E... et M. E..., ressortissants albanais, sont entrés en France la dernière fois en décembre 2018, avec leurs trois enfants, G... née en 2000, D... née en mars 2002 et Rrahman né en 2005. Les parents et l'aînée, seul enfant alors majeur, ont déposé des demandes d'asile le 1er février 2019. Ces demandes ont été rejetées par des décisions du 26 décembre 2019 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmées le 13 mars 2020 par la Cour nationale du droit d'asile. Par trois arrêtés du 28 septembre 2020, le préfet du Rhône a obligé les époux E... ainsi que leur fille aînée G... à quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours et fixé le pays de destination. Les intéressés relèvent appel du jugement du 9 décembre 2020 par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces décisions.

Sur la régularité du jugement :

2. Ainsi que le font valoir les requérants, le premier juge n'a pas répondu au moyen selon lequel le préfet du Rhône a entaché ses décisions d'une erreur manifeste d'appréciation en ne régularisant pas leur situation. Si un tel moyen était inopérant, le premier juge n'a pas visé ce moyen dans son jugement, qu'il a ainsi entaché d'irrégularité. Par suite, le jugement attaqué doit être annulé.

3. Il y a lieu pour la cour d'évoquer et de statuer immédiatement sur les demandes présentées par les requérants devant le tribunal administratif de Lyon.

Sur la légalité de l'arrêté du 28 septembre 2020 :

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

4. En premier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier ni des termes des décisions en litige, alors même que la Cour nationale du droit d'asile resterait saisie d'un recours relatif à la demande d'asile d'Arteda E..., deuxième enfant des époux E..., que le préfet du Rhône n'aurait pas procédé à un réel examen de la situation des requérants avant de les obliger à quitter le territoire français.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. "

6. Il ressort des pièces du dossier qu'à la date de la décision en litige, les requérants séjournaient en France depuis moins de deux années. Par une décision du même jour, le préfet du Rhône a fait obligation à leur deuxième enfant, D..., de quitter le territoire français. Si les intéressés font valoir que les deux derniers enfants sont scolarisés et bien intégrés, les décisions les obligeant à quitter le territoire français ne portent pas, au regard du caractère très récent de leur séjour en France et eu égard au fait qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'ils ne pourraient mener une vie familiale normale en Albanie, une atteinte disproportionnée à leur droit au respect de leur vie privée et familiale, et ne méconnaissent pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Elles ne sont pas, non plus, entachées d'une erreur manifeste d'appréciation quant à leurs conséquences sur leur situation personnelle.

7. En quatrième lieu, il ne ressort des pièces du dossier que le dernier enfant A... la famille, né en 2005, seul enfant mineur, ne pourrait être scolarisé en Albanie, ni qu'il ne pourrait y mener une vie familiale normale. Dans ces conditions, les décisions en litige, qui n'ont par ailleurs pas pour effet de séparer cet enfant de ses parents, ne méconnaissent pas les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale sur les droits de l'enfant, qui imposent aux autorités administratives d'accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants.

8. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur, : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; (...) ".

9. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... épouse E... souffre d'hypertension et d'un diabète de type 2, pathologies pour lesquelles elle bénéficie d'une prise en charge médicale. Elle fait également état de troubles neurologiques dont la nature exacte n'a pas été déterminée. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intéressée ne pourrait effectivement bénéficier en Albanie d'un traitement approprié à son état de santé. Par suite, le moyen doit être écarté.

10. En dernier lieu, pour contester les obligations de quitter le territoire français prises à leur encontre, les requérants ne peuvent utilement invoquer le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation qu'aurait commise le préfet du Rhône en refusant de régulariser leur situation, dès lors qu'ils n'avaient pas présenté de demandes de titre de séjour sur ce fondement et que l'autorité compétente n'a pas à procéder à un examen d'un éventuel droit au séjour à ce titre avant de prendre une mesure d'éloignement.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

11. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants. "

12. Les requérants indiquent être exposés à des risques de représailles en cas de retour en Albanie, M. E... ayant été témoin en 2015 de l'assassinat d'un homme d'affaires important. Ils soutiennent que, depuis cette date, les membres de la famille ont été à plusieurs reprises agressés ou menacés. Toutefois, et alors au demeurant que leurs demandes d'asile ont été rejetées par décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides puis la Cour nationale du droit d'asile, ils ne produisent aucun élément probant à l'appui de leurs allégations. Par suite, le moyen selon lequel les décisions fixant le pays de destination méconnaissent les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté, de même que le moyen selon lequel ces décisions seraient entachées d'une erreur manifeste d'appréciation.

13. Il résulte de ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les arrêtés du 28 septembre 2020 du préfet du Rhône sont entachés d'illégalité et à en demander l'annulation. Par voie de conséquence, leurs conclusions aux fins d'injonction doivent également être rejetées.

Sur les frais d'instance :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas partie perdante pour l'essentiel, verse aux requérants la somme qu'ils demandent au titre des dispositions combinées de cet article et de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2007311-2007316-2007317 du 9 décembre 2020 du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon est annulé.

Article 2 : La demande présentée par les requérants devant le tribunal administratif de Lyon et le surplus de leurs conclusions en appel sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F... B... épouse E..., à M. C... E..., à Mme G... E... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 7 décembre 2021 à laquelle siégeaient :

Mme Danièle Déal, présidente de chambre,

M. Thierry Besse, président-assesseur,

Mme Christine Psilakis, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 décembre 2021.

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N° 20LY03839


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20LY03839
Date de la décision : 28/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme DEAL
Rapporteur ?: M. Thierry BESSE
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : PAQUET

Origine de la décision
Date de l'import : 25/01/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-12-28;20ly03839 ?
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