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09/12/2021 | FRANCE | N°20LY03292

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 7ème chambre, 09 décembre 2021, 20LY03292


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 27 avril 2020 par lequel le préfet du Rhône lui a refusé le séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de quatre-vingt-dix jours, a fixé le pays de destination, et de lui accorder un titre de séjour.

Par jugement n° 2003332 lu le 23 juillet 2020, le magistrat désigné par la présidente du tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregist

rée le 8 novembre 2020, M. A... B..., représenté par Me Saidi, demande à la cour :

1°) d'annuler ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 27 avril 2020 par lequel le préfet du Rhône lui a refusé le séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de quatre-vingt-dix jours, a fixé le pays de destination, et de lui accorder un titre de séjour.

Par jugement n° 2003332 lu le 23 juillet 2020, le magistrat désigné par la présidente du tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 8 novembre 2020, M. A... B..., représenté par Me Saidi, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement et l'arrêté du 27 avril 2020 ;

2°) d'enjoindre au préfet du Rhône de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois ;

3°) de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- les décisions en litige sont insuffisamment motivées et entachées d'un défaut d'examen de sa situation ;

- le refus de délivrance d'un titre de séjour méconnaît les dispositions des 5° et 9° de l'article L. 313-20 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- cette décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à son admission exceptionnelle au séjour ;

- l'obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour ;

- la fixation du pays de destination est illégale en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire ; cette décision méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Le 30 septembre 2021, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt est susceptible d'être fondé sur l'incompétence du magistrat délégué du tribunal administratif de Lyon pour statuer sur les conclusions présentées par M. B... tendant à l'annulation de l'arrêté du 27 avril 2020 par lequel le préfet du Rhône lui a refusé le séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination dès lors que la mesure d'éloignement en litige a été prise suite à une demande de titre de séjour et donc sur le fondement du 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont le contentieux relève d'une formation collégiale de la juridiction de première instance.

La requête a été communiquée au préfet qui n'a pas produit de mémoire en défense.

M. A... B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 30 septembre 2020.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Burnichon, première conseillère,

- et les observations de M. B... ;

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant de la République Démocratique du Congo né le 16 août 1981, est entré irrégulièrement en France à la date déclarée du 20 janvier 2014. Suite au rejet de sa demande d'asile et après demande d'admission exceptionnelle au séjour, il s'est vu opposer un premier refus de séjour assorti d'une mesure d'éloignement le 14 août 2018 qu'il n'a pas exécutée. Le 27 août 2019 il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des 1°, 5°, 7° et 8° des dispositions alors codifiées à l'article L. 313-20 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par décision du 27 avril 2020, le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours et a fixé le pays de destination. M. B... relève appel du jugement lu le 23 juillet 2020 par lequel le magistrat délégué du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa requête.

2. Aux termes des dispositions alors codifiées au I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un État membre de l'Union européenne (...) lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 3° Si la délivrance (...) d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger (...) ".

3. Par ailleurs, les dispositions alors codifiées au I, au I bis et au II de l'article L. 512-1 du même code définissent des régimes contentieux distincts applicables à la contestation par un étranger mentionné à l'article L. 511-1 précité de l'obligation qui lui est faite de quitter le territoire français selon le fondement de cette obligation et selon que cette dernière a été assortie ou non d'un délai de départ volontaire, hors les cas où il est par ailleurs placé en rétention ou assigné à résidence. Ainsi, aux termes des dispositions alors codifiées au I de l'article L. 512-1, dans leur rédaction alors applicable : " L'étranger qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sur le fondement des 3°, 5°, 7° ou 8° du I de l'article L. 511-1 ou sur le fondement de l'article L. 511-3-1 et qui dispose du délai de départ volontaire mentionné au premier alinéa du II de l'article L. 511-1 ou au sixième alinéa de l'article L. 511-3-1 peut, dans le délai de trente jours suivant sa notification, demander au tribunal administratif l'annulation de cette décision, ainsi que l'annulation de la décision relative au séjour, de la décision mentionnant le pays de destination (...) / Le tribunal administratif statue dans un délai de trois mois à compter de sa saisine (...) ". Aux termes de son I bis : " L'étranger qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sur le fondement des 1°, 2°, 4° ou 6° du I de l'article L. 511-1 et qui dispose du délai de départ volontaire mentionné au premier alinéa du II du même article L. 511-1 peut, dans un délai de quinze jours à compter de sa notification, demander au président du tribunal administratif l'annulation de cette décision, ainsi que l'annulation de la décision mentionnant le pays de destination (...) / Le président du tribunal administratif ou le magistrat qu'il désigne à cette fin (...) statue dans un délai de six semaines à compter de sa saisine (...) ".

4. Il ressort des pièces du dossier que l'obligation de quitter le territoire français litigieuse, prise dans le même arrêté que le refus de titre de séjour, repose sur les dispositions alors codifiées au 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dans ces conditions, dès lors que le législateur a expressément prévu la compétence de la formation collégiale du tribunal administratif pour statuer sur la légalité des obligations de quitter le territoire sans délai fondées sur les dispositions alors codifiées au 3° du I de l'article L. 512-1 précitées, le magistrat désigné par la présidente du tribunal n'était pas compétent pour statuer sur le recours. Par suite, le jugement attaqué est entaché d'irrégularité et doit être annulé.

5. Il y a lieu pour la cour de statuer, par la voie de l'évocation, sur les conclusions de la demande présentées au tribunal par M. B....

Sur le refus de séjour :

6. En premier lieu, le refus de séjour en litige comporte les motifs de droit et de fait qui le fondent et est dès lors suffisamment motivé.

7. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Rhône se soit abstenu d'examiner la situation personnelle de M. B... alors qu'en l'absence de demande sur le fondement des dispositions alors codifiées au 9° de l'article L. 313-20 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'avait pas à examiner d'office si l'intéressé pouvait prétendre à la délivrance d'une carte de séjour pluriannuel sur ce fondement.

8. En troisième lieu, aux termes des dispositions alors codifiées au 5° de l'article L. 313-20 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour pluriannuelle portant la mention " passeport talent ", d'une durée maximale de quatre ans, est délivrée, dès sa première admission au séjour : (...) 5° A l'étranger ayant obtenu un diplôme équivalent au grade de master ou pouvant attester d'une expérience professionnelle d'au moins cinq ans d'un niveau comparable et qui, justifiant d'un projet économique réel et sérieux, crée une entreprise en France (...) ". Si M. B... a obtenu le 11 janvier 2016 un diplôme de Master Droit affaire-santé à l'Université Jean Monnet de Saint-Etienne et a suivi 3 jours de formation en décembre 2018 en tant que consultant immobilier indépendant lui permettant de signer un contrat de négociateur non salarié agent commercial indépendant en immobilier, il est constant qu'il n'a pas créé d'entreprise au sens des dispositions précitées, alors que le statut de consultant indépendant ne relève pas de cette catégorie. Au surplus et comme l'indique l'arrêté attaqué, il ne dispose pas d'un visa de long séjour tel que prévu par les dispositions alors codifiées à l'article L. 313-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, exigé notamment pour la première délivrance d'une carte de séjour pluriannuelle mentionnée aux dispositions alors codifiées à l'article L 313-20 précité.

9. En quatrième lieu, en l'absence de demandes sur le fondement des dispositions alors codifiées au 9° de l'article L. 313-20 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et à l'article L. 313-14 du même code, les moyens tirés de la méconnaissance de ces dispositions sont inopérants.

10. En dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) ". Il ressort des pièces du dossier que M. B... est entré sur le territoire français alors qu'il avait plus de 32 ans, il a déjà fait l'objet d'un refus de délivrance d'un titre de séjour assorti d'une mesure d'éloignement qu'il n'a pas exécutée et ne dispose d'aucune attache familiale sur le territoire français alors que sa fille mineure notamment réside dans son pays d'origine. Compte tenu de ces circonstances, en lui refusant la délivrance du titre de séjour demandé, le préfet du Rhône n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé à mener une vie privée et familiale normale.

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

11. L'exception d'illégalité du refus de titre de séjour dirigée contre l'obligation de quitter le territoire doit être écartée par les motifs des points 6 à 10.

Sur la fixation du pays de destination :

12. En premier lieu, l'exception d'illégalité du refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français doit être écartée par les motifs des points 6 à 11.

13. En second lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". M. B... dont la demande d'asile a été rejetée, n'apporte aucun élément tendant à démontrer la nature et la réalité des risques allégués en cas de retour dans son pays d'origine. Il suit de là que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 27 avril 2020 par lequel le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours et a fixé le pays à destination. Ses conclusions aux fins d'injonction et de condamnation de l'État à verser une somme à son conseil au titre des frais du litige doivent être rejetées par voie de conséquence.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2003332 lu le 23 juillet 2020 du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon est annulé.

Article 2 : Les conclusions de la demande de M. B... devant le tribunal administratif et le surplus des conclusions de sa requête n° 20LY03292 sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie sera adressée au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 10 novembre 2021 à laquelle siégeaient :

M. Arbarétaz, président de chambre,

M. Seillet, président-assesseur,

Mme Burnichon, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 9 décembre 2021.

N° 20LY03292 2

ar


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY03292
Date de la décision : 09/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: Mme Claire BURNICHON
Rapporteur public ?: M. CHASSAGNE
Avocat(s) : SAIDI

Origine de la décision
Date de l'import : 21/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-12-09;20ly03292 ?
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