Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du président du conseil départemental de l'Isère du 11 juillet 2017 la maintenant en disponibilité d'office du 26 juillet 2017 au 25 octobre 2017.
Par un jugement n° 1704681 du 23 mai 2019, le tribunal administratif de Grenoble a annulé cet arrêté en tant qu'il refuse à Mme A... le bénéfice d'un congé de longue maladie pour la période du 26 juillet 2017 au 25 octobre 2017.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 15 juillet 2019, le département de l'Isère, représenté par la SELARL SDC AVOCATS, agissant par Me Dalle-Crode, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 23 mai 2019 ;
2°) de rejeter, pour irrecevabilité ou, en tout état de cause, au fond, la demande présentée par Mme A... devant ce tribunal.
Il soutient que :
- c'est à tort que le tribunal administratif n'a pas relevé d'office l'irrecevabilité de la demande de Mme A..., qui était dirigée contre l'avis du comité médical, lequel ne revêt pas le caractère d'une décision faisant grief susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir ;
- c'est à tort que le tribunal a retenu que le refus de congé de longue maladie procédait d'une erreur d'appréciation ; il n'est pas démontré par Mme A... que l'affection dont elle souffre présenterait un caractère invalidant et de gravité confirmée.
Par un mémoire en défense enregistré le 27 janvier 2020, Mme A..., représentée par Me Jourda, conclut au rejet de la requête, demande à la cour d'enjoindre au département de l'Isère, dans un délai de deux mois à compter de l'arrêt à intervenir, de la placer en congé de longue maladie à compter du 26 octobre 2016 et de reconstituer sa carrière et ses droits à compter de la date à laquelle elle a été placée à tort en disponibilité d'office, y compris ses droits à rémunération et demande qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge du département de l'Isère en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés sont infondés.
Par une décision du 5 février 2020, le bureau d'aide juridictionnelle a accordé l'aide juridictionnelle totale à Mme B... A....
Par une ordonnance du 28 janvier 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 1er mars 2021.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;
- le décret n°87-602 du 30 juillet 1987 pris pour l'application de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif à l'organisation des comités médicaux, aux conditions d'aptitude physique et au régime des congés de maladie des fonctionnaires territoriaux ;
- l'arrêté du ministre des affaires sociales et de la solidarité nationale du 14 mars 1986 ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère ;
- les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public ;
- et les observations de Me Da Costa pour le département de l'Isère.
Considérant ce qui suit :
1. Le département de l'Isère relève appel du jugement du 23 mai 2019 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a annulé l'arrêté du président du conseil départemental de l'Isère du 11 juillet 2017 maintenant Mme A... en disponibilité d'office et lui refusant le bénéfice d'un congé de longue maladie pour la période du 26 juillet 2017 au 25 octobre 2017.
Sur la régularité du jugement :
2. Le département de l'Isère reproche aux premiers juges de ne pas avoir opposé l'irrecevabilité à la demande de Mme A..., qui était dirigée contre l'avis du comité médical, lequel ne revêt pas le caractère d'une décision faisant grief. Toutefois, compte tenu des termes de la demande de première instance de Mme A..., qui était présentée sans le ministère d'avocat, en regardant les conclusions de l'intéressée comme tenant à l'annulation de l'arrêté du 11 juillet 2017, les premiers juges n'ont commis aucune irrégularité contrairement à ce que soutient le département de l'Isère.
Sur le bien-fondé du jugement :
3. Aux termes de l'article 57 de la loi n° 84-53 visée ci-dessus : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. (...) 3° A des congés de longue maladie d'une durée maximale de trois ans dans les cas où il est constaté que la maladie met l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions, rend nécessaires un traitement et des soins prolongés et présente un caractère invalidant et de gravité confirmée. (...) ".
4. Il ressort des pièces du dossier que Mme A..., adjointe administrative principale de deuxième classe du département de l'Isère, qui avait épuisé ses droits à congé de maladie ordinaire à compter du 25 octobre 2016, a été placée en disponibilité d'office, après un avis défavorable à sa demande de congé de longue maladie rendu le 9 septembre 2016 par le comité médical départemental. Par l'arrêté attaqué du 11 juillet 2017, et après nouvel avis défavorable du comité médical supérieur du 30 mai 2017, le président du conseil départemental de l'Isère a décidé le maintien de Mme A... en disponibilité d'office et lui a refusé le bénéfice d'un congé de longue maladie pour la période du 26 juillet 2017 au 25 octobre 2017.
5. D'une part, il ressort des pièces du dossier que Mme A... souffre depuis 2015, en lien avec des difficultés au travail, d'un état de souffrance psychique important, accompagné d'un fort sentiment de dévalorisation de soi et d'isolement, mettant l'intéressée dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions, comme le révèlent d'ailleurs son placement et son maintien en disponibilité d'office.
6. D'autre part, la pathologie de Mme A... nécessite la prise de médicaments antidépresseurs ainsi qu'un suivi psychologique et rend nécessaires un traitement et des soins prolongés, ce qu'a du reste confirmé l'avis rendu le 13 janvier 2017 par le médecin agréé qui l'a examinée le 13 janvier 2017 et sur le fondement duquel a été rendu l'arrêté du 11 juillet 2017.
7. Enfin, le rapport médical destiné au comité médical départemental du 8 août 2016 fait état d'un syndrome dépressif sur un mode auto et hétéro-agressif. L'attestation de la psychologue libérale qui suit l'intéressée relate la présence d'un état d'épuisement physique et psychique accompagné de symptômes dépressifs ainsi que, depuis juillet 2016, d'une cruralgie et d'urticaire qu'elle attribue potentiellement à des symptômes psychosomatiques. Le certificat médical du 21 septembre 2016 émanant du médecin généraliste de Mme A... indique en des termes précis et circonstanciés qu'elle souffre d'un " état de stress permanent, sentiment de dévalorisation de soi, anhédonie, sentiment d'injustice, perte d'espoir en son avenir professionnel, allant même jusqu'aux idées suicidaires " dont il confirme, le 21 juillet 2017, la présence désormais très envahissante et atteste, à cette date contemporaine de celle de l'arrêté attaqué, de l'aggravation de la pathologie de l'intéressée avec accentuation des troubles du sommeil et développement d'une anorexie avec vomissements liés à une angoisse extrême. Dans ces conditions, les éléments médicaux versés au dossier par l'intimée contredisent sérieusement les conclusions du rapport du médecin agrée spécialiste en psychiatrie selon lequel l'état de Mme A..., qu'il a examiné en janvier 2017, " ne répond pas à un tableau de dépression caractérisée ". En se bornant à reprocher au tribunal d'avoir écarté les éléments du dossier émanant de la médecine statutaire au bénéfice des certificats produits par Mme A..., le département de l'Isère ne conteste pas sérieusement l'appréciation aux termes de laquelle les premiers juges ont retenu que l'affection dont souffre Mme A... présente un caractère invalidant et de gravité confirmée.
8. Il résulte de ce qui précède que le département de l'Isère n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé l'arrêté du président du conseil départemental de l'Isère du 11 juillet 2017 refusant à Mme A... le bénéfice d'un congé de longue maladie pour la période du 26 juillet 2017 au 25 octobre 2017.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
9. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. / La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure ".
10. Le présent arrêt implique nécessairement, eu égard au motif d'annulation de l'arrêté du 11 juillet 2017, que le département de l'Isère place Mme A... en congé de longue maladie à compter du 26 juillet 2017, et en tire toutes les conséquences tant financières qu'en termes de reconstitution de carrière, comme elle le demande pour la première fois en appel. Il y a lieu d'enjoindre au département de l'Isère de prendre cette mesure dans un délai deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les frais liés au litige :
11. En application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du département de l'Isère le versement d'une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par Mme A....
D E C I D E :
Article 1er : La requête du département de l'Isère est rejetée.
Article 2 : Il est enjoint au département de l'Isère de placer Mme A... en congé de longue maladie à compter du 26 juillet 2017, et d'en tirer toutes les conséquences tant financières qu'en termes de reconstitution de carrière, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : Le département de l'Isère versera la somme de 2 000 euros à Mme A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au département de l'Isère et à Mme B... A....
Délibéré après l'audience du 30 novembre 2021 à laquelle siégeaient :
M. Gilles Fédi, président-assesseur assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère,
Mme Sophie Corvellec, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 décembre 2021.
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N° 19LY02709