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17/12/2021 | FRANCE | N°19LY02896

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre, 17 décembre 2021, 19LY02896


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Le syndicat mixte de traitement des déchets Savoie déchets a demandé au tribunal administratif de Grenoble :

- de condamner la société Suez Energie à lui verser la somme de 5 933 700 euros, avec les intérêts au taux légal et leur capitalisation, à raison des fautes contractuelles commises lors de son exploitation de l'usine de Valezan ;

- à titre subsidiaire, de condamner la société Suez Energie à lui verser une somme représentant la valeur d'une usine comparable âgée de 23 ans ainsi q

ue les coûts de démantèlement, selon expertise à diligenter, la somme ainsi déterminée étan...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Le syndicat mixte de traitement des déchets Savoie déchets a demandé au tribunal administratif de Grenoble :

- de condamner la société Suez Energie à lui verser la somme de 5 933 700 euros, avec les intérêts au taux légal et leur capitalisation, à raison des fautes contractuelles commises lors de son exploitation de l'usine de Valezan ;

- à titre subsidiaire, de condamner la société Suez Energie à lui verser une somme représentant la valeur d'une usine comparable âgée de 23 ans ainsi que les coûts de démantèlement, selon expertise à diligenter, la somme ainsi déterminée étant majorée des intérêts au taux légal et de leur capitalisation ;

- à titre plus subsidiaire, de condamner la société Suez Energie à lui verser une somme de 1 761 928 euros représentant les coûts de démantèlement, et 22 779,12 euros au titre des mesures conservatoires, avec intérêts au taux légal et capitalisation ;

- de condamner la société Suez Energie au versement d'une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1607346 du 20 juin 2019, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 24 juillet 2019, et un mémoire enregistré le 8 octobre 2020, le syndicat mixte Savoie déchets, représenté par Me Benguigui, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement susmentionné n° 1607346 du 20 juin 2019 du tribunal administratif de Grenoble ;

2°) à titre principal, de condamner la société Suez RV Energie à lui verser la somme de 5 933 700 euros TTC, avec les intérêts au taux légal à compter du 21 décembre 2016 et leur capitalisation, en réparation des préjudices subis en raison des fautes contractuelles commises au cours de l'exploitation de l'usine de Valezan ;

3°) à titre subsidiaire, de condamner la société Suez RV Energie à lui verser une somme représentant la valeur vénale d'une usine de traitement des déchets comparable âgée de 23 ans en bon état de fonctionnement et présentant les mêmes capacités de traitement, selon expertise à diligenter, la somme ainsi déterminée étant majorée des intérêts au taux légal à compter du 21 décembre 2016 et de leur capitalisation ;

4°) à titre plus subsidiaire, de condamner la société Suez RV Energie à lui verser une somme de 1 761 928 euros représentant les coûts de démantèlement de l'usine de Valezan, et 22 779,12 euros au titre des mesures conservatoires mises en œuvre par le Smitom de Tarentaise aux droits duquel vient le syndicat Savoie Déchets, avec intérêts au taux légal à compter du 21 décembre 2016 et capitalisation ;

5°) de mettre à la charge de la société Suez RV Energie la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il est fondé à rechercher la responsabilité de la société Suez RV Energie sur un fondement contractuel ;

- la société Suez RV Energie a méconnu ses obligations contractuelles d'entretien, de renouvellement régulier des équipements pour l'usure normale et anormale, et de remise en bon état de fonctionnement en état normal de service de l'usine de Valezan avec les mêmes performances initiales et a donc commis une faute engageant sa responsabilité ;

- la société Suez RV Energie a exploité dans des conditions anormales et donc fautives l'usine en faisant fonctionner le four en surrégime, au-delà de la puissance thermique nominale prescrite par le constructeur, en ne procédant pas aux contrôles aux périodes règlementaires de certaines parties de l'installation (cheminée, installations électrique et de sécurité incendie, cuve d'air comprimé, four) ;

- l'état des installations constaté en fin de contrat en 2015 a bien révélé des déficiences d'entretien et de renouvellement et non pas des déficiences de modernisation ; les coûts des travaux d'entretien et de renouvellement auraient dû être supportés par Novergie/ Suez RV Energie et leur importance ne saurait les faire regarder comme des travaux de modernisation ou de rénovation ; ladite société n'apporte aucun élément technique pour remettre en cause les conclusions de l'audit de novembre 2015 et ses propres constatations de 2014 ;

- la société Suez RV Energie ne saurait contester la réalité de sa faute en invoquant les stipulations de l'avenant n°4 signé le 5 novembre 2014 et son annexe comportant un état descriptif des installations au 20 août 2014, ledit avenant n'emportant pas renonciation aux autres stipulations du contrat mettant à la charge de la société l'entretien courant, le gros entretien, le renouvellement en cas d'usure normale et anormale, et ne la déchargeant pas de ses obligations de remise des installations en bon état de fonctionnement ou en état normal de service en fin de contrat, avec la conservation de leurs performances initiales ;

- le montant du compte GER, qui est prévisionnel, n'est pas un plafond de l'obligation d'entretien et de renouvellement, un solde négatif de ce compte étant à la charge de l'exploitant ;

- l'âge de l'installation ne saurait expliquer l'état " en fin de vie " de l'équipement restitué en fin de contrat, alors qu'un nombre important d'usines d'incinération des déchets en fonctionnement en 2015 en France ont une ancienneté supérieure ;

- les préjudices qu'il a subis sont liés à ces manquements contractuels, le jugement contesté est à cet égard entaché d'une erreur de fait ;

- la fermeture définitive et le démantèlement de l'usine ainsi que les coûts afférents à ces opérations sont bien liés aux manquements de l'exploitant à ses obligations contractuelles d'entretien ;

- la mise à l'arrêt de l'usine à la fin du contrat de Novergie le 28 décembre 2015 avait été temporairement décidée en attendant le résultat de l'audit de la société EAD-Envirconsult-CME environnement ;

- c'est parce qu'il est apparu après l'expiration du marché que les collectivités auraient à assumer, outre ces travaux de modernisation/rénovation, des coûts supplémentaires de remise en état (indépendamment des travaux de modernisation de 4 millions d'euros) du fait de la non-réalisation des travaux d'entretien/ renouvellement par Suez RV Energie pendant l'exécution de son marché, que le syndicat a renoncé à la reprise de l'activité de l'usine de Valezan et a décidé la fermeture définitive du site en 2016 ;

- l'existence d'un programme et d'engagements de réaliser des travaux de " rénovation " (modernisation) à hauteur de quatre millions d'euros n'autorisait pas la remise des installations en fin de contrat dans un état qualifié de " fin de vie ", entrainant des coûts supplémentaires dus aux carences de l'exploitant en méconnaissance de ses engagements contractuels ;

- la fermeture de l'usine ne s'inscrit pas dans le cadre d'une stratégie globale prévoyant notamment de concentrer sur l'usine de Chambéry le traitement des déchets ;

- à titre principal, son préjudice correspond au coût de remise en état de fonctionnement normal de l'usine de Valezan, qui s'élève à la somme de 4 944 750 euros HT correspondant à la solution 2 de l'audit déduction faite des coûts de réfection liés à la toiture du bâtiment et à la reprise de la charpente d'un montant de 650 000 euros HT ;

- à titre subsidiaire, il sollicite l'indemnisation de son préjudice à hauteur de la valeur vénale d'une usine de traitement des déchets de 23 ans présentant des caractéristiques similaires, les mêmes capacités de traitement, et en bon état de fonctionnement et d'entretien, préjudice qui sera évalué selon un expertise immobilière ordonnée avant dire droit ;

- à titre infiniment subsidiaire, le préjudice subi ne saurait être inférieur aux coûts de démantèlement de l'usine rendu nécessaire par les défaillances de Suez RV Energie, d'un montant de 1 761 928 euros TTC, augmentés du coût des mesures conservatoires, d'un montant de 22 779,12 euros TTC ;

- l'usure des installations ne saurait résulter d'un manquement du maître de l'ouvrage à mettre en œuvre des mesures conservatoires, des canons à air chaud ayant été mis en place en décembre 2015 et jusqu'en avril 2016.

Par un mémoire enregistré le 15 septembre 2020, et un mémoire non communiqué enregistré le 13 octobre 2021, la société Suez RV Energie, anciennement dénommée Novergie, représenté par Me Le Port, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge du syndicat mixte Savoie Déchets la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- l'idée initiale était de rénover l'usine de Valezan après l'expiration du marché en cours, prévue en 2014, pour faire perdurer son exploitation jusqu'en 2025, à charge pour le syndicat Savoie Déchets de reprendre son exploitation sous forme de régie ;

- non seulement les travaux d'entretien et de renouvellement à mettre en œuvre jusqu'à la fin du marché, en décembre 2015 ont été convenus d'un commun accord mais, par l'avenant 4, les parties se sont accordées sur les modalités de prise en charge de ces dépenses avec une limitation et un plafonnement de ses engagements ;

- le syndicat Savoie Déchets a fait le choix de cesser définitivement l'exploitation de l'usine le 28 décembre 2015 et même dès le 14 décembre 2015, les mesures de protection minimales des installations qui étaient nécessaires pour permettre une reprise de l'exploitation n'ayant pas été mises en œuvre ;

- l'audit dont se prévaut le requérant est sans portée utile dès lors que l'existence de la société " Ead-Envirconsult " n'est pas établie, qu'il n'est pas signé, qu'aucune information n'est donnée sur son rédacteur, qui est vraisemblablement un ancien salarié de Suez en conflit avec son employeur, qu'il n'a pas un caractère contradictoire, l'exploitant n'ayant pas participé aux visites des lieux qui ont été réalisées après son départ, le 28 décembre 2015 alors que l'exploitation avait cessé et les dates des photographies n'étant pas connues, et qu'il n'établit pas les défaillances d'entretien de l'exploitant ;

- le syndicat Savoie Déchets n'a jamais eu l'intention de reprendre l'exploitation de l'installation jusqu'en 2025 pour des raisons économiques et permettre une utilisation à pleine capacité de l'usine de Chambéry, qui manquait de déchets à traiter ; la décision de ne pas reprendre cette exploitation ne lui est donc pas imputable ;

- il n'y a donc aucun lien entre la décision d'arrêter définitivement l'exploitation de l'usine de Valezan et de prétendues défaillances de l'exploitant, défaillances au demeurant non démontrées ;

- les manquements à ses obligations contractuelles ne sont pas établies ;

- aucune stipulation du marché n'obligeait le titulaire à remettre en fin de contrat une installation en capacité d'être exploitée pendant une durée indéterminée et excédant la durée du marché dont il était attributaire ; les travaux permettant la poursuite de l'exploitation au-delà de la date de fin de contrat étaient considérés contractuellement comme des travaux de modernisation ;

- soutenir que le titulaire, parce que titulaire d'un contrat d'une durée de sept ans, prolongé d'un an, devrait assumer sans aucune limite la réalisation de travaux chiffrés à plus de 5 millions d'euros aurait pour effet de transformer la nature du marché initialement attribué au titulaire, d'un marché de service à un marché de travaux ;

- tant le SMITOM que le syndicat Savoie déchets ont toujours eu une parfaite conscience et connaissance du fait que c'était à eux de réaliser les investissements nécessaires pour permettre à l'usine de Valezan d'être exploitée pendant encore 10 ans jusqu'en 2025 ;

- les travaux évoqués par le syndicat Savoie Déchets ont pour objet de permettre une exploitation pendant une durée supplémentaire de 10 années, après l'expiration du marché, ce à quoi l'exploitant ne s'est jamais engagé ;

- la qualification de " fin de vie " de certaines installations, qui n'a été employée que par elle, s'inscrivait dans la perspective de l'importante rénovation des installations alors envisagée, nécessaire en vue d'une exploitation jusqu'en 2025 ;

- pendant toute l'exécution du contrat et dans le cadre des réunions de suivi d'exploitation, aucun reproche n'a jamais été fait à l'exploitant ;

- l'avenant 4 au marché signé le 5 novembre 2014 s'oppose également aux demandes du requérant dès lors que, par cet avenant, les parties ont convenu d'une liste des travaux à programmer sur 2015 sur la base d'un état des lieux, et ont prévu une répartition du cout des travaux excédant les recettes du GER et plus précisément un plafond s'agissant de la part devant rester à sa charge, conservant la charge de 40% des surcouts avec un plafond égale à 10 % des recettes du fonds GER prévues au titre de l'année 2015 ; c'est donc le SMITOM qui devait contractuellement supporter la charge de l'excédent des dépenses réalisées au titre des obligations d'entretien et du renouvellement prévues par l'article 10 du marché ;

- il a été constaté, lors de l'état des lieux dressé le 21 décembre 2015 que l'installation fonctionnait sans problème particulier, ce qui a été confirmé par le constat d'huissier dressé à cette date à sa demande ; il n'a jamais été démontré que l'installation, à cette date, n'avait pas conservé ses performances initiales ;

- la valeur des coûts de remise en état ne constitue pas un préjudice indemnisable dès lors que ces travaux n'ont pas été réalisés et ni le SMITOM ni le syndicat Savoie déchets n'en ont supporté la charge et ne seront jamais réalisés ;

- la perte d'une installation en bon état de fonctionnement et en état normal de service n'est pas constitutive d'un préjudice réparable qui ne peut consister le cas échéant que dans les conséquences défavorables et effectivement supportées de l'impossibilité d'exploiter l'usine de Valezan, dont aucune précision n'est donnée quant à l'existence, la nature et l'importance, alors que les décisions d'arrêter l'exploitation puis de ne pas la reprendre relèvent de la responsabilité du SMITOM et du syndicat Savoie Déchets ;

- le requérant ne démontre pas pourquoi le préjudice devrait être apprécié par référence à " la valeur du bien dont devrait disposer le syndicat Savoie Déchets à la fin de l'exploitation de l'usine de Valezan, restituée le 28 décembre 2015, et si cette exploitation s'était effectuée dans des conditions normales d'entretien " ;

- la demande d'expertise est dépourvue d'utilité dès lors que le requérant ne produit aucun élément concernant le préjudice qu'il invoque, qu'il n'a inscrit dans ses comptes aucun passif lié à l'usine, que la cessation de l'exploitation de l'usine de Valezan n'est à l'origine d'aucun préjudice mais a été profitable au requérant en lui permettant d'exploiter en pleine capacité son usine de Chambéry, dont les coûts de traitement sont plus bas, et que l'usine de Valezan a été démantelée ou est en cours de démantèlement, et qu'aucune installation n'est semblable à une autre ;

- elle ne saurait supporter les coûts de démantèlement de l'installation dès lors que les prétendus manquements de l'exploitant n'empêchaient pas le syndicat requérant de continuer à l'exploiter, qu'il a pris la décision de cesser l'exploitation en décembre 2015, et qu'il aurait en tout état de cause, le jour où il aurait décidé de mettre fin à cette exploitation, et notamment en 2025, supporté ces coûts.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la construction et de l'habitation ;

- le code des marchés publics ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Rivière ;

- les conclusions de M. Savouré, rapporteur public ;

- les observations de Me Benguigui pour le syndicat mixte Savoie Déchets et celles de Me Leport pour la société Suez RV Energie.

Des notes en délibéré, enregistrées les 18 et 24 novembre 2021, ont été produites respectivement pour le syndicat mixte Savoie Déchets et la société Suez RV Energie.

Considérant ce qui suit :

1. Par un marché notifié le 27 août 2007, le syndicat mixte de traitement des ordures ménagères (SMITOM) de Tarentaise a confié à la société Novergie, désormais dénommée Suez RV Energie, l'exploitation de l'usine de traitement des déchets de Valezan, entrée en service en 1991. Le terme du marché, fixé initialement au 28 décembre 2014, a été reporté par un avenant n° 4 jusqu'au 28 décembre 2015, avant que l'exploitant refuse le nouveau report jusqu'au 28 juin 2016 proposé par le syndicat mixte. Après sa remise par l'exploitant au syndicat mixte le 28 décembre 2015, l'usine a été aussitôt mise à l'arrêt par ce dernier.

2. Par un arrêté du préfet de la Savoie du 28 juin 2016, le SMITOM de Tarentaise a adhéré au syndicat mixte Savoie Déchets à compter du 1er juillet 2016 pour la compétence obligatoire " traitement des déchets ménagers et assimilés " et lui a intégralement transféré ses compétences mais aussi ses biens, droits et obligations. Le syndicat mixte Savoie Déchets (SMSD) a demandé au tribunal administratif de Grenoble la condamnation de la société Suez RV Energie à l'indemniser des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de ses manquements, en qualité d'exploitant, à ses obligations contractuelles. Par un jugement n° 1607346 du 20 juin 2019, dont ledit syndicat relève appel, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'indemnisation :

3. Aux termes de l'article 6.1 intitulé " responsabilités " du cahier des clauses particulières du marché relatif à l'exploitation de l'usine de traitement des déchets ménagers et assimilés et du quai de transfert des produits recyclables de Valezan : " L'exploitant reste le seul responsable à l'égard des tiers et du maître de l'ouvrage, de l'exploitation du site (...). L'exploitant s'engage à faire seul et intégralement son affaire du maintien en état de l'installation, même en cas d'usure normale ou anormale ". Aux termes de l'article 6.3 intitulé " obligations générales " du même cahier : " L'exploitant assure, sous sa responsabilité et à ses frais, risques et périls, le bon fonctionnement, l'entretien courant, le gros entretien et le renouvellement des installations, équipements, ouvrages, bâtiments, voiries et structures dont il a la charge. (...) L'exploitant s'engage à faire seul et intégralement son affaire du maintien en état de l'installation, même en cas d'usure normale ou anormale (...) ". Aux termes de l'article 10 du même cahier, intitulé " Entretien et renouvellement des installations ": " Les équipements constitutifs de l'installation (...) sont entretenus et régulièrement renouvelés de façon à être maintenus en bon état de fonctionnement et à conserver leurs performances initiales. L'entretien courant, le gros entretien et le renouvellement couvrent non seulement les équipements d'incinération et de transferts mais également le pont-bascule, les bâtiments afférents à l'usine d'incinération et de transfert (...). Les frais relatifs à cet entretien et ce renouvellement sont à la charge de l'exploitant. Celui-ci s'engage à faire seul et intégralement son affaire du maintien en bon état de l'installation même en cas d'usure normale ou anormale. Seuls les éventuels coûts de désamiantage restent à la charge du SMITOM. ".

4. Comme le soutient Savoie Déchets les résultats de l'audit engagé en novembre 2015 et évoqué au point 5 permettent de conclure à des manquements contractuels de l'exploitant en ce qui concerne l'entretien et la maintenance de l'installation au regard de ses obligations contractuelles rappelées ci-dessus. Il est par ailleurs certain que l'état d'entretien de l'installation et le coût de la remise à niveau de certains de ses équipements, dans le contexte de sa vétusté d'ensemble, ont été pris en considération lors des discussions entre les deux EPCI préalables à l'adhésion du SMITOM à Savoie Déchets et au cours desquelles ont été envisagées les axes selon lesquels la compétence dévolue à ce dernier serait mise en œuvre.

5. Il résulte de l'instruction et notamment du contenu de la charte de transfert approuvée par les deux entités le 1er avril 2016, qu'avant la publication des conclusions d'un audit réalisé en novembre 2015 à sa demande par une société EAD-Envirconsult, le SMITOM de Tarentaise et le syndicat requérant avaient certes évoqué la continuation de l'exploitation de l'usine de Valezan jusqu'en 2025, option toutefois déjà refusée par l'exploitant. Cependant, une délibération du 24 mars 2016 du SMITOM a décidé de cesser définitivement l'activité de cette usine, mise à l'arrêt depuis décembre 2015. Cette décision est intervenue, ainsi qu'il ressort des publications versées au dossier, en partie au regard de l'importance des investissements nécessaires à la poursuite dans des conditions satisfaisantes de performance de l'activité de l'usine, dont de nombreux équipement ont été qualifiés comme " en fin de vie ou obsolètes ", mais aussi notamment en raison de l'évolution de la réglementation relative à la valorisation énergétique des déchets incinérés, nécessitant une évolution de l'installation de Valezan rendue difficile sur ce site à raison de sa localisation, de son ancienneté et de la charge de son entretien et de sa capacité de traitement insuffisante pour rentabiliser son adaptation. D'autres facteurs, tels ses coûts importants de traitement, l'irrégularité des tonnages collectés eu égard à la saisonnalité de leur production ont pu favoriser le choix du redéploiement de l'activité et des moyens du syndicat requérant dont l'un des objectifs était notamment d'assurer le fonctionnement de l'unité de Chambéry à pleine capacité technique.

6. Dans ces circonstances, le préjudice effectif résultant pour Savoie Déchets des manquements de l'exploitant à ses obligations contractuelles ci-dessus évoquées ne peut être évalué comme il le demande par référence au coût de la remise à neuf ou de la valeur d'une telle installation en état de marche compte tenu des décisions de gestion intervenues qui ne sont pas la conséquence exclusive de ces fautes contractuelles, et eu égard à la date retenue dans tous les cas pour la fin de l'exploitation de ce site. En outre, il n'est pas démontré que le coût de remise en état de fonctionnement dit normal de l'usine de Valezan ne correspondrait pas à celui des travaux de rénovation ou de modernisation que le syndicat devait prendre à sa charge compte tenu de l'état objectif de vétusté de l'usine, alors que la perspective de poursuivre son exploitation jusqu'en 2025 nécessitait la réalisation de tels travaux.

7. Le syndicat, qui ne présente pas formellement une telle demande, pouvait le cas échéant prétendre à l'indemnisation et la compensation, à proportion de l'incidence des manquements de l'exploitant dans ses obligations d'entretien, d'une partie des charges supportées du fait du redéploiement anticipé de ses activités et de la concentration de l'offre de ses infrastructures de traitement.

8. Enfin, si le syndicat requérant sollicite, à titre subsidiaire, l'indemnisation des coûts de démantèlement de l'usine rendu nécessaire par les défaillances de Suez RV Energie et de celui des mesures conservatoires, la matérialité de ces derniers n'est pas établie et le syndicat Savoie Déchets aurait nécessairement dû exposer de tels coûts de démantèlement même s'il avait décidé de poursuivre l'exploitation de l'usine jusqu'en 2025, à l'issue de cette période de prolongation.

9. Il résulte de ce qui précède que le syndicat Savoie Déchets n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le juge attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Sur les conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Les conclusions présentées à ce titre par le syndicat Savoie Déchets, partie perdante, doivent être rejetées. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées à ce titre par la société Suez RV Energie.

DÉCIDE :

Article 1er : la requête du syndicat Savoie Déchets est rejetée.

Article 2 : Les conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative présentées par la société Suez RV Energie sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au syndicat Savoie Déchets et à la société Suez RV Energie.

Délibéré après l'audience du 18 novembre 2021, à laquelle siégeaient :

M. d'Hervé, président de chambre,

Mme Michel, présidente-assesseure,

M. Rivière, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 17 décembre 2021.

8

N° 19LY02896


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY02896
Date de la décision : 17/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39 Marchés et contrats administratifs.


Composition du Tribunal
Président : M. d'HERVE
Rapporteur ?: M. Christophe RIVIERE
Rapporteur public ?: M. SAVOURE
Avocat(s) : AWEN AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 28/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-12-17;19ly02896 ?
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