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17/12/2021 | FRANCE | N°21LY02009

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre, 17 décembre 2021, 21LY02009


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 2 décembre 2020 par lequel la préfète de l'Ardèche a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de soixante jours, a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être reconduit d'office et l'a astreint à se présenter une fois par semaine à la brigade de gendarmerie pour justifier des diligences effectuées pour préparer son départ.

Par un jugem

ent n° 2009265 du 17 mai 2021, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Proc...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 2 décembre 2020 par lequel la préfète de l'Ardèche a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de soixante jours, a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être reconduit d'office et l'a astreint à se présenter une fois par semaine à la brigade de gendarmerie pour justifier des diligences effectuées pour préparer son départ.

Par un jugement n° 2009265 du 17 mai 2021, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 16 juin 2021, M. A..., représenté par Me Kummer, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cet arrêté du 2 décembre 2020 de la préfète de l'Ardèche ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Ardèche de lui délivrer un titre portant la mention " salarié " ou un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation en lui délivrant dans l'attente une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler et ce, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la préfète a méconnu les dispositions de l'accord franco sénégalais, les dispositions des articles L. 313-10 et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant de lui délivrer un titre de séjour en qualité de salarié ;

- le refus de titre de séjour méconnaît le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;

- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

Le préfet de l'Ardèche, auquel la requête a été communiquée, n'a pas présenté d'observations.

Par courrier en date du 10 novembre 2021, les parties ont été informées, sur le fondement des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la cour était susceptible de se fonder sur le moyen, relevé d'office, tiré de l'inapplicabilité de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour la délivrance d'un titre portant la mention " salarié " à un ressortissant sénégalais, et de la possibilité d'y substituer en tant que de besoin la base légale tirée de l'article 5 de la convention signée le 1er août 1995 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Sénégal, relative à la circulation et au séjour des personnes et de l'article 321 de l'accord franco-sénégalais relatif à la gestion concertée des flux migratoires entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Sénégal.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention du 1er août 1995 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Sénégal sur la circulation et le séjour des personnes ;

- l'accord du 23 septembre 2006 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Sénégal relatif à la gestion concertée des flux migratoires et l'avenant à cet accord signé le 25 février 2008 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de Mme Duguit-Larcher, première conseillère, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant sénégalais, né le 14 juin 1986, est arrivé en France le 15 octobre 2016 sous couvert d'un visa de long séjour en qualité de conjoint d'une ressortissante française. A l'expiration de ce visa, il obtenu un titre de séjour portant la mention vie privée et familiale qui a été régulièrement renouvelé jusqu'au 5 novembre 2019. Il a déposé le 25 novembre 2019, alors qu'il était séparé de son épouse, une demande tendant au renouvellement de son titre de séjour ou à la délivrance d'un titre de séjour en qualité de salarié. Par arrêté du 2 décembre 2020, la préfète de l'Ardèche a refusé de lui délivrer un titre de séjour et a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de soixante jours, a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être reconduit d'office et l'a astreint à se présenter une fois par semaine à la brigade de gendarmerie pour justifier des diligences effectuées pour préparer son départ. Par un jugement n° 2009265 du 17 mai 2021, dont M. A... relève appel, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. En premier lieu, les stipulations de la convention du 1er août 1995 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Sénégal relative à la circulation et au séjour des personnes ainsi que celles de l'accord du 23 septembre 2006 relatif à la gestion concertée des flux migratoires, telles que modifiées par un avenant signé le 25 février 2008, s'appliquent aux ressortissants sénégalais. Aux termes de l'article 13 de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Sénégal sur la circulation et le séjour des personnes du 1er août 1995 : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation respective des deux États sur l'entrée et le séjour des étrangers sur tous les points non traités par la convention. ". L'article 5 de la même convention stipule que : " Les ressortissants de chacun des Etats contractants désireux d'exercer sur le territoire de l'autre Etat une activité professionnelle salariée doivent en outre, pour être admis sur le territoire de cet Etat, justifier de la possession : (...) 2. D'un contrat de travail visé par le Ministère du Travail dans les conditions prévues par la législation de l'Etat d'accueil. ". Enfin, le sous-paragraphe 321 de l'article 3 de l'accord du 23 septembre 2006 entre la France et le Sénégal relatif à la gestion concertée des flux migratoires stipule que : " La carte de séjour temporaire portant la mention "salarié", d'une durée de douze mois renouvelable, ou celle portant la mention "travailleur temporaire" sont délivrées, sans que soit prise en compte la situation de l'emploi, au ressortissant sénégalais titulaire d'un contrat de travail visé par l'Autorité française compétente, pour exercer une activité salariée dans l'un des métiers énumérés à l'annexe IV. ".

3. Il résulte de ces stipulations que la situation des ressortissants sénégalais désireux d'obtenir une carte de séjour temporaire mention " salarié " est régie par les seules stipulations de l'article 5 de la convention franco-sénégalaise susvisée à l'exclusion des dispositions de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. La préfète de l'Ardèche ne pouvait donc légalement se fonder, pour prendre l'arrêté contesté, sur les dispositions de cet article. Toutefois, et dès lors que l'application des dispositions de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'ont privé M. A... d'aucune des garanties assurées par les stipulations de l'article 5 de l'accord franco-sénégalais, il y a lieu, pour la cour, de procéder à une substitution de base légale en examinant la légalité de la décision contestée au regard de ces dernières stipulations, après avoir écarté comme inopérant le moyen tiré de la violation de l'article L. 313-10.

4. Si M. A... soutient que la préfète a méconnu les stipulations de la convention franco-sénégalaise, il n'a, pas plus en appel que devant le tribunal, assorti ce moyen de précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé.

5. En deuxième lieu, aux termes des stipulations du paragraphe 42 de l'accord du 23 septembre 2006 susvisé, dans sa rédaction issue de l'avenant signé le 25 février 2008 : " (...) Un ressortissant sénégalais en situation irrégulière en France peut bénéficier, en application de la législation française, d'une admission exceptionnelle au séjour se traduisant par la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant : / - soit la mention "salarié" s'il exerce l'un des métiers mentionnés dans la liste figurant en annexe IV de l'Accord et dispose d'une proposition de contrat de travail. / - soit la mention "vie privée et familiale" s'il justifie de motifs humanitaires ou exceptionnels ".

6. Ces stipulations renvoyant à la législation française en matière d'admission exceptionnelle au séjour des ressortissants sénégalais en situation irrégulière rendent applicables à ces ressortissants les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile selon lesquelles : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. (...) ".

7. Il appartient à l'autorité administrative de vérifier en présence d'une demande d'admission exceptionnelle au séjour présentée sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 313-14, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et, à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ". Dans cette dernière hypothèse, un demandeur qui justifie d'une promesse d'embauche ou d'un contrat de travail, même pour un emploi correspondant à l'un des métiers figurant sur une liste de métiers pour lesquels n'est pas opposable la situation de l'emploi, ne saurait être regardé, par principe, comme attestant, par là-même, des motifs exceptionnels exigés par la loi. En effet, il appartient à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'examiner, notamment, si cette promesse d'embauche ou ce contrat de travail, de même que tout élément de sa situation personnelle dont l'étranger ferait état à l'appui de sa demande, tel que par exemple, l'ancienneté de son séjour en France, peuvent constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour.

8. S'il ressort des pièces du dossier que M. A... dispose d'un contrat de travail à durée indéterminée conclu alors qu'il résidait régulièrement en France, ce contrat est sans lien avec sa formation initiale. La seule durée de son séjour en France, sa bonne intégration, illustrée notamment par sa pratique sportive, la nouvelle relation qu'il entretient avec une ressortissante française depuis décembre 2018 et la présence de sa sœur et de sa nièce en France ne suffisent pas à établir que le préfet aurait procédé à une appréciation manifestement erronée de sa situation en estimant qu'il ne justifiait pas de motifs exceptionnels justifiant la délivrance d'une carte de séjour portant la mention " salarié ".

9. En dernier lieu, M. A... reprend en appel les moyens tirés de ce que le refus de titre de séjour méconnaît le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et que le refus de titre et l'obligation de quitter le territoire français méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et sont entachés d'une erreur manifeste d'appréciation quant à leurs conséquences sur sa situation personnelle. Il y a lieu, par adoption des motifs du tribunal, d'écarter ces moyens.

10. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Sa requête doit donc être rejetée en toutes ses conclusions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. B... A.... Copie en sera adressée au préfet de l'Ardèche.

Délibéré après l'audience du 2 décembre 2021, à laquelle siégeaient :

M. d'Hervé, président,

Mme Michel, présidente assesseure,

Mme Duguit-Larcher, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 décembre 2021.

5

N° 21LY02009


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY02009
Date de la décision : 17/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. d'HERVE
Rapporteur ?: Mme Agathe DUGUIT-LARCHER
Rapporteur public ?: M. SAVOURE
Avocat(s) : KUMMER

Origine de la décision
Date de l'import : 28/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-12-17;21ly02009 ?
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