Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler l'arrêté du 11 février 2020 par lequel la préfète de l'Allier a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2000741 du 13 octobre 2020, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 31 décembre 2020, Mme B..., représentée par Me Jauvat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté de la préfète de l'Allier du 11 février 2020 ;
3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer, dans le délai de deux mois, un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros, à verser à son conseil, sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- la décision de refus de titre de séjour a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière dès lors que la préfète n'a pas saisi la commission prévue à l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entrée en France de façon régulière sous couvert d'un visa de type C dont il n'est pas établi qu'il ne s'agit pas du visa évoqué aux articles L. 832-2 et R. 832-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; en tout état de cause, la préfète ne pouvait lui opposer la nécessité d'un visa de long séjour ; en outre, elle est dépendante de ses enfants français et était dispensée de l'obligation de visa ;
- la décision de refus de titre de séjour méconnaît le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; l'existence de ses liens personnels et familiaux doit s'apprécier au regard de son séjour non seulement sur le territoire métropolitain mais aussi à Mayotte et ce, conformément à l'article L. 111-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- cette décision porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et est à tout le moins entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision de refus de séjour étant illégale, l'obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours se trouve privée de base légale et devra être annulée ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales A... que les 4° et 5° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- les décisions de refus de séjour et d'obligation de quitter le territoire français étant illégales, la décision fixant le pays de destination sera nécessairement annulée ;
- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
En application de l'article R. 611-8 du code de justice administrative, la requête a été dispensée d'instruction.
Le 23 décembre 2020, le bureau d'aide juridictionnelle a constaté la caducité de la demande d'aide juridictionnelle formée par Mme B....
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre l'administration et le public ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
La présidente de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le rapport de Mme Lesieux, première conseillère, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante comorienne née en 1949, est entrée sur le territoire métropolitain le 28 juillet 2017, munie d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", valable jusqu'au 22 mars 2018, délivré par le préfet de Mayotte et d'un visa touristique valable jusqu'au 27 octobre 2017. Par un arrêté du 11 février 2020, la préfète de l'Allier a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par un jugement du 13 octobre 2020, dont Mme B... relève appel, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur le refus de séjour :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa version applicable au litige : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française A... que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ".
3. Le titulaire d'une carte de séjour, délivrée en particulier sur le fondement de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, peut en principe, A... que l'énonce l'article R. 312-1 de ce code, circuler librement " en France ", c'est-à-dire, conformément à ce qui résulte de l'article L. 111-3, en France métropolitaine, en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à la Réunion, à Saint-Pierre-et-Miquelon, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin et à Mayotte. Toutefois, l'article L. 832-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile limite la validité des titres de séjour délivrés à Mayotte, en disposant que " les titres de séjour délivrés par le représentant de l'Etat à Mayotte, à l'exception des titres délivrés en application des dispositions des articles L. 121-3, L. 313-4-1, L. 313-8, du 6° de l'article L. 313-10, de l'article L. 313-13 et du chapitre IV du titre Ier du livre III, n'autorisent le séjour que sur le territoire de Mayotte ".
4. En vertu du deuxième alinéa de cet article L. 832-2, " Les ressortissants de pays figurant sur la liste, annexée au règlement (CE) n° 539/2001 du Conseil du 15 mars 2001 des pays tiers dont les ressortissants sont soumis à l'obligation de visa pour franchir les frontières extérieures des Etats membres, qui résident régulièrement à Mayotte sous couvert d'un titre de séjour n'autorisant que le séjour à Mayotte et qui souhaitent se rendre dans un autre département doivent obtenir un visa. Ce visa est délivré, pour une durée et dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat, par le représentant de l'Etat à Mayotte après avis du représentant de l'Etat dans le département où ils se rendent, en tenant compte notamment du risque de maintien irrégulier des intéressés hors du territoire de Mayotte et des considérations d'ordre public ". Selon l'article R. 832-2 du même code : " L'étranger qui sollicite le visa prévu à l'article L. 832-2 présente son document de voyage, le titre sous couvert duquel il est autorisé à séjourner à Mayotte, les documents permettant d'établir les conditions de son séjour dans le département de destination, les moyens d'existence lui permettant de faire face à ses frais de séjour A... que les garanties de son retour à Mayotte. / Sauf circonstances exceptionnelles, ce visa ne peut lui être délivré pour une durée de séjour excédant trois mois (...) ".
5. Sous la qualification de " visa ", ces dispositions instituent une autorisation spéciale, délivrée par le représentant de l'Etat à Mayotte, que doit obtenir l'étranger titulaire d'un titre de séjour délivré à Mayotte dont la validité est limitée à ce département, lorsqu'il entend se rendre dans un autre département. La délivrance de cette autorisation spéciale, sous conditions que l'étranger établisse les moyens d'existence lui permettant de faire face à ses frais de séjour et les garanties de son retour à Mayotte, revient à étendre la validité territoriale du titre de séjour qui a été délivré à Mayotte, pour une durée qui ne peut en principe excéder trois mois.
6. En vertu toutefois du dernier alinéa de l'article L. 832-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les conjoints, partenaires liés par un pacte civil de solidarité, descendants directs âgés de moins de vingt et un ans ou à charge et ascendants directs à charge des citoyens français bénéficiant des dispositions du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne relatives aux libertés de circulation sont dispensés de l'obligation de solliciter le visa mentionné au présent article ".
7. Il en résulte que les dispositions de l'article L. 832-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui subordonnent l'accès aux autres départements de l'étranger titulaire d'un titre de séjour délivré à Mayotte à l'obtention d'une autorisation spéciale, sauf en ce qui concerne les conjoints, les partenaires liés par un pacte civil de solidarité, les descendants directs âgés de moins de vingt et un ans ou à charge et les ascendants directs à charge des citoyens français, font obstacle à ce que cet étranger, s'il gagne un autre département sans avoir obtenu cette autorisation, puisse prétendre dans cet autre département à la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions de droit commun et en particulier de plein droit de la carte de séjour temporaire telle que prévue à l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
8. D'une part, si Mme B... est, A... que l'énonce la décision litigieuse, entrée régulièrement en France sous couvert d'un visa touristique valable jusqu'au 27 octobre 2017, elle ne peut sérieusement soutenir que ce visa de court séjour tiendrait lieu d'autorisation spéciale visée par les articles L. 832-2 et R. 832-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
9. D'autre part, Mme B... soutient qu'en tout état de cause, elle est ascendante à charge de ses enfants français et qu'elle était dispensée de l'obligation de solliciter la délivrance de cette autorisation spéciale. Toutefois, elle n'établit pas, par la production de quelques récépissés d'opérations financières, ne permettant au demeurant pas d'identifier l'expéditeur ni le destinataire, que ses enfants français procèderaient depuis plusieurs années à des versements d'argent réguliers lui permettant de subvenir à ses besoins. Si elle soutient qu'elle est désormais hébergée chez sa fille, il n'est pas justifié que cette dernière a les capacités financières de la prendre en charge. Par ailleurs, l'intéressée ne conteste pas les énonciations de l'arrêté en litige selon lesquelles elle était hébergée, à son arrivée sur le territoire métropolitain, chez une cousine dans le Puy-de-Dôme où elle a sollicité à plusieurs reprises la régularisation de sa situation administrative.
10. Il résulte de ce qui précède que Mme B..., qui était tenue d'obtenir l'autorisation spéciale visée par l'article L. 832-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour venir sur le territoire métropolitain et en particulier dans le département de l'Allier, ne peut prétendre à la délivrance, dans cet autre département, d'un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
11. Il ressort des énonciations de la décision en litige que la préfète de l'Allier a néanmoins examiné la situation de Mme B... au regard des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur. Il ressort des pièces du dossier que cette dernière est entrée sur le territoire métropolitain depuis moins de trois ans à la date de la décision contestée, à l'âge de soixante-huit ans après avoir passé l'essentiel de son existence à Mayotte, où elle a vécu régulièrement et où résident six de ses enfants de nationalité comorienne. Contrairement à ce qu'elle soutient, et compte tenu de ce qui a déjà été dit au point 3 du présent arrêt, les titres de séjour délivrés par le représentant de l'Etat à Mayotte n'autorisant le séjour que sur le territoire de Mayotte, Mme B... ne peut utilement se prévaloir de l'ancienneté de son séjour à Mayotte pour contester le refus de titre de séjour qui lui est opposé. Elle fait valoir la présence de ses six autres enfants, de nationalité française, sur le territoire métropolitain A... que de ses dix-huit petits-enfants et invoque sa santé fragile, souffrant d'asthme bronchique et de diabète non insulino-dépendant. Elle n'établit toutefois pas, par les pièces qu'elle produit, qu'elle ne pourrait pas bénéficier d'une prise en charge de son état de santé et, le cas échéant, de l'accompagnement d'une tierce-personne, hors du territoire métropolitain et en particulier à Mayotte où résident six de ses douze enfants. A... malgré l'intensité des liens familiaux de Mme B... sur le territoire métropolitain, la préfète de l'Allier n'a pas, eu égard aux conditions de son entrée et de son séjour sur ce territoire, porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. La préfète n'a A... pas méconnu le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et pour les mêmes motifs, elle n'a pas méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni davantage entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle et familiale.
12. En second lieu, Mme B... reprend en appel le moyen tiré de ce que la préfète de l'Allier devait, conformément aux dispositions de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur, saisir la commission du titre de séjour avant de lui opposer un refus de titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du même code. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal administratif de Clermont-Ferrand.
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
13. En premier lieu, il résulte de l'examen de la légalité du refus de titre de séjour qui lui a été opposé, que Mme B... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de cette décision à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français.
14. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version alors en vigueur : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 4° L'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de dix ans, sauf s'il a été, pendant toute cette période, titulaire d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle portant la mention " étudiant " ; / 5° L'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de vingt ans (...) ".
15. Mme B... soutient qu'elle vit depuis son adolescence sur le territoire français, à Mayotte et à tout le moins depuis le milieu des années 90. Outre qu'elle n'établit pas par les pièces qu'elle produit sa présence continue à Mayotte depuis plus de dix ou vingt ans, pour les motifs déjà énoncés au point 11 du présent arrêt, l'intéressée ne peut pas utilement se prévaloir, pour justifier de la durée de sa présence en France au sens du 4° et du 5° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de la durée de sa présence sur le territoire de Mayotte.
16. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 11 du présent arrêt, la décision obligeant Mme B... à quitter le territoire français n'a pas été prise en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de cette décision sur la situation personnelle de l'intéressée.
Sur la décision fixant le pays de destination :
17. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour et de celle l'obligeant à quitter le territoire français à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination.
18. En second lieu, Mme B..., qui soutient que la décision fixant le pays de destination est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, n'assortit ce moyen d'aucune précision permettant d'en apprécier la portée. Il y a dès lors lieu de l'écarter.
19. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande. Les conclusions de sa requête doivent donc être rejetées et ce, y compris celles présentées à fin d'injonction et au titre des frais du litige.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B.... Copie en sera adressée au ministre de l'intérieur et au préfet de l'Allier.
Délibéré après l'audience du 4 novembre 2021 à laquelle siégeaient :
Mme Evrard, présidente de la formation de jugement,
Mme Caraës, première conseillère,
Mme Lesieux, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 décembre 2021.
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N° 20LY03868