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16/12/2021 | FRANCE | N°20LY03470

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 7ème chambre, 16 décembre 2021, 20LY03470


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Alliance Services a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 22 février 2019 par laquelle l'inspectrice du travail de l'unité départementale du Rhône lui a refusé l'autorisation de transférer le contrat de travail de M. A... B... au sein de la société OTI France Services, ensemble la décision du 27 septembre 2019 par laquelle la ministre du travail a rejeté son recours hiérarchique.

Par jugement n° 1909148 lu le 29 septembre 2020, le tribunal administratif

de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par requête enregistrée le 2...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Alliance Services a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 22 février 2019 par laquelle l'inspectrice du travail de l'unité départementale du Rhône lui a refusé l'autorisation de transférer le contrat de travail de M. A... B... au sein de la société OTI France Services, ensemble la décision du 27 septembre 2019 par laquelle la ministre du travail a rejeté son recours hiérarchique.

Par jugement n° 1909148 lu le 29 septembre 2020, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par requête enregistrée le 27 novembre 2020, présentée pour la société Alliance Services, il est demandé à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1909148 lu le 29 septembre 2020 du tribunal administratif de Lyon ;

2°) d'annuler les décisions susmentionnées ;

3°) d'autoriser le transfert du contrat de travail de M. B....

Elle soutient que :

- dès lors que l'activité de relevé de compteurs gaz constituait une entité économique autonome, nonobstant l'absence de dissociation comptable des activités de relevé de compteurs gaz et électricité, et qu'elle a conservé son activité, le personnel qui était principalement affecté à l'activité de relève des compteurs gaz pour le compte de la société GRDF, au sein de la société Codice, devait faire l'objet d'un transfert au sein de la société OTI France ;

- dès lors que M. B... était très majoritairement affecté sur le marché des compteurs gaz, contrairement à ce qui a pu être affirmé par le tribunal, son contrat de travail devait être transféré ;

- c'est à tort que l'inspecteur du travail s'est fondé sur une discrimination en raison de l'activité syndicale pour justifier le refus de transfert du contrat de travail de M. B..., alors que tous les salariés dans la même situation ont bénéficié d'un traitement identique de leur contrat de travail.

Par mémoire enregistré le 19 février 2021, présenté pour M. A... B..., il conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 1 500 euros soit mise à la charge de la société Alliance Services au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 26 mars 2021, la clôture de l'instruction été fixée au 21 mai 2021.

Par mémoire enregistré le 28 avril 2021, présenté pour la société OTI France Services, elle conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 1 500 euros soit mise à la charge de la société Alliance Services au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Par mémoire enregistré le 10 novembre 2021 (non communiqué), la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion s'en rapporte à ses écritures de première instance.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Seillet, président assesseur ;

- les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public ;

- et les observations de Me Bougenaux, pour la société Alliance Services, ainsi que celles de Me Cohen, substituant Me Dumoulin, pour M. B... ;

Considérant ce qui suit :

1. La société Alliance Services, qui exerce notamment une activité de relève de compteurs de gaz et d'électricité, sous son nom commercial Codice, a sollicité, suite à la perte du marché de relève de compteurs de gaz, confié par la société GRDF, à compter du 1er janvier 2019, au profit de la société OTI France Services, l'autorisation de procéder au transfert du contrat de travail de M. B..., exerçant des fonctions de releveur polyvalent et titulaire de mandats de membre de la délégation unique du personnel, de délégué syndical et de candidat au comité social et économique. Par une décision du 22 février 2019, l'inspectrice du travail de l'unité départementale du Rhône a refusé l'autorisation de procéder au transfert du contrat de travail de M. B.... Par une décision du 27 septembre 2019, la ministre du travail a rejeté le recours hiérarchique formé contre cette décision par la société Alliance Services le 19 avril 2019. Cette société relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande d'annulation de ces décisions.

2. En vertu de l'article L. 2414-1 du code du travail, le transfert d'un salarié protégé compris dans un transfert partiel d'entreprise ou d'établissement ne peut intervenir qu'après autorisation de l'inspecteur du travail. Aux termes de l'article L. 1224-1 du même code : " Lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l'entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise ".

3. Il appartient à l'autorité administrative, saisie d'une demande d'autorisation de transfert sur le fondement de l'article L. 2414-1 du code du travail, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, de vérifier, en premier lieu, que sont remplies les conditions prévues à l'article L. 1224-1 du code du travail. Cette dernière disposition ne s'applique qu'en cas de transfert par un employeur à un autre employeur d'une entité économique autonome conservant son identité et dont l'activité est poursuivie ou reprise par le nouvel employeur. Constitue une entité économique autonome un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels ou incorporels permettant l'exercice d'une activité économique qui poursuit un objectif économique propre et le transfert d'une telle entité ne s'opère que si des moyens corporels ou incorporels significatifs et nécessaires à l'exploitation de l'entité sont repris, directement ou indirectement, par un autre exploitant. Il appartient également, en deuxième lieu, à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, de vérifier si la condition d'exécution effective du contrat de travail dans l'activité transférée est remplie et, à cette fin, d'analyser concrètement l'activité du salarié. Lorsque le contrat de travail s'exerce seulement en partie au sein du secteur d'activité transféré, elle ne saurait, en tout état de cause, autoriser un transfert partiel de ce contrat alors que l'essentiel des fonctions du salarié continuait d'être accompli au sein d'un secteur d'activité non transféré. Il incombe, en dernier lieu, à l'autorité administrative de s'assurer que le transfert envisagé est dépourvu de lien avec le mandat ou l'appartenance syndicale du salarié transféré et que, ce faisant, celui-ci ne fait pas l'objet d'une mesure discriminatoire.

4. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que, comme l'ont relevé les premiers juges, d'une part, alors que la société Alliance Services avait conclu deux marchés avec la société ERDF, devenue ENEDIS, et la société GRDF pour la réalisation des prestations d'acquisition des index de consommation en électricité et en gaz sur les zones de Lyon nord et sud, du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2018, la société GRDF a décidé de mettre un terme au marché confié à la société Alliance Services de relevé de compteurs de gaz à compter du 31 décembre 2018 et a confié ce marché à la société OTI France Services à compter du 1er janvier 2019 et, d'autre part, la société Alliance Services a néanmoins conservé, pour l'année 2019, le marché de relevé de compteurs électriques sur les zones de Lyon nord et sud. Il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que, comme l'affirme la société requérante, M. B... et les autres salariés dont le transfert a été envisagé vers la société OTI France Services auraient été affectés exclusivement ou principalement à l'activité de relève des compteurs de gaz dans le cadre du marché confié par la société GRDF, la société Alliance Services ne pouvant ainsi se prévaloir de l'existence d'un personnel spécialement affecté à cette tâche, alors qu'ainsi qu'il a été dit, elle exerçait également une activité de relève de compteurs d'électricité, qu'elle a poursuivie après la perte du marché de relève des compteurs de gaz pour la société GRDF, confiée aux salariés chargés d'effectuer les relevés de compteurs d'électricité. Dès lors la société Alliance Services ne démontre pas, à défaut d'apporter des éléments établissant en particulier l'existence d'un ensemble organisé de personnes affectées spécifiquement à la relève des compteurs de gaz, que cette activité constituait en son sein une entité économique autonome, en dépit de la circonstance qu'aucun personnel administratif n'était affecté à la gestion et à l'organisation de l'activité de relève de compteurs de gaz et qu'elle se voyait imposer l'ensemble des modalités d'organisation des relèves par son contractant, qui établissait des plannings de tournées et mettait à sa disposition l'ensemble des moyens nécessaires à l'exploitation de l'activité. Par suite, l'inspectrice du travail a pu légalement retenir ce premier motif pour refuser l'autorisation de transférer le contrat de travail de M. B... à la société OTI France Services.

5. En second lieu, d'une part, il ressort des pièces du dossier et, en particulier, d'un rapport rédigé le 11 septembre 2019 par le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (direccte) Auvergne Rhône-Alpes, qu'en fin d'année 2017, lorsque la société Alliance Services avait envisagé de réorienter ses activités et de mettre fin à celle de relève de compteurs sur les secteurs de Lyon Sud et Lyon Nord, certains salariés de cette entreprise s'étaient vu proposés leur transfert vers la société Terre d'énergies, filiale de la même holding. S'il ressort également dudit rapport que d'autres salariés, dont M. B..., qui s'étaient trouvés en position d'arrêt de travail dans le cadre d'un accident de travail ou de congés de maladie et avaient dû être remplacés de ce fait par les salariés de Terre d'énergies, n'avaient pas bénéficié d'une telle offre, sans qu'aucun élément objectif n'ait alors été avancé pour expliquer le choix de maintenir ces salariés dans l'entreprise, tout en envisageant leur transfert vers le repreneur futur du marché, de tels éléments ne sont pas de nature à démontrer, à eux seuls, l'existence d'une discrimination à raison de l'état de santé de M. B.... Dès lors, l'inspectrice du travail ne pouvait légalement retenir un tel motif pour refuser l'autorisation de transfert sollicitée par la société Alliance Services. D'autre part, s'il ressort également des pièces du dossier que M. B... avait rencontré des difficultés pour l'exercice de ses mandats et que les opérations d'élection au CSE avaient été annulées par le juge judiciaire au motif du non-respect par la société Alliance Services, de son obligation de neutralité à l'égard de la seule liste syndicale en lice au premier tour de l'élection, ces seuls éléments ne sont pas de nature à établir que la demande d'autorisation de transfert présentée par la société Alliance Services était liée à l'exercice des mandats détenus par l'intéressé, et, dès lors, l'inspectrice du travail ne pouvait légalement retenir davantage un tel motif pour refuser l'autorisation de transfert sollicitée par la société Alliance Services. Toutefois, il résulte de l'instruction qu'elle aurait pris la même décision si elle s'était fondée sur le seul motif tiré de l'absence d'entité économique autonome.

6. La décision de l''inspectrice du travail qui a refusé d'autoriser le transfert du contrat de travail de M. B... n'est pas, ainsi qu'il a été dit au point 5, entachée d'illégalité. Cette décision avait créé des droits au profit de M. B.... Dès lors, la ministre du travail était tenue de rejeter le recours hiérarchique de la société Alliance Services dirigé contre cette décision.

7. Il résulte de ce qui précède que la société Alliance Services n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction, alors au demeurant qu'il n'appartient pas au juge administratif d'autoriser le transfert du contrat de travail d'un salarié protégé.

8. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Alliance Services une somme au titre des frais exposés par M. B... et par la société OTI France Services.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Alliance Services est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de M. B... et de la société OTI France Services tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Alliance Services, à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion, à M. A... B... et à la société OTI France Services.

Délibéré après l'audience du 25 novembre 2021 à laquelle siégeaient :

M. Arbarétaz, président de chambre ;

M. Seillet, président assesseur ;

Mme Djebiri, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 décembre 2021.

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N° 20LY03470


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY03470
Date de la décision : 16/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-01 Travail et emploi. - Institutions du travail.


Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: M. Philippe SEILLET
Rapporteur public ?: M. CHASSAGNE
Avocat(s) : BARTHELEMY AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 28/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-12-16;20ly03470 ?
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