Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision implicite née le 25 septembre 2019, par laquelle le maire de Châtillon-d'Azergues a refusé de faire dresser procès-verbal d'infraction aux fins de transmission au procureur de la République à l'encontre de M. E... pour des travaux de remblais effectués par ce dernier sur son terrain sans autorisation et en violation du plan local d'urbanisme de la commune.
Par un jugement n° 1909332 du 1er juillet 2021, le tribunal administratif de Lyon a annulé cette décision implicite et a enjoint au maire de Châtillon-d'Azergues de dresser, au nom de l'État, un procès-verbal d'infraction à l'encontre de M. E... dans un délai d'un mois à compter de la notification de ce jugement.
Procédure devant la cour
I) Par une requête enregistrée sous le numéro 21LY02838 le 19 août 2021, M. E..., représenté par Me Duffaud, demande à la cour de prononcer le sursis à l'exécution de ce jugement du 1er juillet 2021 en application de l'article R. 811-17 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'exécution du jugement de première instance et l'injonction faite au maire de dresser procès-verbal emporte des conséquences difficilement réparables, dès lors qu'il encourt des sanctions pénales et les poursuites pénales dont il ferait l'objet emporteraient des conséquences catastrophiques pour la gestion de sa société unipersonnelle de coiffure ;
- les moyens de sa requête sont sérieux ;
- à titre principal la demande de M. B... est irrecevable ; M. B... a dirigé sa demande contre la seule commune de Chatillon-d'Azergues laquelle n'est pas partie à l'instance dès lors qu'en matière d'infractions au code de l'urbanisme, le maire agit au nom de l'Etat ; c'est à tort que le tribunal a écarté cette fin-de-non-recevoir ;
- à titre subsidiaire, dès lors que le maire de Châtillon d'Azergues a mandaté un officier de police pour dresser procès-verbal de constat le 28 janvier 2020, la demande avait perdu son objet et le tribunal aurait dû prononcer un non-lieu-à statuer ;
- c'est à tort que le tribunal a retenu que les informations relevant du constat d'huissier établi le 21 octobre 2019 à la demande de M. B... n'avaient pas été sérieusement contestées ;
- à titre infiniment subsidiaire, il n'a commis aucune infraction ; ses travaux ne sont soumis à aucune autorisation ; les soi-disant remblais consistent en réalité à stocker des matériaux sur son terrain en vue de la réalisation de son projet de construction d'une maison pour laquelle il a obtenu une autorisation ; les mesures des " remblais " figurant au constat d'huissier produits par M. B... ne sont pas réalistes et sont contradictoires avec le plan du géomètre fourni à l'appui de sa demande de permis de construire ; cette infraction n'est matériellement pas établie à la date à laquelle la décision implicite est intervenue.
Par deux mémoires en défense enregistrés le 21 septembre et le 26 octobre 2021, M. B..., représenté par Me Francou, conclut au rejet de la requête, et à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de M. E... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement ne comporte aucune irrégularité ;
- les travaux en litige ont été réalisés sans autorisation et ne sont pas régularisables puisqu'ils contreviennent à l'article 12 du règlement du PLU ;
- l'infraction était constituée à la date de la naissance A... la décision implicite de rejet en litige ;
- les conséquences difficilement réparables du jugement sur la situation de M. E... ne sont pas établies.
Par un mémoire en intervention volontaire enregistré le 3 novembre 2021, la commune de Châtillon d'Azergues, représentée par Me Aldo Sevino, demande que la cour fasse droit à la requête à fin de sursis à exécution de M. E....
Elle soutient que :
- le tribunal administratif n'était pas compétent pour enjoindre à la commune de dresser procès-verbal d'infraction à l'encontre de M. E... ;
- le maire a fait usage de ses pouvoirs de police en réquisitionnant les agents afin de contrôler la matérialité de l'infraction suspectée en application de l'article L. 480-2 du code de l'urbanisme mais il n'en a pas déduit l'existence d'une infraction ; ce constat n'est pas susceptible d'être contesté devant la juridiction administrative mais relève de la seule procédure pénale ;
- c'est à tort que les premiers juges ont estimé qu'une infraction avait été constituée ; la présence de quelques pierres sur le terrain de M. E... ne constitue pas un remblai ni un exhaussement du sol, prohibés par l'article 12 du PLU.
II) Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés les 19 août et 12 novembre 2021 sous le numéro 21LY02839, M. E..., représentée par Me Duffaud, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 1er juillet 2021 et de rejeter la demande de M. B... ;
2°) de mettre à la charge de M. B... la somme de 3 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
3°) d'annuler les passages injurieux et diffamatoires du mémoire en défense de M. B... et de condamner ce dernier à lui verser la somme de 1 euro symbolique à titre de dommages et intérêts.
Il soutient les mêmes moyens que dans la requête précédente.
Par un mémoire enregistré le 27 octobre 2021, M. B..., représenté par Me Francou, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 800 euros soit mise à la charge de M. E... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.
Par des observations enregistrées le 28 octobre 2021, le ministre de la transition écologique s'associe à la demande de M. E... et s'en rapporte aux écritures produites par le préfet du Rhône.
Par un mémoire en intervention volontaire enregistré le 10 novembre 2021, la commune de Châtillon d'Azergues, représentée par Me Aldo Sevino, demande que la cour fasse droit à la requête aux d'annulation de M. E..., à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. B... et à ce que M. B... soit condamné " aux entiers dépens ".
Elle soutient les mêmes moyens que dans la requête précédente.
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Christine Psilakis, rapporteure,
- les conclusions de M. Jean-Simon Laval, rapporteur public,
- les observations de Me Duffaud pour M. E..., de Me Francou pour M. B... et de Me Sevino pour la commune de Châtillon-d'Azergues ;
Considérant ce qui suit :
1. Les requêtes visées ci-dessus de M. E... tendent respectivement à l'annulation et au sursis à exécution du même jugement. Il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet du même arrêt.
2. M. B... a demandé par deux courriers successifs des 23 juillet et 16 septembre 2019 au maire de Châtillon-d'Azergues de faire dresser procès-verbal d'infraction en vue de sa transmission au procureur de la République à l'encontre de M. E..., propriétaire de la parcelle cadastrée section AB n° 110 implantée montée du Chêne en contrebas de sa propriété, afin de constater que M. E... a procédé à des remblaiements irréguliers sur son terrain. Par jugement du 1er juillet 2021 le tribunal administratif de Lyon a annulé la décision du maire de la commune rejetant implicitement la demande de M. B... et a enjoint le maire au nom de l'Etat de faire dresser procès-verbal d'infraction. M. E... relève appel de ce jugement et en demande le sursis à exécution.
Sur l'intervention de la commune de Châtillon-d'Azergues :
3. La commune de Châtillon-d'Azergues sur le territoire de laquelle s'implante le terrain de M. E... et dont le maire a refusé de dresser procès-verbal d'infraction aux règles de l'urbanisme au nom de l'Etat, a intérêt à l'annulation du jugement attaqué. Dès lors, son intervention dans les deux litiges est recevable.
Sur les conclusions de la requête n° 21LY02839 dirigées contre le jugement du 1er juillet 2021 :
En ce qui concerne la compétence du juge administratif :
4. Aux termes de l'article L. 480-1 du code de l'urbanisme : " Lorsque l'autorité administrative et, au cas où il est compétent pour délivrer les autorisations, le maire ou le président de l'établissement public de coopération intercommunale compétent ont connaissance d'une infraction de la nature de celles que prévoient les articles L. 480-4 et L. 610-1, ils sont tenus d'en faire dresser procès-verbal. / Copie du procès-verbal constatant une infraction est transmise sans délai au ministère public. ". Aux termes de l'article L. 610-1 du même code : " En cas d'infraction aux dispositions des plans locaux d'urbanisme, les articles L. 480-1 à L. 480-9 sont applicables (...) ".
5. Il résulte de ces dispositions que le maire est tenu de dresser un procès-verbal lorsqu'il a connaissance d'une infraction mentionnée à l'article L. 610-1 du même code, résultant de la méconnaissance des dispositions du plan local d'urbanisme. Par ailleurs, alors même que le procès-verbal d'infraction dressé en application de l'article L. 480-1 du code de l'urbanisme a le caractère d'un acte de procédure pénale dont la régularité ne peut être appréciée que par les juridictions judiciaires, il appartient à la juridiction administrative de connaître des litiges qui peuvent naître du refus du maire de faire usage des pouvoirs qui lui sont conférés en sa qualité d'autorité administrative par les dispositions précitées et, le cas échéant, l'enjoindre à dresser procès-verbal d'infraction.
En ce qui concerne l'exception de non-lieu à statuer :
6. Il résulte des dispositions mentionnées au point 4 que si le maire est tenu, lorsqu'il a connaissance d'une infraction à la législation de l'urbanisme d'en faire dresser procès-verbal, il est cependant nécessaire que l'élément matériel de l'infraction puisse être constaté. Le procès-verbal, dressé le 28 janvier 2020 et intitulé " rapport de constatation ", par un officier de police municipale mandaté par le maire de Châtillon-d'Azergues, qui se borne à constater, notamment à l'aide de clichés " la présence de pierres de différentes tailles " sur le terrain appartenant à M. E... ne peut tenir lieu de procès-verbal constatant une infraction au sens des dispositions précitées au point 4. Par suite, M. E... n'est pas fondé à soutenir que l'établissement de ce procès-verbal a privé d'objet la demande de M. B... dirigée contre le refus du maire de faire dresser procès-verbal d'infraction en vue de sa transmission au procureur de la République.
En ce qui concerne la recevabilité de la demande :
7. M. E... fait valoir que la demande de M. B... tendant à l'annulation du refus implicite du maire à dresser procès-verbal d'infraction était mal dirigée puisqu'elle visait la commune, laquelle n'était pas partie à l'instance mais simple intervenante. Le maire qui fait usage ou refuse de faire usage des pouvoirs conférés par les dispositions précitées au point 4 agit au nom de l'Etat et la contestation de sa décision relève du contentieux de l'excès de pouvoir ainsi qu'il a été rappelé au point 5. En application de l'article R. 611-12 du code de justice administrative, il appartenait aux premiers juges, comme en l'espèce, de rediriger la demande de M. B... et de mettre en cause à l'instance l'Etat prise en la personne du préfet du Rhône. Dans ces conditions, cette fin-de-non-recevoir doit être écartée comme non-fondée.
En ce qui concerne la matérialité de l'infraction :
8. En premier lieu, M. E... ne peut utilement se prévaloir de ce qu'une autorisation n'était pas nécessaire pour déposer des matériaux sur son terrain, dès lors qu'est en cause une infraction aux règles du chapitre 12 des dispositions générales du règlement d'urbanisme, lesquelles prohibent tout remblaiement en zone d'aléa faible G1 pour les mouvements de terrain, zone dont il constant que relève le terrain du requérant.
9. En second lieu, il ressort des pièces du dossier, notamment du constat d'huissier établi le 29 octobre 2019 que des matériaux comportant " des pierres dorées, des agglomérés de bétons et différents morceaux de liant provenant de destruction " ont été déversés avec un camion benne dès juin 2019 sur le terrain de M. E..., que " tous ces matériaux sont répandus dans la pente du talus de ce terrain ", que " au pied de celui-ci la longueur de cette dispersion est d'environ 7,50 mètres ", que le talus créé est " quant à lui d'une hauteur d'environ 3,50 mètres par rapport au terrain naturel situé en contrebas " et que le " déversement de ces matériaux de remblai provoque ainsi une avancée par rapport au talus précédemment existant d'environ 5,50 mètres ". Ces constations ont été réitérées par huissier le 27 novembre 2020 et ne sont pas utilement contredites par le procès-verbal précité, établi le 28 janvier 2020 par le policier municipal mandaté par le maire de la commune. En se bornant à soutenir qu'il a entreposé des matériaux en vue de réaliser une future construction pour laquelle il a obtenu un permis de construire le 29 novembre 2019, à faire état du plan de géomètre, au demeurant non daté, joint à la demande de ce permis et que le volume relevé par l'huissier serait surestimé, M. E... ne démontre pas que ces faits ne seraient pas matériellement établis. Dans ces conditions, et alors qu'il apparaît que M. E... a procédé en juin 2019 à un remblaiement de son terrain proscrit par le chapitre 12 des dispositions générales du plan local d'urbanisme, l'intéressé n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a annulé la décision implicite par lequel le maire de Châtillon-d'Azergues a refusé de dresser procès-verbal d'infraction en vue de sa transmission au procureur de la République et a enjoint le maire de le faire, au nom de l'Etat, dans le délai d'un mois.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 741-2 du code de justice administrative :
10. En application des dispositions de l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881 et de l'article L. 741-2 du code de justice administrative, les cours administratives d'appel peuvent, dans les causes dont elles sont saisies, prononcer, même d'office, la suppression des écrits injurieux, outrageants ou diffamatoires. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 741-3 du code de justice administrative : " Si des dommages-intérêts sont réclamés à raison des discours et des écrits d'une partie ou de son défenseur, la juridiction réserve l'action, pour qu'il y soit statué ultérieurement par le tribunal compétent, conformément au cinquième alinéa de l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881 ".
11. Le passage du mémoire de M. B... enregistré au greffe de la cour le 27 octobre 2021, (page 7) commençant par " enfin si l'on comprend bien " et se terminant par " il minimise ", excède le droit à la libre discussion et présente un caractère diffamatoire. Par suite, il y a lieu d'en prononcer la suppression sans toutefois faire droit à la demande de M. E... tendant au versement d'un euro symbolique au titre des dommages-intérêts.
Sur les frais liés au litige :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il en soit fait application à l'encontre de M. B..., qui n'est pas partie perdante dans la présente instance. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. E... la somme de 2 000 euros à verser à M. B... au titre des frais non compris dans les dépens qu'il a exposés. Les demandes présentées sur le même fondement ainsi qu'au titre des dépens par la commune, qui n'est pas partie à l'instance, doivent être en tout état de cause rejetées.
Sur les conclusions de la requête n° 21LY02838 à fin de sursis à exécution :
13. Le présent arrêt statue sur la requête de M. E... tendant à l'annulation du jugement attaqué. Par suite, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement.
14. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de rejeter les conclusions présentées par les parties et tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : L'intervention de la commune de Châtillon-d'Azergues est admise.
Article 2 : La requête enregistrée sous le n° 21LY02839 de M. E... est rejetée.
Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 21LY02838 à fin de sursis à exécution du jugement du tribunal administratif de Lyon du 1er juillet 2021.
Article 4 : Le passage du mémoire de M. B... enregistré au greffe de la cour le 27 octobre 2021, (page 7), commençant par " enfin si l'on comprend bien " et se terminant par " il minimise ", est supprimé.
Article 5 : M. E... versera à M. B... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative
Article 6 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... et à M. B....
Copie en sera adressée à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, au maire de la commune de Châtillon-d'Azergues ainsi qu'au Procureur de la République près du tribunal judiciaire de Villefranche-sur-Saône.
Délibéré après l'audience du 23 novembre 2021 à laquelle siégeaient :
Mme Danièle Déal, présidente,
M. Thierry Besse, président-assesseur,
Mme Christine Psilakis, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 décembre 2021.
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N° 21LY02838, N° 21LY02839