Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon :
1°) d'annuler la décision du 20 octobre 2017 par laquelle le préfet de la région Auvergne-Rhône-Alpes a refusé de la recruter en qualité d'adjointe administrative principale de 2ème classe, malgré son admission aux épreuves de recrutement de la filière d'emplois réservés aux personnes reconnues travailleurs handicapés, ensemble le rejet de recours gracieux qui lui a été opposé le 9 janvier 2018 ;
2°) d'enjoindre au préfet de la région Auvergne-Rhône-Alpes de la recruter en qualité d'adjointe administrative principale de 2ème classe, subsidiairement de réexaminer sa situation dans le délai de quinze jours suivant notification du jugement.
Par jugement n° 1802006 lu le 6 février 2019, le tribunal, faisant droit à sa demande d'annulation, n'a enjoint qu'au réexamen de sa situation.
Procédure devant la cour
Par requête enregistrée le 7 avril 2019, Mme A..., représentée par Me Saumet, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1802006 lu le 6 février 2019 en ce qu'il rejette sa demande d'injonction en recrutement, présentée à titre principal ;
2°) d'enjoindre au préfet de la région Auvergne-Rhône-Alpes de la recruter en qualité d'adjointe administrative principale de 2ème classe, dans le délai de quinze jours à compter du présent arrêt et sous astreinte journalière de 100 euros ;
3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué, qui repose sur une instruction entachée de défaut de contradictoire, qui est entaché d'omission de visa de l'ultime mémoire du défendeur, ainsi que d'omission à statuer sur la demande d'injonction présentée à titre principal, est irrégulier ;
- le tribunal a déduit d'inexactes conséquences du vice qu'il a censuré, tiré du défait d'habilitation à la consultation du fichier des antécédents judiciaires ;
- le tribunal a écarté à tort les moyens tirés de l'absence de matérialité des motifs et de la qualification erronée des faits au regard de l'exercice de missions de fonctionnaire, alors que ceux-ci étaient susceptibles de fonder l'injonction demandée à titre principal.
Par mémoire enregistré le 31 mars 2020, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Mme A... a présenté un mémoire, enregistré le 21 novembre 2021, après la clôture de l'instruction intervenue en application de l'article R. 613-2 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de procédure pénale ;
- le code de la sécurité intérieure ;
- la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Arbarétaz, président ;
- les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public ;
- et les observations de Me Saumet pour Mme A... ;
Considérant ce qui suit :
Sur l'injonction délivrée au préfet de la région Auvergne-Rhône-Alpes :
Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête ;
1. D'une part, aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution (...) ", tandis qu'aux termes de l'article L. 911-2 du même code : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé (...) ".
2. D'autre part, le motif par lequel le juge de l'excès de pouvoir juge fondé l'un quelconque des moyens de légalité soulevés devant lui suffit à justifier l'annulation de la décision administrative contestée. Il s'ensuit qu'il n'est, en principe, pas tenu, pour faire droit aux conclusions à fin d'annulation dont il est saisi, de se prononcer sur d'autres moyens que celui qu'il retient explicitement comme étant fondé. Lorsqu'il annule une décision administrative alors que plusieurs moyens sont de nature à justifier l'annulation, il lui revient de retenir le moyen qui lui paraît le mieux à même de régler le litige, au vu de l'ensemble des circonstances de l'affaire. Mais, lorsque le requérant choisit de présenter, en outre, des conclusions tendant à ce que le juge enjoigne à l'autorité administrative de prendre une décision dans un sens déterminé, il incombe au juge de l'excès de pouvoir d'examiner prioritairement les moyens qui seraient de nature, étant fondés, à justifier le prononcé de l'injonction demandée. Il en va également ainsi lorsque des conclusions à fin d'injonction sont présentées à titre principal sur le fondement de l'article L. 911-1 précité du code de justice administrative et, à titre subsidiaire, sur le fondement de l'article L. 911-2 précité du même code.
3. Enfin, il résulte du I et II de l'article L. 114-1 ainsi que des articles R. 114-1 et R. 114-2 du code de la sécurité intérieure que si les nominations à certains emplois publics concourant à l'exercice de missions de souveraineté limitativement énumérés peuvent être précédées, aux fins de vérification de la compatibilité du comportement des candidats avec les fonctions auxquelles ils postulent, d'une enquête administrative donnant lieu à consultation de traitements automatisés de données à caractère personnel, au nombre desquels figure le fichier des antécédents judiciaires, rien ne s'oppose à ce que l'autorité investie du pouvoir de nomination s'assure que tout candidat à un emploi public ne méconnaît pas les garanties de moralité et de probité exigées d'un fonctionnaire par l'article 25 de la loi du 13 juillet 1983 susvisée. En ce cas, elle doit s'abstenir d'employer les moyens d'enquête réservés à la catégorie d'emplois les plus sensibles et ne saurait fonder un refus de recrutement sur des éléments qu'elle aurait collectés par la consultation de fichiers nominatifs automatisés.
4. Or, en relevant, pour annuler le refus de recrutement opposé le 20 octobre 2017, que l'emploi de gestionnaire à pourvoir par contrat probatoire suivi d'une titularisation dans le corps des adjoints administratifs de l'État n'était pas au nombre de ceux qui, en vertu des dispositions analysées au point 3, peuvent être pourvus après consultation du fichier des antécédents judiciaires, le tribunal n'a pas, contrairement à ce que soutient Mme A..., méconnu son office quant au choix du moyen propre à régler le litige, dès lors que les données collectées par cette enquête illégalement diligentée aurait dû le conduire à les regarder comme inopposables à l'intéressée et, en conséquence, à faire droit à la demande d'injonction présentée à titre principal. En revanche, en ne faisant droit qu'à la demande d'injonction présentée à titre subsidiaire, le tribunal n'a pas tiré les conséquences nécessaires qu'appelait le moyen qu'il a retenu pour annuler la décision du 20 octobre 2017 et qui devait lui permettre de prononcer l'injonction présentée à titre principal.
5. Il suit de là que Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a limité son injonction au réexamen de sa situation sur le fondement de l'article L. 911-2 précité du code de justice administrative. Ledit jugement doit être annulé en tant qu'il rejette la demande fondée sur l'article L. 911-1 précité de ce code. Dans la mesure où l'administration n'invoque aucun autre motif susceptible d'y faire obstacle à la date du présent arrêt, le jugement n° 1802006 lu le 6 février 2019 implique nécessairement que le préfet de la région Auvergne-Rhône-Alpes intègre Mme A... en tant qu'adjointe administrative principale de 2ème classe afin qu'elle puisse accomplir sa période contractuelle probatoire. Il y a lieu, en conséquence, d'adresser une injonction en ce sens au préfet de la région Auvergne-Rhône-Alpes et de lui impartir un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte de 100 euros par jour de retard.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
6. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme A... et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : L'article 2 du jugement n° 1802006 lu le 6 février 2019 du tribunal administratif de Lyon est annulé.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la région Auvergne-Rhône-Alpes de recruter Mme A... en qualité d'adjointe administrative principale de 2ème classe afin qu'elle puisse accomplir sa période contractuelle probatoire, dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'injonction prononcée à l'article 2 est assortie d'une astreinte de 100 euros par jour de retard qui courra à compter du premier jour suivant l'expiration du délai d'un mois fixé au même article.
Article 4 : L'État versera à Mme A... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la région Auvergne-Rhône-Alpes.
Délibéré après l'audience du 25 novembre 2021à laquelle siégeaient :
M. Arbarétaz, président de chambre ;
M. Seillet, président assesseur ;
Mme Djebiri, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 décembre 2021.
N° 19LY01391 5