Vu la procédure suivante :
Par une requête et des mémoire enregistrés les 28 novembre 2019, 24 août 2020, 11 mai 2021 et 27 octobre 2021 (non communiqué), la SCEA Ferme de la Puce et Mme B... A..., représentées par Me Ghaye, demandent à la cour :
1°) d'annuler l'arrêté n° 370 du 29 mai 2019 par lequel le préfet de la Côte-d'Or a délivré à la société EDPR France Holding l'autorisation d'exploiter une installation de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent regroupant cinq aérogénérateurs et deux postes de livraison sur la commune d'Oigny, ensemble les rejets implicites de leurs recours gracieux ;
2°) de mettre à la charge de l'État le versement à chacune de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent que :
- le délai requis pour prescrire l'enquête publique a été méconnu ;
- les dispositions de l'article L. 123-10 du code de l'environnement ont été méconnues ;
- la copie de l'arrêté du 29 mai 2019 n'a été adressée qu'à une partie des communes concernées en méconnaissance des dispositions de l'article R. 512-39 du code de l'environnement ;
- l'arrêté attaqué ne respecte pas les réserves émises par la commission d'enquête en méconnaissance des dispositions de l'article L. 123-1 du code de l'environnement ;
- l'étude d'impact est insuffisante et incomplète s'agissant des nuisances sonores émises par les aérogénérateurs et en ce qu'elle sous-estime l'impact du projet sur l'avifaune et particulièrement le Milan Royal et concernant les effets cumulés avec les différents parcs situés à proximité ;
- une demande de dérogation aurait dû être déposée et obtenue en application de l'article L. 411-2 du code de l'environnement ;
- l'étude de danger est erronée en ce qu'elle ne tient pas compte de l'autorisation de construire qui a été accordée à la SCEA Ferme de la Puce ;
- l'arrêté attaqué méconnaît les dispositions des articles R. 111-2 du code de l'urbanisme, L. 515-44 du code de l'environnement et L. 511-1 du code de l'environnement concernant la nature du sol et le risque d'atteinte à la protection de la faune et de la flore et concernant l'atteinte au Milan Royal ;
- l'arrêté attaqué est entaché de détournement de pouvoir.
Par mémoires enregistrés les 27 mars 2020, 2 juin 2021 et 22 octobre 2021 (non communiqué) la société EDPR France Holding, représentée par Me Gossement, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de la SCEA Ferme de la Puce et de Mme B... A... le versement de la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête est irrecevable pour défaut d'intérêt à agir des requérantes et en méconnaissance des dispositions de l'article R. 411-1 du code de justice administrative ;
- les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Par mémoires enregistrés les 4 juin et 1er juillet 2021 (non communiqué), la ministre de la transition écologique conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que :
- la requête est irrecevable en l'absence d'intérêt à agir ;
- subsidiairement, les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 4 juin 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 1er juillet 2021.
Le 14 octobre 2021, les parties ont été informées qu'en application des dispositions de l'article R. 611-7-2 du code de justice administrative, l'arrêt était susceptible d'opposer l'irrecevabilité du moyen tiré de l'absence de demande de dérogation à l'interdiction de destruction des espèces protégées, comme invoqué après l'expiration du délai de deux mois à compter de la communication aux parties du premier mémoire en défense.
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code de l'urbanisme ;
- l'ordonnance n° 2014-355 du 20 mars 2014 ;
- le décret n° 2014-450 du 2 mai 2014 ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Burnichon, première conseillère ;
- les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public ;
- et les observations de Me Le Baube, substituant Me Ghaye, pour Mme A... et la SCEA Ferme de la Puce, ainsi que celles de Me Ferjoux, substituant Me Gossement, pour la société EDPR France Holding.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté n° 370 du 29 mai 2019, le préfet de la Côte-d'Or a délivré à la société EDPR France Holding, suite à une demande déposée le 22 décembre 2016, l'autorisation de construire et d'exploiter une installation de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent regroupant cinq aérogénérateurs et deux postes de livraison sur la commune d'Oigny. Mme A... et la SCEA Ferme de La Puce demandent à la cour d'annuler cet arrêté, ensemble les rejets de recours gracieux.
2. En premier lieu, aux termes de l'article 14 du décret susvisé du 2 mai 2014, alors applicable compte tenu de la date de la demande d'autorisation en litige : " /(...) Le représentant de l'État dans le département décide de l'ouverture de l'enquête publique dans un délai maximal de quinze jours à compter de la désignation (...) de la commission d'enquête ". Aux termes de l'article L. 123-10 du code de l'environnement : " I. - Quinze jours au moins avant l'ouverture de l'enquête et durant celle-ci, l'autorité compétente pour ouvrir et organiser l'enquête informe le public. L'information du public est assurée par voie dématérialisée et par voie d'affichage sur le ou les lieux concernés par l'enquête, ainsi que, selon l'importance et la nature du projet, plan ou programme, par voie de publication locale (...) ".
3. S'il appartient à l'autorité administrative d'ouvrir l'enquête publique et d'assurer la publicité de celle-ci dans les conditions fixées par les dispositions précitées, leur méconnaissance n'est toutefois de nature à vicier la procédure et donc à entraîner l'illégalité de la décision prise à l'issue de l'enquête publique que si elle n'a pas permis une bonne information de l'ensemble des personnes intéressées par l'opération ou si elle a été de nature à exercer une influence sur les résultats de l'enquête et, par suite, sur la décision de l'autorité administrative.
4. Il résulte de l'instruction que si la commission d'enquête a été désignée par décision du président du tribunal administratif de Dijon du 28 novembre 2018 alors que l'arrêté du préfet prescrivant l'ouverture de l'enquête publique n'est intervenu que le 18 décembre 2018, soit plus de vingt jours après cette désignation, en méconnaissance des dispositions règlementaires précitées et que l'affichage de l'avis d'enquête publique n'a été accomplie, en mairie d'Aignay-le-Duc, que le 1er janvier 2019 alors que l'enquête publique devait débuter le 15 janvier suivant, il ne ressort pas des pièces du dossier que ces irrégularités mineures au regard des délais prévus par les dispositions précitées auraient nui à la bonne information de l'ensemble des personnes intéressées par l'enquête ou qu'elles auraient été de nature à exercer une influence sur les résultats de l'enquête. Par suite, les moyens tirés de ce que l'arrêté attaqué aurait été pris au terme d'une enquête publique irrégulière doivent être écartés.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 123-1 du code de l'environnement : " L'enquête publique a pour objet d'assurer l'information et la participation du public ainsi que la prise en compte des intérêts des tiers lors de l'élaboration des décisions susceptibles d'affecter l'environnement mentionnées à l'article L. 123-2. Les observations et propositions parvenues pendant le délai de l'enquête sont prises en considération par le maître d'ouvrage et par l'autorité compétente pour prendre la décision ".
6. Il résulte de l'instruction que dans le rapport remis le 25 mars 2019, la commission d'enquête, après avoir rappelé qu'une demande de permis de construire déposée le 15 avril 2017 par la SCEA Ferme de la Puce pour un bâtiment d'exploitation et d'habitation à 350 mètres du projet de parc éolien en litige avait été rejetée et qu'une demande identique le 21 novembre 2017 avait donné lieu à un permis tacite, le 21 février 2018, préconise qu'il ne soit pas statué sur l'autorisation présentée par la société EDPR France Holding afférente au parc éolien en litige tant qu'il ne sera pas définitivement statué sur le permis de construire de la SCEA Ferme de la Puce, en raison de l'implantation du projet d'habitation de ce pétitionnaire à 350 mètres environ des éoliennes E4 et E5. Si cette observation doit être considérée comme constituant une réserve, celle-ci avait été levée à la date de l'arrêté en litige le 29 mai 2019, par le retrait du permis tacite délivré le 19 mars 2018, alors en outre qu'aucune disposition n'ouvre au préfet la faculté de surseoir à statuer sur une demande pour favoriser une autre demande. Il suit de là que les requérantes ne sont pas fondées à soutenir que l'arrêté attaqué méconnaît les dispositions de l'article L. 123-10 du code de l'environnement.
7. En troisième lieu, la méconnaissance des dispositions de l'article R. 512-39 du code de l'environnement, qui portent sur les mesures de publicités de l'arrêté d'autorisation en litige, est sans incidence sur sa légalité.
8. En quatrième lieu, aux termes du III de l'article L. 122-1 du code de l'environnement, dans sa version alors en vigueur : " L'évaluation environnementale est un processus constitué de l'élaboration, par le maître d'ouvrage, d'un rapport d'évaluation des incidences sur l'environnement, dénommé ci-après " étude d'impact " (...) / L'évaluation environnementale permet de décrire et d'apprécier de manière appropriée (...) , les incidences notables directes et indirectes d'un projet sur les facteurs suivants : 1° La population et la santé humaine ; 2° La biodiversité, en accordant une attention particulière aux espèces et aux habitats protégés (...) ". Aux termes de l'article R. 122-5 du même code, dans sa version alors en vigueur : " I. - Le contenu de l'étude d'impact est proportionné à la sensibilité environnementale de la zone susceptible d'être affectée par le projet, à l'importance et la nature des (...) installations, ouvrages, ou autres interventions dans le milieu naturel ou le paysage projetés et à leurs incidences prévisibles sur l'environnement ou la santé humaine (...) ".
9. D'une part, aucune disposition législative ou règlementaire n'impose à la société pétitionnaire d'étudier l'impact sonore de différents modèles d'aérogénérateurs, dès lors qu'une étude portant sur un modèle comprenant les caractéristiques techniques usuelles, notamment en terme de nuisances sonores, permet une restitution sincère et complète de ces nuisances. Par suite, les requérantes ne sont pas fondées à invoquer le caractère incomplet de l'étude acoustique produite au dossier en l'absence d'analyse des nuisances sonores susceptibles d'être générées par un modèle précis d'aérogénérateur.
10. Par ailleurs, il résulte de l'instruction que suite à la demande de compléments relatifs au dossier de demande d'autorisation unique adressée par la préfecture le 28 mars 2017, la société pétitionnaire a produit des éléments complétant les données initiales et notamment l'évolution du bruit ambiant et de l'émergence sonores selon la vitesse du vent, conformément à la demande de l'autorité administrative. Contrairement à ce que soutient les requérantes, ces dernières données ne peuvent être considérées comme faussées dès lors qu'elles font clairement apparaître la distinction entre le bruit ambiant et l'émergence sonore.
11. D'autre part, s'agissant de l'atteinte à l'avifaune, aucune observation scientifique notamment une campagne de recensement sur site n'a relevé la présence de Milan Royal au sein de la zone d'implantation potentielle. En conséquence, la mortalité constatée au sein du parc éolien des Useroles distant de près de trois kilomètres et implanté sur une autre niche écologique que le projet en litige, particulièrement de l'autre côté de la vallée de la Seine, n'a pas d'incidence sur la légalité de l'arrêté attaqué. Enfin et contrairement à ce que soutiennent les requérantes, l'étude d'impact analyse les potentiels effets cumulés du parc éolien en litige avec les autres parcs éoliens autorisés du secteur.
12. En cinquième lieu, le moyen tiré de ce que le pétitionnaire aurait dû solliciter une dérogation à l'interdiction de destruction d'espèces protégées en application des articles L. 411-1 et L 411-2 du code de l'environnement a été soulevé dans le mémoire enregistré le 11 mai 2021, plus de deux mois après communication du premier mémoire en défense aux requérantes, le 27 mars 2020 et est dès lors irrecevable en application des dispositions des articles R. 311-5 et R. 611-7-2 du code de justice administrative.
13. En sixième lieu, aux termes de l'article R. 512-9 du code de l'environnement alors en vigueur : " I. L'étude de dangers mentionnée à l'article R. 512-6 justifie que le projet permet d'atteindre, dans des conditions économiquement acceptables, un niveau de risque aussi bas que possible, compte tenu de l'état des connaissances et des pratiques et de la vulnérabilité de l'environnement de l'installation. / Le contenu de l'étude de dangers doit être en relation avec l'importance des risques engendrés par l'installation, compte tenu de son environnement et de la vulnérabilité des intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1 (...) ".
14. Il résulte de l'instruction que le permis de construire un bâtiment agricole et une maison d'habitation qui avait été délivré tacitement à la SCEA Ferme de la Puce a été annulé par le tribunal administratif de Dijon, le 21 avril 2021. Cette annulation juridictionnelle ayant fait disparaître rétroactivement ce permis de l'ordonnancement juridique, l'étude de danger jointe à la demande d'autorisation en litige n'a pas méconnu les dispositions précitées pour ne pas avoir pris en considération les risques inhérents au voisinage des constructions projetées par la requérante.
15. En septième lieu, aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé où n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations ".
16. Ainsi qui vient d'être dit, aucun bâtiment construit ou autorisé ne sera compris dans un rayon inférieur à 600 mètres. En outre, la zone d'implantation du projet ne comporte aucun équipement suscitant de fréquentation humaine. Enfin, compte tenu de la fiabilité des engins projetés, l'étude de danger n'avait pas à envisager de prescriptions particulières de protection des tiers.
17. En huitième lieu et en l'absence de construction à usage d'habitation ou de délivrance d'une autorisation de construire dans le périmètre des 500 mètres autour des aérogénérateurs en litige, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du dernier alinéa de l'article L. 553-1 devenu L. 515-44 du code de l'environnement relatif au respect d'une distance d'éloignement entre les installations et les constructions à usage d'habitation, est inopérant et doit être écarté à ce titre.
18. En neuvième lieu, aux termes de l'article L. 181-3 du code de l'environnement : " I. - L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1, selon les cas (...) ". Aux termes de l'article L. 511-1 du même code : " Sont soumis aux dispositions du présent titre (...) les installations exploitées ou détenues (...), qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients (...) soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages (...) ".
19. D'une part, la circonstance que l'article 2.4 de l'arrêté attaqué mentionne, à titre de précaution et dans le but de prévenir tout risque d'instabilité des sols, que " le lancement du chantier de construction est subordonné à la réalisation d'une étude géotechnique " n'implique pas que la réalisation des travaux porterait atteinte à la faune et la flore présentes sur la zone d'implantation du projet.
20. D'autre part et ainsi qu'il a été dit, en l'absence de présence scientifiquement documentée du Milan Royal sur le site, les requérantes ne sont pas fondées à soutenir que l'arrêté en litige porterait atteinte à la préservation de cette espèce.
21. En dernier lieu, l'autorité en charge de la police de l'environnement ayant l'obligation de se prononcer sur une demande de permis construire et d'autorisation d'exploiter une installation de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent conformément aux dispositions du code de l'environnement, l'autorisation en litige qui a été délivrée à cette fin n'est pas constitutive d'un détournement de pouvoir.
22. Il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée en défense que la requête de Mme A... et de la SCEA Ferme de la Puce doit être rejetée.
23. Les conclusions des requérantes tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées dès lors que l'État n'est pas partie perdante. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées sur ce même fondement par la société EDPR France Holding.
DÉCIDE:
Article 1er : La requête de Mme A... et de la SCEA Ferme de la Puce est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la société EDPR France Holding tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à société EDPR France Holding, à Mme B... A..., à la SCEA Ferme de la Puce, à la ministre de la transition écologique et au préfet de la Côte-d'Or.
Délibéré après l'audience du 25 novembre 2021 à laquelle siégeaient :
M. Arbarétaz, président de chambre ;
M. Seillet, président assesseur ;
Mme Burnichon, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 décembre 2021.
N° 19LY04358