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16/12/2021 | FRANCE | N°19LY04140

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 7ème chambre, 16 décembre 2021, 19LY04140


Vu la procédure suivante :

Par une requête et des mémoires enregistrées les 15 novembre 2019, 22 décembre 2020, 31 décembre 2020 (non communiqué), 25 février 2021 et un mémoire récapitulatif enregistré le 25 mars 2021, M. R... W..., M. E... T..., M. J... et Mme O... B..., M. D... et Mme P... C..., M. F... I..., M. G... et Mme U... Q..., M. A... et Mme S... K..., Mme V... K..., M. M... N... et Mme L... H..., représentés par Me Echezar, demandent à la cour :

1°) d'annuler l'arrêté du 16 juillet 2019 par lequel le préfet de l'Ain a délivré à la société Champs

Heliconia l'autorisation d'exploiter une installation de production d'électricité...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et des mémoires enregistrées les 15 novembre 2019, 22 décembre 2020, 31 décembre 2020 (non communiqué), 25 février 2021 et un mémoire récapitulatif enregistré le 25 mars 2021, M. R... W..., M. E... T..., M. J... et Mme O... B..., M. D... et Mme P... C..., M. F... I..., M. G... et Mme U... Q..., M. A... et Mme S... K..., Mme V... K..., M. M... N... et Mme L... H..., représentés par Me Echezar, demandent à la cour :

1°) d'annuler l'arrêté du 16 juillet 2019 par lequel le préfet de l'Ain a délivré à la société Champs Heliconia l'autorisation d'exploiter une installation de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent, composée de trois aérogénérateurs et de deux postes de livraison sur le territoire de la commune de Confrançon ;

2°) de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- l'étude d'impact comporte de nombreuses insuffisances quant à la présentation des mesures compensatoires et de suivi notamment sur l'avifaune et les riverains, sur l'impact visuel pour les riverains proches et sur le site inscrit " Château de Loriol, parc et abords " ;

- le dossier ne comporte pas de mention de la procédure de modification du plan local d'urbanisme ;

- le dossier ne comporte aucune indication concernant les alternatives techniques et les sites alternatifs envisageables pour un projet éolien ; la présentation des variantes est trompeuse ;

- l'étude d'impact est insuffisante concernant la présentation des impacts hydrologiques ; le pétitionnaire a procédé à la capture au filet de trois espèces protégées au niveau national sans justifier qu'il disposait des conditions de délivrance de la dérogation prévue par l'arrêté du 18 décembre 2014 ; l'état des lieux concernant les amphibiens est sous-estimée et l'étude d'impact est insuffisante sur ce point ;

- l'état initial concernant les reptiles et les mammifères est insuffisant, ainsi que les impacts sur les exploitations agricoles et les animaux ; l'effort de prospection a été trop faible concernant l'étude chiroptérologique ; l'étude avifaunistique est insuffisante en terme de recherches bibliographiques, de prospections s'agissant de l'avifaune nicheuse, migratrice et hivernale avec une sous-estimation des impacts directs et indirects ;

- le dossier ne comporte pas d'étude des effets sur les réseaux ;

- l'étude de dangers est lacunaire en ce que les informations utilisées pour évaluer les risques sont dépassées ; l'étude sismique et l'étude des risques de projections et de chutes comportent des insuffisances ;

- l'étude acoustique est insuffisante en ce que des mesures en des points supplémentaires auraient été nécessaires et le bruit résiduel a été sous-estimé ;

- les capacités financières ne sont pas suffisamment présentées en méconnaissance des dispositions de l'article D. 181-15-2 du code de l'environnement ; le pétitionnaire n'avait pas à la date du dépôt de sa demande des capacités financières suffisantes pour faire face à des difficultés d'exploitation et une remise en état des terrains en fin d'exploitation ; le dossier n'apporte pas de précisions quant aux conditions financières de la construction, de l'exploitation et du démantèlement ; l'article D. 181-15-2 du code de l'environnement méconnaît le principe de non-régression prévu à l'article L. 110-1 du code de l'environnement ;

- le projet méconnaît les intérêts visés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement et notamment la commodité du voisinage, les chiroptères, en matière de défrichement et le paysage et notamment le paysage préservé de la Bresse et le château de Loriol ; le projet emporte des impacts sur l'avifaune ;

- les implantations de l'éolienne E2 à 180 mètres et de l'éolienne E3 à 120 mètres de la ligne haute tension sont incompatibles avec la distance de sécurité préconisée ;

- aucune demande de dérogation à l'interdiction de destruction des espèces protégées n'a été présentée.

Par mémoires enregistrés les 14 octobre 2020, 31 décembre 2020, 23 février 2021 et un mémoire récapitulatif enregistré le 24 mars 2021, la société Champs Heliconia, représentée par Me du Granrut, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge des requérants le versement de la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que la requête est irrecevable faute pour les requérants de démontrer leur intérêt à agir, subsidiairement que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Par mémoire enregistré le 31 décembre 2020, la ministre de la transition écologique conclut au rejet de la requête en soutenant que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 16 avril 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 12 mai 2021.

Le 14 octobre 2021, les parties ont été informées qu'en application des dispositions de l'article R. 611-7-2 du code de justice administrative, l'arrêt est susceptible d'opposer l'irrecevabilité du moyen tiré de l'absence de demande de dérogation à l'interdiction de destruction des espèces protégées, soulevé dans le mémoire récapitulatif enregistré le 25 mars 2021, après l'expiration du délai de deux mois à compter de la communication aux parties du premier mémoire en défense.

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de l'urbanisme ;

- l'ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 ;

- le décret n° 2015-1229 du 2 octobre 2015 ;

- l'arrêté du 26 août 2011 relatif aux installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent au sein d'une installation soumise à autorisation au titre de la rubrique 2980 de la législation des installations classées pour la protection de l'environnement ;

- l'arrêté du 29 septembre 2005 relatif à l'évaluation et à la prise en compte de la probabilité d'occurrence, de la cinétique, de l'intensité des effets et de la gravité des conséquences des accidents potentiels dans les études de dangers des installations classées soumises à autorisation ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Burnichon, première conseillère ;

- les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public ;

- et les observations de Me Echezar, pour M. W... et autres, ainsi que celles de Me Achour, substituant Me du Granrut, pour la société Champs Heliconia.

Considérant ce qui suit :

1. Par arrêté du 16 juillet 2019, le préfet de l'Ain a délivré à la société Champs Heliconia l'autorisation d'exploiter un parc éolien composé de trois éoliennes et deux postes de livraison sur la commune de Confrançon. M. W... et autres demandent à la cour d'annuler cet arrêté.

En ce qui concerne la composition du dossier de demande d'autorisation :

S'agissant de l'étude d'impact :

2. Aux termes du III de l'article L. 122-1 du code de l'environnement, dans sa rédaction alors applicable : " L'évaluation environnementale est un processus constitué de l'élaboration, par le maître d'ouvrage, d'un rapport d'évaluation des incidences sur l'environnement, dénommé ci-après " étude d'impact " (...) / L'évaluation environnementale permet de décrire et d'apprécier (...) les incidences notables directes et indirectes d'un projet sur les facteurs suivants : 1° La population et la santé humaine ; 2° La biodiversité (...) 4° Les biens matériels, le patrimoine culturel et le paysage (...) ". Aux termes de l'article R. 122-5 du même code : " I. - Le contenu de l'étude d'impact est proportionné à la sensibilité environnementale de la zone susceptible d'être affectée par le projet, à l'importance et la nature des travaux, installations, ouvrages, ou autres interventions dans le milieu naturel ou le paysage projetés et à leurs incidences prévisibles sur l'environnement ou la santé humaine (...) ".

Quant aux impacts hydrologiques :

3. L'étude annexée au dossier de demande d'autorisation précise que l'impact du projet contesté sur les eaux de surface sera modéré dès lors notamment que la zone d'implantation du projet se situe très minoritairement, de l'ordre respectivement de 7 et 2 % sur deux zones humides " Bois de l'Étang Berchoux " et " Peuplerais de l'Étang Berchoux ". En se bornant à évoquer la contamination du sol et des masses d'eau par les polluants contenus dans les matériaux utilisés pour l'installation des aérogénérateurs, sans préciser en quoi cette étude aurait omis d'étudier certains risques de pollution engendrés par les travaux, ou en aurait mal évalué la nature ou l'intensité, les requérants ne démontrent pas l'insuffisance de cette étude. Ne saurait tenir lieu d'une telle démonstration l'absence d'autorisation des prélèvements sur le milieu par le chargé d'étude, dépourvues d'incidence sur la validité des analyses scientifiques dont ces échantillons ont fait l'objet.

Quant aux impacts sur les reptiles, mammifères et les exploitations agricoles :

4. Il résulte de l'instruction que l'étude naturaliste recense des espèces de reptiles présentes sur le site, en évalue les effectifs, précise leurs statuts de protection et de conservation au sein du périmètre de la zone d'étude rapprochée et éloignée, analyse les incidences temporaires et permanentes ainsi que les effets du projet sur chacune de ces espèces. Les déficiences de l'étude d'impact ainsi alléguées par les requérants ne sont dès lors pas établies.

5. Par ailleurs, cette même étude naturaliste précise les observations réalisées concernant les mammifères hors chauves-souris, réalisées sur la zone d'implantation potentielle, le statut de chacune des six espèces observées et en déduit que l'enjeu lié aux mammifères est faible. La circonstance qu'un nombre plus important d'espèce de mammifères aurait été relevé sur des territoires proches, donc distincts de la zone d'implantation, ne démontre pas l'insuffisance de l'étude d'impact sur ce point.

6. De même les allégations des intéressés quant aux effets néfastes de l'exploitation des aérogénérateurs sur les animaux d'exploitations agricoles ne sont pas assorties d'éléments établis et vérifiables démontrant des lacunes de l'étude d'impact.

7. Concernant les chiroptères, d'une part, le guide relatif à l'élaboration des études d'impacts des projets éoliens terrestres dans son actualisation 2016 ne constitue pas un acte règlementaire opposable à la réalisation de l'étude d'impact, laquelle comporte en l'espèce, les résultats des observations réalisées grâce aux enregistrements depuis le sol, en canopée, les différentes zones de gîte et de transit pour les chiroptères, ainsi que l'intensité de leur activité, les gîtes potentiels et les corridors de déplacements et le statut de protection et de conservation des dix-sept espèces de chauves-souris présentes sur la zone d'implantation potentielle. En l'absence d'élément démontrant l'inexactitude des données ainsi relevées, les requérants ne démontrent pas que cet inventaire serait insuffisant et de nature à fausser l'étude d'impact. D'autre part, si cette étude indique que l'enjeu lié aux chauves-souris est fort en raison d'une importante activité au niveau des boisements et de la présence de plusieurs espèces patrimoniales, elle décrit les incidences sur les chiroptères en phase de travaux et en phase d'exploitation en terme de perte d'habitat, de dérangement, d'effet barrière et de barotraumatisme, avant de distinguer les différentes périodes d'activités pendant lesquelles les chiroptères sont exposés au risque de mortalité par les éoliennes, l'incidence temporaire et permanente du projet avant d'en examiner l'impact. L'ensemble de ces éléments, qui ne sont pas remis en cause par les requérants, permet de constater que l'étude d'impact en la matière est complète et proportionnée aux enjeux présents dans la zone d'implantation potentielle.

8. De plus, l'étude d'impact comporte une étude avifaunistique réalisée selon les données d'une association de protection des oiseaux, mentionnant la présence de quarante-et-une espèces d'oiseaux sur la commune de Confrançon dont trente sont protégées, avant d'indiquer les observations réalisées sur site pendant les périodes de nidification, de migration et d'hivernage, de préciser leur statut de protection ou de conservation et leur sensibilité avérée à l'égard des éoliennes. En l'absence d'élément remettant en cause ces constatations, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que l'étude d'impact serait incomplète.

Quant aux alternatives techniques et à la présentation des variantes :

9. Aux termes du II de l'article R. 122-5 du code de l'environnement : " (...) l'étude d'impact comporte les éléments suivants (...) : (...) 7° Une description des solutions de substitution raisonnables qui ont été examinées par le maître d'ouvrage, en fonction du projet proposé et de ses caractéristiques spécifiques, et une indication des principales raisons du choix effectué, notamment une comparaison des incidences sur l'environnement et la santé humaine (...) ".

10. D'une part, le " guide d'aide à la définition des mesures ERC pour l'évaluation environnementale " ou " la doctrine " publiée en 2012 par le ministère de l'écologie sont dépourvus de portée réglementaire. Dès lors, l'absence de conformité de l'étude d'impact aux préconisations contenues dans ces documents n'est pas, en soi, de nature à l'entacher d'irrégularité. Par ailleurs, il n'appartient pas à l'autorité administrative statuant sur une demande d'autorisation environnementale relative à la mise en œuvre d'un projet éolien, ni au juge administratif, d'apprécier l'opportunité du projet au regard d'autres énergies renouvelables ou d'alternatives techniques que le pétitionnaire n'a pas cru retenir.

11. D'autre part, l'étude d'impact propose l'examen de trois variantes selon la localisation des aérogénérateurs, leur hauteur et leur nombre permettant à l'autorité administrative et au public lors de l'enquête publique d'apprécier les différents scénarios envisagés préalablement à l'arrêt du projet, leurs avantages et leurs inconvénients.

Quant aux mesures compensatoires et de suivi :

12. Il résulte de l'instruction que l'étude d'impact comporte, concernant l'avifaune, différentes mesures ERC (éviter -réduire-compenser), relative à la nidification, la migration et l'hivernage, en termes d'impacts temporaires pendant la phase des travaux et permanents en phase d'exploitation avec la réalisation d'un suivi environnemental avec notamment des mesures de réduction complémentaires en cas de mortalité des oiseaux et un balisage de la ligne haute tension, voire la mise en place de mesures adaptées de gestion des éoliennes avec une réduction de l'incidence conformément aux dispositions du 8° de l'article R. 122-5 du code de l'environnement.

13. Cette étude d'impact prévoit également dans le cadre des mesures d'accompagnement pour l'intégration dans le paysage et la préservation du patrimoine, tout d'abord des préconisations paysagères concernant les accès et plateformes, les postes de livraison et un renforcement du boccage au niveau des abords du projet éolien au sein des espaces agricoles par un appui financier auprès des particuliers pour leurs jardins privatifs. Si, sur ce dernier point, les habitations concernées ont été identifiées alors que l'étude ne prévoit pas précisément la nature des plantations et des clôtures végétales proposées, cette circonstance n'emporte pas l'insuffisance de l'étude d'impact dès lors que la mise en œuvre de telles mesures sur des propriétés privées nécessite l'accord du propriétaire sur les lieux et la nature des plantations financées par le pétitionnaire.

14. Par ailleurs, les différentes photomontages et cartographies joints au dossier d'étude d'impact permettent aux tiers d'appréhender et d'apprécier l'impact du projet sur l'environnement bâti et humain avoisinant alors que l'impact visuel fort du projet sur les habitations avoisinantes a été relevé lors du choix du lieu d'implantation des éoliennes, à plus de 500 mètres du projet pour des habitats isolés et 800 mètres pour la majorité des habitats groupés. Les photomontages constitués pour le dossier doivent être considérés comme suffisants en l'absence de critiques utiles des requérants. S'agissant du château de Loriol et de son parc, site inscrit situé à proximité immédiate du projet, l'étude d'impact comporte, outre des photomontages à partir du donjon, de l'entrée du parc et du château, des indications quant aux éléments, notamment les boisements, entourant le château et susceptibles d'atténuer l'impact des éoliennes en litige, permettant aux tiers d'avoir connaissance de l'impact du projet sur ce site.

S'agissant de la modification du plan local d'urbanisme de la commune de Confrançon :

15. Aux termes de l'article D. 181-15-2 du code de l'environnement : " Lorsque l'autorisation environnementale concerne un projet relevant du 2° de l'article L. 181-1, le dossier de demande est complété dans les conditions suivantes. I. - Le dossier est complété des pièces et éléments suivants : (...) 13° Dans les cas mentionnés au dernier alinéa de l'article L. 181-9, la délibération (...) formalisant la procédure d'évolution du plan local d'urbanisme (...) ". Il résulte de l'instruction que la modification du plan local d'urbanisme de la commune de Confrançon a été approuvée par une délibération du 10 mai 2019, permettant ainsi la réalisation du projet en litige. Le moyen ainsi allégué manque en fait.

S'agissant de l'étude sur les réseaux :

16. Il résulte de l'instruction que GRT Gaz a estimé, dans un avis du 18 avril 2018, que le projet ne présente pas de contrainte par rapport à la présence de l'ouvrage de transport de gaz naturel haute pression. Il suit de là que les allégations des requérants relatives à l'incompatibilité des passages des engins de chantier et du matériel nécessaire aux installations en litige avec le réseau de transport de gaz naturel doivent être écartées.

S'agissant de l'étude de danger :

17. Aux termes de l'article L. 181-25 du code de l'environnement : " Le demandeur fournit une étude de dangers qui précise les risques auxquels l'installation peut exposer, directement ou indirectement, les intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 en cas d'accident, que la cause soit interne ou externe à l'installation. / Le contenu de l'étude de dangers doit être en relation avec l'importance des risques engendrés par l'installation. / En tant que de besoin, cette étude donne lieu à une analyse de risques qui prend en compte la probabilité d'occurrence, la cinétique et la gravité des accidents potentiels selon une méthodologie qu'elle explicite. / Elle définit et justifie les mesures propres à réduire la probabilité et les effets de ces accidents ".

18. Il résulte de l'instruction que l'étude de danger réalisée dans le cadre de la demande d'autorisation en litige, procède à une analyse du site et de l'environnement proche, la description des installations, les actions de réduction des dangers potentiels et l'analyse des retours d'expérience notamment par l'analyse des accidents inventoriés en France et à l'étranger, la synthèse des phénomènes dangereux et l'analyse des risques avec la mise en place de mesure de sécurité. Si cette étude se fonde sur une analyse de l'accidentologie datant de 2012, l'analyse des accidents qu'elle comporte concerne la France et s'appuie sur la base Aria du Bureau d'analyse des risques et pollutions industriels qui a recensé au 15 janvier 2018, soixante-douze accidents majeurs en France entre 2000 et 2017 ainsi que sur plusieurs sources, notamment associatives, pour effectuer le recensement des accidents et incidents au niveau français. Par suite et contrairement à ce que soutiennent les requérants, qui n'apporte aucun élément convaincant pour remettre en cause les données précitées, cette étude de danger n'est pas entachée de contradiction ou d'insuffisance.

19. Par ailleurs, en l'absence de risques sismiques démontrés sur la zone d'implantation ou à proximité, l'étude de danger n'avait pas à étudier les conséquences du risque sismique sur le projet en litige.

20. Enfin, l'étude de danger produite au dossier examine la probabilité d'accident tel que déterminée au regard de l'annexe I de l'arrêté du 29 septembre 2005 susvisé qui définit les classes de probabilité qui doivent être utilisées dans les études de dangers pour caractériser les scénarios d'accidents majeur. Elle procède également à l'analyse des différents scénarios d'accident retenus, de l'effondrement de l'éolienne, la chute de glace ou d'élément de l'éolienne, ou encore de projection de pales ou de fragment de pales en examinant pour chacun de ces risques une zone d'effet ainsi que l'intensité, la gravité, la probabilité et l'acceptabilité de ces risques au regard du milieu environnant. En l'absence d'élément remettant en cause ces données, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que cette étude serait entachée d'insuffisances.

S'agissant de l'étude acoustique :

21. Aucune disposition législative ou règlementaire n'impose que l'étude acoustique comporte des points de mesures à chaque habitation proche de la zone d'implantation du projet qui fait l'objet d'une étude d'impact. Par ailleurs, les requérants n'apportant aucun élément tendant à remettre en cause les résultats de l'étude acoustique produite au dossier et réalisée conformément aux dispositions de l'arrêté du 26 août 2011 susvisé, ils ne sont pas fondés à invoquer son insuffisance à l'appui de leurs conclusions d'annulation.

S'agissant de l'absence de dérogation à la destruction d'espèces protégées ou d'habitats d'espèces protégés :

22. Le moyen tiré de ce que le pétitionnaire aurait dû solliciter une dérogation à l'interdiction de destruction d'espèces protégées en application des articles L. 411-1 et L. 411-2 du code de l'environnement a été soulevé dans le mémoire récapitulatif enregistré le 25 mars 2021 après l'expiration du délai de deux mois décompté depuis la communication du premier mémoire en défense, le 26 octobre 2020, prévu par les dispositions des articles R. 311-5 et R. 611-7-2 du code de justice administrative. Il est dès lors irrecevable.

En ce qui concerne le bien-fondé de l'autorisation environnementale :

S'agissant des garanties financières :

23. Aux termes de l'article L. 181-27 du code de l'environnement : " L'autorisation prend en compte les capacités techniques et financières que le pétitionnaire entend mettre en œuvre, à même de lui permettre de conduire son projet dans le respect des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 et d'être en mesure de satisfaire aux obligations de l'article L. 512-6-1 lors de la cessation d'activité ". Aux termes du I de l'article D. 181-15-2 du même code : " Le dossier est complété des pièces et éléments suivants : (...) 3° Une description des capacités techniques et financières mentionnées à l'article L. 181-27 dont le pétitionnaire dispose, ou, lorsque ces capacités ne sont pas constituées au dépôt de la demande d'autorisation, les modalités prévues pour les établir. Dans ce dernier cas, l'exploitant adresse au préfet les éléments justifiant la constitution effective des capacités techniques et financières au plus tard à la mise en service de l'installation (...) ".

24. Il résulte de ces dispositions qu'une autorisation d'exploiter un parc éolien ne peut légalement être délivrée, sous le contrôle du juge du plein contentieux des installations classées, si les conditions qu'elles posent ne sont pas remplies. Lorsque le juge se prononce sur la légalité de l'autorisation avant la mise en service de l'installation, il lui appartient, si la méconnaissance de ces règles de fond est soulevée, de vérifier la pertinence des modalités selon lesquelles le pétitionnaire prévoit de disposer de capacités financières et techniques suffisantes pour assumer l'ensemble des exigences susceptibles de découler du fonctionnement, de la cessation éventuelle de l'exploitation et de la remise en état du site, au regard des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement, ainsi que les garanties de toute nature qu'il peut être appelé à constituer à cette fin en application des article L. 516-1 et L. 516-2 du même code.

25. Le II de l'article L. 110-1 du code de l'environnement énonce un principe d'amélioration constante de la protection de l'environnement, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment. Ce principe s'impose, dans le cadre des dispositions législatives propres à chaque matière, au pouvoir réglementaire. En revanche, il est à tout moment loisible au législateur, statuant dans le domaine de sa compétence, d'adopter, pour la réalisation ou la conciliation d'objectifs de nature constitutionnelle, des modalités nouvelles dont il lui appartient d'apprécier l'opportunité. Il peut également à cette fin modifier des textes antérieurs ou abroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d'autres dispositions. Les requérants ne peuvent donc utilement invoquer le principe de non régression prévu par le II de l'article L. 110-1 du code de l'environnement qui n'a pas par lui-même de valeur supérieure à la loi, à l'encontre de l'article L. 181-27 du même code. Au demeurant ces dispositions et celles de l'article D. 181-15-2 se bornent à dissocier l'annonce des modalités de financement et de constitution des garanties de remise en état de site, de la phase de leur mise en œuvre, sans diminuer le contenu des exigences pesant sur l'exploitant. Dès lors, la méconnaissance du principe de non régression ne peut davantage être utilement invoquée à l'encontre de l'article D. 181-15-2 du code de l'environnement et la sauvegarde des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement ne peut pas être considérée comme ayant été remise en cause par le découplage ainsi mis en place des obligations du pétitionnaire en matière de constitution des capacités techniques et financières.

26. Par ailleurs, il résulte de l'instruction et notamment du document relatif aux données administratives, capacités techniques et financières joint au dossier de demande d'autorisation environnementale, que le maître d'ouvrage de l'opération est la société Champs Heliconia, filiale du groupe français Solvéo Developpement et créée spécialement dans le but de construire et exploiter le parc éolien en litige, sera à ce titre détentrice de l'ensemble des autorisations administratives nécessaires à la réalisation de ce projet. Son capital alors réduit sera augmenté à hauteur de 15 à 20 % du montant de l'investissement, après l'obtention des autorisations administratives et avant la construction. Par ailleurs, ce document comprend également le compte d'exploitation potentiel du projet ainsi que l'échéancier de la dette et indique que la société produira pour la mise en service du parc la preuve de la constitution des garanties financières par la caution d'un assureur pour un montant forfaitaire de 50 000 euros par éoliennes conformément à l'annexe I de l'arrêté du 23 août 2011 susvisé et qu'enfin, en cas de défaillance de la société exploitante, la société mère est responsable du démantèlement et de la remise en état du site conformément à l'article R. 552-3 du code de l'environnement.

27. Il résulte de ce qui a été dit, et en l'absence de tout élément permettant de mettre sérieusement en doute l'appui technique et financier que la société pétitionnaire entend obtenir de sa société-mère, qu'il est justifié des modalités pertinentes selon lesquelles la société pétitionnaire envisage de disposer de capacités financières et techniques suffisantes pour assumer l'ensemble des exigences susceptibles de découler du fonctionnement, de la cessation éventuelle de l'exploitation et de la remise en état du site, au regard des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement.

S'agissant des atteintes aux intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement :

28. Aux termes de l'article L. 181-3 du code de l'environnement : " I. - L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1, selon les cas (...) ". Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'environnement : " Sont soumis aux dispositions du présent titre (...) les installations (...) qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, (...), soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages (...), soit pour la conservation des sites et des monuments (...) ".

Quant à l'atteinte aux chiroptères :

29. Compte tenu de l'évitement des zones boisées importantes, les " incidences brutes " du projet sur les chauves-souris seront, selon l'étude d'impact, modérées. Par ailleurs, l'étude naturaliste produite au dossier précise les mesures de suivi lors de la phase d'exploitation et, si nécessaire au regard de ce suivi, la possibilité d'arrêt des éoliennes lors des périodes de fortes activités des chiroptères. Eu égard à ces constatations qui ne sont pas utilement remises en cause par les requérants, ces derniers ne sont pas fondés à invoquer l'atteinte aux chiroptères par l'arrêté en litige.

Quant à l'atteinte à l'avifaune :

30. L'étude naturaliste jointe au dossier de demande précise les différentes hypothèses de dérangement et de risque de mortalité du projet en litige sur l'avifaune, avec une perte d'habitat estimée sans incidence significative sur les populations locales d'oiseaux nicheurs compte tenu de la localisation des emprises du projet, de l'importance limitée des surfaces impactées, de la nature des habitats concernés et l'absence d'incidence significative sur les oiseaux forestiers. S'agissant des rapaces et notamment du milan royal, compte tenu de l'abondance de territoires de chasse équivalents dans le secteur ainsi que de la hauteur de vol constatée, l'étude relève, sans être utilement contestée, que la présence du parc éolien projeté et la perte partielle de territoire d'alimentation sur les prairies et les cultures n'aura pas d'incidence significative et que le risque de mortalité pour les oiseaux nicheurs est non significatif et insusceptible d'affecter l'état de conservation des populations locales. Par ailleurs, le risque de mortalité pour le milan royal en hivernage est limité compte tenu du survol occasionnel du site par ce rapace et en l'absence de site d'hivernage à proximité. Enfin, le pétitionnaire s'est engagé en cas d'observation d'une mortalité significative à équiper le parc éolien d'un mécanisme de détection, d'effarouchement et/ou de régulation automatique des machines étudié en collaboration avec les services de la DREAL. Dès lors et en l'absence d'autres éléments, le projet en litige ne peut être considéré comme portant une atteinte significative à l'avifaune.

Quant à l'atteinte à la commodité du voisinage :

31. Le projet en litige, qui consiste dans l'implantation de trois éoliennes de 180 mètres de hauteur à bout de pale sur le plateau du bressans est localisé sur un territoire rural composé de bourgs et d'habitats individuels isolés. Ces aérogénérateurs implantés sur de vastes parcelles agricoles entourées de boisements seront éloignés des rares habitations relevées dans le secteur. Compte tenu de cette distance et du nombre d'éoliennes autorisées avec un impact visuel atténué par la présence de déférentes parcelles boisées et un impact acoustique limité, l'atteinte à la commodité du voisinage n'est pas démontrée.

Quant à l'existence de défrichement :

32. Il résulte de l'instruction que le projet en litige n'empiète sur aucun espace boisé classé ou protégé emportant l'absence d'une quelconque atteinte ou la méconnaissance des obligations légales et règlementaires en la matière.

Quant à l'atteinte au paysage préservé de la Bresse et au patrimoine bâti :

33. Compte tenu des dispositions précitées des articles L. 181-3 et L. 511-1 du code de l'environnement, l'autorisation environnementale tenant lieu de permis de construire peut être refusée si le projet compromet, sans possibilité d'en atténuer l'impact par des prescriptions spéciales, l'intérêt des lieux et des sites avoisinants. Pour rechercher l'existence d'une telle atteinte, il appartient à l'autorité administrative d'identifier les éléments remarquables du ou des site(s) concerné(s) par le projet, puis, si cette analyse la conduit à considérer qu'ils méritent une protection particulière, d'évaluer l'impact que ce projet, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur ces sites.

34. Le projet en litige se situe dans un paysage rural qui ne comporte pas de caractéristiques particulières. S'il est vrai que depuis certaines parties limitées du château de Loriol et de son parc, ensemble bénéficiant d'une protection en tant que site inscrit, les trois mats des engins autorisés, distants de 1,7 et 2 kilomètres seront partiellement visibles, la majeure partie de cette propriété sera protégée par les boisements l'entourant. Compte tenu de cet impact résiduel, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le projet en litige porterait atteinte à l'intérêt de ce site dans des conditions contraires aux dispositions précitées.

Quant à la sécurité :

35. Les requérants ne démontrant pas que l'accord donné par le gestionnaire du réseau de transport d'électricité serait inadéquat ou insuffisant pour assurer la sécurité du projet en litige, ils ne sont pas fondés à soutenir que l'implantation des éoliennes 2 et 3 serait incompatible avec la distance de sécurité par rapport à la ligne haute tension située à proximité.

36. Il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée en défense que la requête de M. W... et autres doit être rejetée.

37. Les conclusions des requérants tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées dès lors que l'État n'est pas partie perdante. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées sur ce même fondement par la société Champs Heliconia.

DÉCIDE:

Article 1er : La requête de M. W... et autres est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la société Champs Heliconia tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. R... W..., M. E... T..., M. J... et Mme O... B..., M. D... et Mme P... C..., M. F... I..., M. G... et Mme U... Q..., M. A... et Mme S... K..., Mme V... K..., M. M... N... et Mme L... H..., la société Champs Heliconia, à la ministre de la transition écologique et au préfet de l'Ain.

Délibéré après l'audience du 25 novembre 2021 à laquelle siégeaient :

M. Arbarétaz, président de chambre ;

M. Seillet, président assesseur ;

Mme Burnichon, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 décembre 2021.

N° 19LY04140


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY04140
Date de la décision : 16/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

29-035 Energie.


Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: Mme Claire BURNICHON
Rapporteur public ?: M. CHASSAGNE
Avocat(s) : FAIRWAY - ME GALIFER

Origine de la décision
Date de l'import : 28/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-12-16;19ly04140 ?
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