Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler les décisions du 2 avril 2020 par lesquelles le préfet de l'Yonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours à compter du lendemain de la cessation de l'état d'urgence et a désigné le pays de destination de cette mesure d'éloignement.
Par un jugement n° 2001227 du 16 décembre 2020, le tribunal administratif de Dijon a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 18 janvier 2021, M. B..., représenté par Me Tihal, avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 16 décembre 2020 du tribunal administratif de Dijon ;
2°) d'annuler les décisions du préfet de l'Yonne du 2 avril 2020 ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Yonne de lui délivrer un titre de séjour, dans le délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement attaqué n'est pas suffisamment motivé en ce qu'il a écarté le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation commise par le préfet de l'Yonne en refusant de l'admettre exceptionnellement au séjour au titre de son activité professionnelle ;
- le préfet de l'Yonne a commis une erreur de droit en s'abstenant d'examiner sa demande au regard de la circulaire du 28 novembre 2012 ;
- le préfet de l'Yonne a commis une erreur manifeste d'appréciation en refusant de l'admettre exceptionnellement au séjour au titre de son activité professionnelle ;
- sa décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour.
Par un mémoire en défense enregistré le 23 avril 2021, le préfet de l'Yonne, représenté par Me Claisse (SELARL Centaure avocats), avocat, conclut au rejet de la requête.
Il expose que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 28 mai 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 29 juin 2021.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-tunisien en matière de séjour et de travail du 17 mars 1988 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Sophie Corvellec, première conseillère,
- et les observations de Me Aguettant, avocat, pour le préfet de l'Yonne ;
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., de nationalité tunisienne, relève appel du jugement du 16 décembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet de l'Yonne du 2 avril 2020 rejetant sa demande de titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination de cette mesure d'éloignement.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Le tribunal administratif de Dijon a écarté, au point 8 du jugement attaqué et par des motifs suffisamment précis, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation qu'aurait commise le préfet de l'Yonne en refusant d'admettre M. B... exceptionnellement au séjour au titre de son activité professionnelle. Les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre au détail de l'argumentation de la demande dont ils étaient saisis, ont ainsi suffisamment motivé leur jugement.
Sur la légalité du refus de titre de séjour :
3. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui (...) ".
4. S'il n'est pas contesté que M. B..., ressortissant tunisien né en 1989, réside habituellement sur le territoire français depuis 2011, il est constant que, célibataire et dépourvu de charges de famille, il n'y dispose d'aucune attache familiale. Par ailleurs, l'activité professionnelle dont il se prévaut ne saurait suffire à elle seule, nonobstant sa durée, à démontrer une particulière insertion, ni qu'il aurait fixé en France le centre de ses intérêts privés. Enfin, il reconnaît ne pas être dépourvu d'attaches privées et familiales dans son pays d'origine, où il a vécu jusqu'à l'âge de vingt-et-un ans. Dans ces circonstances, M. B... n'est pas fondé à soutenir qu'en refusant de lui délivrer un titre de séjour, le préfet de l'Yonne a porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et méconnu les stipulations précitées.
5. En deuxième lieu, la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière ne comporte que des orientations générales destinées à éclairer les préfets dans l'exercice de leur pouvoir de prendre des mesures de régularisation, sans les priver de leur pouvoir d'appréciation, et qui ne peuvent être utilement invoquées devant le juge. Par suite, M. B... n'est pas fondé à reprocher au préfet de l'Yonne d'avoir commis une erreur de droit en s'abstenant d'examiner sa demande sur le fondement de cette circulaire.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 (...) peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 (...) ".
7. Portant sur la délivrance des catégories de cartes de séjour temporaire prévues par les dispositions auxquelles il renvoie, l'article L. 313-14 n'institue pas une catégorie de titres de séjour distincte mais est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France soit au titre de la vie privée et familiale, soit au titre d'une activité salariée. Il fixe ainsi, notamment, les conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France au titre d'une activité salariée. Dès lors que l'article 3 de l'accord franco-tunisien prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, un ressortissant tunisien souhaitant obtenir un titre de séjour au titre d'une telle activité ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 313-14 à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national, s'agissant d'un point déjà traité par l'accord franco-tunisien, au sens de l'article 11 de cet accord.
8. Toutefois, si l'accord franco-tunisien ne prévoit pas, pour sa part, de semblables modalités d'admission exceptionnelle au séjour, il y a lieu d'observer que ses stipulations n'interdisent pas au préfet de délivrer un titre de séjour à un ressortissant tunisien qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit. Il appartient au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation.
9. Si M. B... se prévaut de près de cinq années d'activité professionnelle en France, il ressort des pièces du dossier que le poste d'employé polyvalent dans une boulangerie-pâtisserie qu'il occupait alors ne présente aucune spécificité, ni n'exige de qualification ou d'expérience particulière. Par suite, et compte tenu de ce qui a été indiqué au point 4 du présent arrêt, le préfet de l'Yonne n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de M. B... en s'abstenant de faire usage de son pouvoir de régularisation exceptionnelle.
10. Enfin, et comme indiqué ci-dessus, la décision refusant de délivrer un titre de séjour à M. B... n'est pas entachée d'illégalité. Par suite, M. B... n'est pas fondé à se prévaloir de l'illégalité de cette décision à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français.
11. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.
12. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Yonne.
Délibéré après l'audience du 30 novembre 2021, à laquelle siégeaient :
M. Gilles Fédi, président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère,
Mme Sophie Corvellec, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 décembre 2021.
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N° 21LY00160