Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 10 juin 2020 par lequel le préfet de l'Ain lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retourner sur le territoire français pendant une durée d'un an.
Par un jugement n° 2004320 du 23 septembre 2020, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 31 décembre 2020, Mme A... B..., représentée par Me Goddet, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 23 septembre 2020 ;
2°) d'annuler cet arrêté du 10 juin 2020 ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Ain de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ou, à titre subsidiaire de réexaminer sa demande, dans le délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
4°) d'enjoindre au préfet de l'Ain de procéder à l'effacement de son signalement dans le système d'information Schengen ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros à verser à son conseil au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- la décision a été prise par une personne incompétente ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée et a été prise sans réel examen de sa situation ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français a été prise en méconnaissance de son droit à être entendue, tel que protégé par l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- elle est fondée à exciper de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision de ne pas lui accorder de délai de départ volontaire supérieur à trente jours ;
- la décision fixant le délai de départ volontaire est insuffisamment motivée ;
- la décision fixant le délai de départ volontaire est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, au regard du contexte lié à l'épidémie de Covid 19 ;
- elle est fondée à exciper de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination ;
- la décision fixant le pays de destination a été prise par une personne incompétente ;
- la décision fixant le pays de destination est insuffisamment motivée ;
- la décision fixant le pays de destination méconnaît l'article 33 de la convention de Genève ;
- la décision fixant le pays de destination méconnait l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est fondée à exciper de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision lui faisant interdiction de retourner sur le territoire français ;
- la décision lui faisant interdiction de retourner sur le territoire français a été prise par une personne incompétente ;
- la décision lui faisant interdiction de retourner sur le territoire français a été prise sans qu'elle ait été informée d'un signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen ;
- la décision lui faisant interdiction de retourner sur le territoire français est insuffisamment motivée ;
- la décision lui faisant interdiction de retourner sur le territoire français a été prise en méconnaissance de son droit à être entendue ;
- la décision lui faisant interdiction de retourner sur le territoire français méconnaît le III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision lui faisant interdiction de retourner sur le territoire français est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle.
Par un mémoire enregistré le 2 mars 2021, la préfète de l'Ain conclut au rejet de la requête.
Elle soutient qu'aucun des moyens de la requête d'appel n'est fondé.
Par décision du 2 décembre 2020, le bureau d'aide juridictionnelle a accordé le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale à Mme B....
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention de Genève du 28 juillet 1951
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;
La présidente de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Besse, président-assesseur ;
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante arménienne née en 1977, est entré en France en septembre 2018. Elle a présenté une demande d'asile, qui a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 6 août 2019. Par arrêté du 10 juin 2020, le préfet de l'Ain l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retourner sur le territoire français pendant une durée d'un an. Mme B... relève appel du jugement du 23 septembre 2020 par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les décisions de l'arrêté du 10 juin 2020 :
2. Mme B... réitère en appel, sans l'assortir d'éléments nouveaux, son moyen selon lequel l'arrêté en litige a été pris par une personne incompétente. Il y a lieu de l'écarter par adoption des motifs retenus à bon droit par le premier juge.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
3. En premier lieu, il y a lieu d'écarter par adoption des motifs du premier juge, les moyens tirés de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée et a été prise sans réel examen de la situation de la requérante.
4. En deuxième lieu, la requérante, qui ne pouvait ignorer qu'elle pouvait se voir ordonner de quitter le sol français en cas de rejet de sa demande de protection internationale, n'est pas fondée à soutenir qu'elle n'a pu, dans la perspective d'une telle mesure, présenter toute observation pertinente susceptible d'y faire obstacle, au cours de la période écoulée entre l'introduction de sa demande d'asile et la décision en litige. Par suite, le moyen tiré de ce qu'en l'obligeant à quitter le territoire français, le préfet de l'Ain aurait porté atteinte au principe général du droit de l'Union européenne, selon lequel toute personne a le droit d'être entendue préalablement à l'adoption d'une mesure individuelle l'affectant défavorablement, doit être écarté.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. "
6. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... séjournait en France depuis moins de deux années à la date de la décision en litige. Si elle fait valoir que son fils, né en 2013, est scolarisé en France, et qu'elle suit un traitement médical en raison de l'état de stress post traumatique lié aux violences qu'elle a connues dans son pays, son séjour en France, où elle ne justifie pas d'une insertion particulière, est bref. Dans ces conditions, et alors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle ne pourrait mener une vie privée et familiale normale en Arménie du fait des menaces auxquelles elle serait exposée de la part du père de son enfant, la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français ne porte pas à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni n'est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle
En ce qui concerne la décision fixant le délai de départ volontaire :
7. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le délai de départ volontaire.
8. En deuxième lieu, il résulte des dispositions alors en vigueur du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que lorsque l'autorité administrative prévoit qu'un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement dispose du délai de départ volontaire de trente jours, qui est le délai normalement applicable, ou d'un délai supérieur, elle n'a pas à motiver spécifiquement sa décision. Dès lors, le moyen tiré du défaut de motivation du délai de départ volontaire de trente jours, qui révèlerait un défaut d'examen de sa situation, doit être écarté.
9. En troisième lieu, si la requérante soutient qu'en raison de l'épidémie de covid-19, il n'y avait, à la date de la décision en litige, pas de possibilité pour elle d'exécuter la mesure d'éloignement, une telle circonstance est en tout état de cause seulement susceptible d'affecter, le cas échéant, les conditions de l'exécution de la décision attaquée, mais demeure sans incidence sur sa légalité. Par suite, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que la décision litigieuse serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation pour ce motif.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
10. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination.
11. En deuxième lieu, Mme B... réitère en appel, sans l'assortir d'éléments nouveaux, son moyen selon lequel la décision fixant le pays de destination est insuffisamment motivée. Il y a lieu de l'écarter par adoption des motifs retenus à bon droit par le premier juge.
12. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a statué sur la demande d'asile de Mme B... en procédure accélérée, l'Arménie étant considérée comme un pays d'origine sûr. Par suite, en application du 7° de l'article L. 743-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur, elle ne bénéficiait plus du droit de se maintenir sur le territoire français et pouvait faire l'objet d'une mesure d'éloignement sur le fondement du 6° de l'article L. 511-1 du même code, alors même qu'un recours était pendant devant la Cour nationale du droit d'asile. Mme B... ne peut à cet égard utilement invoquer la méconnaissance de l'article 33 de la convention de Genève, qui n'est applicable qu'aux étrangers auxquels la qualité de réfugié a été reconnue.
13. En dernier lieu, l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " L'étranger qui fait l'objet d'une mesure d'éloignement est éloigné :/ 1° A destination du pays dont il a la nationalité [...] Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. "
14. Mme B... indique avoir dû fuir l'Arménie en 2018 en raison des violences et menaces exercées par le père de son enfant depuis la naissance en mars 2013 de ce dernier, qui aurait été conçu lors d'un viol. Toutefois, l'intéressée, dont la demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmée le 29 septembre 2020 par la Cour nationale du droit d'asile, n'apporte aucun élément suffisamment probant de nature à établir la réalité de menaces actuelles en cas de retour en Arménie, ni l'impossibilité pour elle d'obtenir une protection des autorités de ce pays. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations et dispositions citées au point précédent doit être écarté.
En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français :
15. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision lui faisant interdiction de retourner sur le territoire français.
16. En deuxième lieu, Mme B... réitère en appel, sans les assortir d'éléments nouveaux, ses moyens selon lesquels la décision lui faisant interdiction de retourner sur le territoire français est insuffisamment motivée et méconnaît le III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il y a lieu de les écarter par adoption des motifs retenus à bon droit par le premier juge, ainsi que le moyen selon lequel la décision lui faisant interdiction de retourner sur le territoire français pendant un an serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
17. En troisième lieu, et pour les motifs exposés au point 4, il y a lieu d'écarter le moyen selon lequel la décision faisant interdiction à la requérante de retourner sur le territoire français, qui est subséquente à la décision d'éloignement dont elle fait l'objet, aurait été prise en méconnaissance de son droit à être entendue.
18. Enfin, si Mme B... soutient qu'elle n'a pas été informée de ce qu'elle faisait l'objet d'un signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen, la méconnaissance de cette obligation d'information, qui n'a trait qu'à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement de leurs données à caractère personnel, est sans incidence sur la légalité de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français.
19. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction doivent également être rejetées.
Sur les frais d'instance :
20. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, verse à Mme B... la somme qu'elle demande au titre des frais d'instance.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée à la préfète de l'Ain.
Délibéré après l'audience du 23 novembre 2021 à laquelle siégeaient :
Mme Danièle Déal, présidente de chambre,
M. Thierry Besse, président-assesseur,
Mme Christine Psilakis, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 décembre 2021.
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N° 20LY03858