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08/12/2021 | FRANCE | N°20LY01344

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 08 décembre 2021, 20LY01344


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la décharge des prélèvements sociaux auxquels il a été assujetti au titre des années 2013 et 2014.

Par un jugement n° 1702105 du 3 mars 2020, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 18 avril 2020, M. C..., représenté par Me Brocard, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge de ces imposition

s, à hauteur de la somme de 5 276 euros ;

3°) à titre subsidiaire, de saisir la Cour de justice de l'Union eu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la décharge des prélèvements sociaux auxquels il a été assujetti au titre des années 2013 et 2014.

Par un jugement n° 1702105 du 3 mars 2020, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 18 avril 2020, M. C..., représenté par Me Brocard, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions, à hauteur de la somme de 5 276 euros ;

3°) à titre subsidiaire, de saisir la Cour de justice de l'Union européenne de la question préjudicielle suivante : les prestations financées par la Caisse nationale de solidarité active, à savoir l'allocation personnalisée d'autonomie et la prestation compensatoire du handicap, visées respectivement aux articles L. 232-1 et L. 245-1 du code de l'action sociale et des familles, sont-elles de nature à couvrir le risque maladie ou bien les risques invalidité et vieillesse, au sens de l'article 3 du règlement (CE) n° 883/2004 ' ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

Sur les cotisations de contribution sociale généralisée, de prélèvement social et de contribution additionnelle au prélèvement social :

- en vertu du principe d'unicité de la législation sociale, il ne pouvait être affilié qu'à la seule législation de sécurité sociale suisse pour couvrir l'ensemble des risques et qu'en conséquence il ne pouvait être affilié au régime français de sécurité sociale ;

- en maintenant à sa charge une partie de ces impositions, l'administration a méconnu l'article 11 du règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 ;

- l'administration a méconnu les principes d'égalité de traitement et de non-discrimination qui résultent de l'article 45 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et de l'article 4 du règlement (CE) n° 883/2004 ;

- il est soumis à une double cotisation sociale, dès lors qu'il est assujetti à une cotisation d'assurance maladie en plus des prélèvements sociaux ;

- il existe, compte tenu de l'assujettissement aux prélèvements sociaux en litige, une rupture d'égalité devant l'impôt entre les travailleurs frontaliers et les salariés exerçant leur activité en France et une rupture d'égalité devant les charges publiques ;

- son imposition à ces prélèvements constitue une entrave aux principes de libre circulation des personnes et de libre circulation des travailleurs ;

- il peut se prévaloir d'une note interne du ministère des affaires sociales à la direction générale des finances publiques selon laquelle : " Pour l'application de l'exonération de CSG-CRDS sur les revenus du capital et dans le cas des frontaliers avec la Suisse, il n'y a pas lieu de distinguer selon que les intéressés ont opté ou non pour la dispense d'affiliation en Suisse. Dès lors qu'ils relèvent en principe de la législation sociale suisse au regard des règles de répartition des compétences posées par le règlement (que ce soit pour toutes les branches, y compris la maladie, ou même que par exercice de l'option pour l'exemption en Suisse, ils soient affiliés à la branche maladie en France), ils sont exonérés de CSG et de CRDS (...) " ;

- c'est à tort que l'administration a maintenu à sa charge une fraction de la contribution sociale généralisée et l'intégralité de la contribution additionnelle au prélèvement social, au motif que ces prélèvements étaient affectés au financement de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, dès lors que les prestations financées par cette caisse ne se rattachent pas au risque maladie mais aux risques invalidité et vieillesse ;

Sur la contribution additionnelle de 1,1 % et le prélèvement de solidarité de 2 % :

- ces impositions entrent dans le champ du règlement (CE) n° 883/2004 dès lors qu'elles sont affectées au financement de la Caisse nationale d'assurance maladie et méconnaissent le principe d'unicité de la législation sociale.

Par un mémoire, enregistré le 23 octobre 2020, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- l'accord entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d'une part, et la Confédération suisse, d'autre part, sur la libre circulation des personnes, fait à Luxembourg le 21 juin 1999, son annexe II, ensemble les décisions n° 2/2003 du 15 juillet 2003 et n° 1/2012 du 31 mars 2012 du comité mixte ;

- le règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 ;

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code du travail ;

- l'arrêt n° C-372/18 du 14 mars 2019 de la Cour de justice de l'Union européenne ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Evrard, présidente-assesseure,

- et les conclusions de Mme Vinet, rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., qui exerce une activité salariée en Suisse, était fiscalement domicilié en France au titre des années 2013 et 2014. Il a fait usage de la faculté d'exemption ouverte par l'annexe II de l'accord du 21 juin 1999 entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d'une part, et la Confédération suisse, d'autre part, sur la libre circulation des personnes et a souscrit, ainsi que le permettait alors le II de l'article L. 380-3-1 du code de la sécurité sociale, un contrat auprès d'un assureur privé, la société Mutuelle du Mans assurances, qui a couvert le risque maladie au titre de ces deux années. M. C... a été assujetti aux prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine qu'il a perçus au cours des années 2013 et 2014. Il a saisi l'administration fiscale d'une demande de décharge de ces impositions en se prévalant du principe de l'unicité de la législation applicable en matière sociale résultant de l'article 11 du règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale. L'administration n'a fait que partiellement droit à cette demande, en maintenant à sa charge une fraction de la contribution sociale généralisée et du prélèvement social et l'intégralité de la contribution additionnelle au prélèvement social, au motif que ces prélèvements ou fractions de prélèvements étaient affectés au financement de l'assurance-maladie et l'intégralité du prélèvement de solidarité au taux de 2 %, au motif que ce prélèvement était situé en dehors du champ d'application du règlement (CE) n° 883/2004. M. C... relève appel du jugement du 3 mars 2020 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions.

Sur les conclusions à fin de décharge des cotisations de contribution sociale généralisée, de prélèvement social et de contribution additionnelle au prélèvement social :

2. Aux termes de l'article 1600-0 C du code général des impôts : " La contribution sociale généralisée sur les revenus du patrimoine est établie, contrôlée et recouvrée conformément aux dispositions de l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale. ". Aux termes de l'article L. 245-14 du code de la sécurité sociale, alors en vigueur : " Les personnes physiques fiscalement domiciliées en France au sens de l'article 4 B du code général des impôts sont assujetties à un prélèvement sur les revenus et les sommes mentionnés aux I et II de l'article L. 136-6. Sont également soumises à ce prélèvement, à raison des revenus mentionnés au I bis de l'article L. 136-6 du présent code, les personnes physiques qui ne sont pas fiscalement domiciliées en France au sens de l'article 4 B du code général des impôts. Les dispositions du III de l'article L. 136-6 sont applicables à ce prélèvement. " Aux termes de l'article L. 1600-0 S du code général des impôts : " I. ' Il est institué : 1° Un prélèvement de solidarité sur les revenus du patrimoine mentionnés à l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale (...) II. ' Le prélèvement de solidarité mentionné au 1° du I est assis, contrôlé et recouvré selon les mêmes règles et sous les mêmes sûretés, privilèges et sanctions que la contribution mentionnée à l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale. ". Et aux termes de l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable au litige : " I.- Les personnes physiques fiscalement domiciliées en France au sens de l'article 4 B du code général des impôts sont assujetties à une contribution sur les revenus du patrimoine assise sur le montant net retenu pour l'établissement de l'impôt sur le revenu, à l'exception de ceux ayant déjà supporté la contribution au titre des articles L. 136-3, L. 136-4 et L. 136-7 : a) Des revenus fonciers ; b) Des rentes viagères constituées à titre onéreux ; c) Des revenus de capitaux mobiliers ; (...) e) Des plus-values, gains en capital et profits réalisés sur les marchés à terme d'instruments financiers et de marchandises, ainsi que sur les marchés d'options négociables, soumis à l'impôt sur le revenu, de même que des distributions définies aux 7 et 8 du II de l'article 150-0 A du code général des impôts et du gain défini à l'article 150 duodecies du même code ; e bis) Des plus-values et des créances mentionnées au I et au II de l'article 167 bis du code général des impôts ; e ter) Les gains nets placés en report d'imposition en application des I et II de l'article 150-0 D bis du code général des impôts ; f) De tous revenus qui entrent dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, des bénéfices non commerciaux ou des bénéfices agricoles au sens du code général des impôts, à l'exception de ceux qui sont assujettis à la contribution sur les revenus d'activité et de remplacement définie aux articles L. 136-1 à L. 136-5 ".

3. En vertu de l'article 11 du règlement (CE) n° 883/2004, les personnes auxquelles ce règlement est applicable ne sont soumises qu'à la législation sociale d'un seul Etat membre. Conformément à ce principe d'unicité de législation, ce règlement prévoit que l'exercice d'une activité salariée ou non salariée dans un Etat membre implique normalement l'application de la législation sociale de cet État.

4. Depuis le 1er avril 2012, en vertu de la décision n° 1/2012 du 31 mars 2012 du comité mixte qui a modifié l'annexe II de l'accord entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d'une part, et la Confédération suisse, d'autre part, sur la libre circulation des personnes du 21 juin 1999, l'annexe XI du règlement (CE) n° 883/2004 a été complétée par des dispositions prévoyant que les personnes exerçant une activité en Suisse sont soumises à la législation de cet Etat en matière d'assurance maladie alors même qu'elles n'y résideraient pas, mais que les résidents de certains Etats, dont la France depuis la décision n° 2/2003 du 15 juillet 2003 du comité mixte, peuvent demander à être exemptés de cette affiliation obligatoire sous réserve de prouver qu'ils bénéficient dans l'Etat de résidence d'une couverture en cas de maladie.

5. Aux termes de l'article L. 380-3-1 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction applicable au litige, qui définit en droit interne les conditions de l'exemption présentée ci-dessus : " I. - Les travailleurs frontaliers résidant en France et soumis obligatoirement à la législation suisse de sécurité sociale au titre des dispositions de l'accord du 21 juin 1999 entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d'une part, et la Confédération suisse, d'autre part, sur la libre circulation des personnes, mais qui, sur leur demande, sont exemptés d'affiliation obligatoire au régime suisse d'assurance maladie en application des dispositions dérogatoires de cet accord, sont affiliés obligatoirement au régime général dans les conditions fixées par l'article L. 380-1. / II. - Toutefois, les travailleurs frontaliers occupés en Suisse et exemptés d'affiliation obligatoire au régime suisse d'assurance maladie peuvent demander à ce que les dispositions du I ne leur soient pas appliquées, ainsi qu'à leurs ayants droit, jusqu'à la fin des dispositions transitoires relatives à la libre circulation des personnes entre la Suisse et l'Union européenne, soit douze ans à partir de l'entrée en vigueur de l'accord du 21 juin 1999 précité, à condition d'être en mesure de produire un contrat d'assurance maladie les couvrant, ainsi que leurs ayants droit, pour l'ensemble des soins reçus sur le territoire français (...) ". Il résulte de ces dispositions que, par dérogation à la règle de rattachement définie par le règlement (CE) n° 883/2004, les personnes résidant en France et exerçant une activité en Suisse, qui ont demandé à bénéficier de la clause d'exemption ouverte par l'annexe II de l'accord du 21 juin 1999, relèvent, pour la couverture maladie, de la seule législation française, qui prescrit leur affiliation au régime général et, pendant une période transitoire s'achevant le 31 mai 2014, les autorisait, sur demande, à souscrire un contrat d'assurance auprès d'un opérateur privé en lieu et place de leur affiliation au régime général.

6. En premier lieu, il résulte de l'instruction que M. C... résidait en France et exerçait une activité en Suisse au titre des années 2013 et 2014, et qu'il a demandé à bénéficier de la clause d'exemption de l'assurance obligatoire suisse ouverte par l'annexe II de l'accord du 21 juin 1999. L'exercice par le requérant de cette faculté d'exemption conduit à rendre applicable, pour la couverture maladie, la législation sociale française, quand bien même cette législation prévoyait, durant les années d'imposition en litige, l'exercice d'une option entre l'affiliation au régime général et la souscription d'un contrat d'assurance auprès d'un opérateur privé. La circonstance que M. C... a fait usage de cette dernière faculté ne permet pas de le regarder comme relevant du régime de sécurité sociale suisse. Par suite, M. C..., qui relevait, pour la couverture maladie, de la seule législation française, n'est pas fondé à soutenir que les impositions restant en litige ont été prélevées en méconnaissance du principe d'unicité de législation.

7. En deuxième lieu, M. C... soutient que c'est à tort que l'administration a maintenu à sa charge une fraction des prélèvements sociaux en litige, en tant qu'elle est affectée au financement de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, dès lors que les prestations dont cette caisse assure le versement, l'allocation personnalisée d'autonomie et la prestation compensatoire du handicap, ne peuvent être regardées comme afférentes au risque maladie, seul risque pour lequel il relève de la législation sociale française.

8. Par un arrêt n° C-372/18 du 14 mars 2019, la Cour de justice de l'Union européenne, saisie par la cour administrative d'appel de Nancy d'une question préjudicielle relative au prélèvement social et à la contribution additionnelle à ce prélèvement affectés au financement de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, a dit pour droit que l'article 3 du règlement (CE) n° 883/2004 doit être interprété en ce sens que des prestations, telles que l'allocation personnalisée d'autonomie et la prestation compensatoire du handicap, doivent, aux fins de leur qualification de " prestations de sécurité sociale " au sens de cette disposition, être considérées comme étant octroyées en dehors de toute appréciation individuelle des besoins personnels du bénéficiaire, dès lors que les ressources de ce dernier sont prises en compte aux seules fins du calcul du montant effectif de ces prestations sur la base de critères objectifs et légalement définis. Par ailleurs, l'allocation personnalisée d'autonomie et la prestation compensatoire du handicap, qui sont des prestations portant sur le risque de dépendance et qui visent à améliorer l'état de santé et la vie des personnes dépendantes, tout en présentant des caractéristiques qui leur sont propres, doivent être assimilées à des " prestations de maladie ", au sens du a) de l'article 3, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 883/2004. Il en résulte que les prélèvements finançant la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie doivent être regardés comme affectés au financement du risque maladie, risque pour lequel le requérant relève de la législation sociale française. Par suite, M. C... n'est pas fondé à soutenir que les prélèvements sociaux affectés au financement de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie ne pouvaient être maintenus à sa charge.

9. En troisième lieu, aux termes de l'article 45 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " 1. La libre circulation des travailleurs est assurée à l'intérieur de l'Union. / 2. Elle implique l'abolition de toute discrimination, fondée sur la nationalité, entre les travailleurs des États membres, en ce qui concerne l'emploi, la rémunération et les autres conditions de travail (...) ". Il résulte de ces stipulations, telles qu'interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne, que constitue une entrave à la libre circulation des travailleurs une réglementation nationale qui a pour effet que le travailleur migrant contribue non seulement au financement du régime de sécurité sociale auquel il est affilié, mais aussi au financement d'un régime de sécurité sociale auquel il n'est pas affilié et qui ne peut donc lui procurer aucun bénéfice, et verse ainsi des contributions à fonds perdus au financement d'un régime national de sécurité sociale dont il ne relève pas. En l'espèce, M. C..., qui relève, ainsi qu'il a été dit plus haut, de la législation française en matière d'assurance maladie, a uniquement été assujetti aux prélèvements sociaux dont le produit est affecté au financement des fonds assurant la couverture du risque maladie. Par suite, le requérant n'établit pas qu'il aurait été placé, du fait de son assujettissement à ces prélèvements, dans une situation susceptible de caractériser une entrave à la libre circulation des travailleurs garantie par l'article 45 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.

10. En quatrième lieu, l'obligation faite par la loi d'acquitter les contributions en litige est dépourvue de tout lien avec l'ouverture d'un droit à une prestation ou un avantage servi par un régime de sécurité sociale. Ces prélèvements ont ainsi le caractère d'impositions de toute nature et non, comme le soutient M. C..., celui de cotisations de sécurité sociale au sens des dispositions constitutionnelles et législatives nationales.

11. En cinquième lieu, il résulte de ce qui précède que M. C..., qui relève de la législation française en matière d'assurance maladie, a uniquement été assujetti aux prélèvements sociaux dont le produit est affecté au financement des fonds assurant la couverture du risque maladie. Par suite, le requérant ne peut utilement soutenir que l'administration, en le soumettant à une " double cotisation ", a méconnu les principes d'égalité de traitement et de non-discrimination résultant des articles 157, 45-1 et 45-2 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et de l'article 4 du règlement (CE) n° 883/2004.

12. En sixième lieu, M. C... soutient que les dispositions instituant les prélèvements en litige sont à l'origine d'une rupture d'égalité devant l'impôt entre les travailleurs frontaliers exerçant leur activité en Suisse et les salariés exerçant leur activité en France et d'une rupture d'égalité devant les charges publiques. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par le tribunal administratif de Lyon.

13. En dernier lieu, M. C... fait valoir que le ministre des affaires sociales, dans une note interne transmise à la direction générale des finances publiques, a indiqué que : " Pour l'application de l'exonération de CSG-CRDS sur les revenus du capital et dans le cas des frontaliers avec la Suisse, il n'y a pas lieu de distinguer selon que les intéressés ont opté ou non pour la dispense d'affiliation en Suisse. Dès lors qu'ils relèvent en principe de la législation sociale suisse au regard des règles de répartition des compétences posées par le règlement (que ce soit pour toutes les branches, y compris la maladie, ou même que par exercice de l'option pour l'exemption en Suisse, ils soient affiliés à la branche maladie en France), ils sont exonérés de CSG et de CRDS (...) ". Toutefois, il est constant que cette note est relative aux seules impositions établies au titre de l'année 2019. Dans ces conditions, M. C... ne peut se prévaloir de cette note, dont il n'a pas été fait application, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales à l'appui de ses conclusions tendant à la décharge des impositions qui lui ont été assignées au titre des années 2013 et 2014.

Sur les conclusions à fin de décharge du prélèvement de solidarité :

14. Aux termes de l'article 1600-0 S du code général des impôts applicables aux années 2013 et 2014 : " I. - Il est institué : / 1° Un prélèvement de solidarité sur les revenus du patrimoine mentionnés à l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale ; / 2° Un prélèvement de solidarité sur les produits de placement mentionnés à l'article L. 136-7 du même code. / (...) / III. - Le taux des prélèvements de solidarité mentionnés au I est fixé à 2 % (...) ". Dans sa rédaction antérieure à celle applicable à compter du 1er janvier 2015 résultant de la loi du 29 décembre 2014 de finances pour 2015, le IV du même article prévoyait que le produit de ces prélèvements de solidarité était affecté, pour partie, " au fonds mentionné à l'article L. 262-24 du code de l'action sociale et des familles ", pour partie " au fonds mentionné à l'article L. 351-6 du code de la construction et de l'habitation " et enfin, pour partie, " au fonds mentionné à l'article L. 5423-24 du code du travail ".

15. Le fonds national d'aide au logement finance l'aide personnalisée au logement, la prime de déménagement prévue à l'article L. 351-5 du code de la construction et de l'habitation et les dépenses de gestion qui s'y rapportent, les dépenses du conseil national de l'habitat ainsi que l'allocation de logement relevant du titre III du livre VIII du code de la sécurité sociale et les dépenses de gestion qui s'y rapportent. Ces prestations ne relèvent d'aucune des branches de sécurité sociale au sens de l'article 3, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 883/2004. En particulier, elles ne relèvent pas de la branche qui concerne les " prestations familiales " au sens du z) de l'article 1er du règlement, dès lors qu'elles ne sont pas " destinées à compenser les charges de famille ".

16. En vertu de l'article L. 262-24 du code de l'action sociale et des familles, dans sa rédaction applicable avant le 1er janvier 2015, le fonds national des solidarités actives finance une part du revenu de solidarité active. D'une part, le revenu de solidarité active constitue une prestation non contributive relevant de l'assistance sociale. D'autre part, alors même qu'il posséderait également les caractéristiques d'une législation en matière de sécurité sociale visée à l'article 3, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 883/2004 du 29 avril 2004, le revenu de solidarité active n'est, en tout état de cause, pas mentionné à l'annexe X de ce règlement qui liste les branches de sécurité sociale auxquelles il s'applique. Ainsi, le prélèvement en litige, dès lors qu'il est spécifiquement affecté au financement d'une prestation qui ne relève pas de l'article 3 du règlement (CE) n° 883/2004 du 29 avril 2004, n'entre pas lui-même dans le champ d'application de ce règlement.

17. Enfin, en vertu de l'article L. 5423-24 du code du travail, le fonds de solidarité gère les moyens de financement de l'allocation de solidarité spécifique prévue à l'article L. 5423-1 de ce code, de l'allocation équivalent retraite prévue à l'article L. 5423-18, de la prime forfaitaire prévue à l'article L. 5425-3 et de l'aide prévue au II de l'article 136 de la loi n° 96-1181 du 30 décembre 1996 de finances pour 1997. D'une part, l'allocation de solidarité spécifique, dont les bénéficiaires ont épuisé leurs droits à l'allocation d'assurance chômage et bénéficient de cette allocation au titre d'un régime de solidarité pour les travailleurs involontairement privés d'emploi, n'est pas une " prestation de chômage " au sens de l'article 3, paragraphe 1, sous h) du règlement (CE) n° 883/2004 du 29 avril 2004. Il en va de même pour l'allocation équivalent retraite qui, en vertu de l'article L. 5423-19 du code du travail, soit se substitue à l'allocation de solidarité spécifique ou au revenu minimum d'insertion devenu revenu de solidarité active, soit complète l'allocation d'assurance chômage lorsque celle-ci ne permet pas d'assurer à son bénéficiaire un minimum de ressources. Il en va également de même pour les deux autres prestations financées par le fonds de solidarité, qui sont versées, sous certaines conditions, aux personnes bénéficiaires de l'allocation de solidarité spécifique qui reprennent une activité salariée ou non salariée ou reprennent ou créent une entreprise. D'autre part, à supposer que ces prestations spéciales à caractère non contributif financées par le fonds de solidarité entrent dans le champ défini au paragraphe 1 de l'article 70 du règlement (CE) n° 883/2004, elles ne sont en tout état de cause pas énumérées à l'annexe X de ce règlement.

18. Aucune des prestations financées par les trois fonds mentionnés à l'article 1600-0 S du code général des impôts auxquels est spécifiquement affecté le prélèvement de solidarité prévu à l'article 1600-0 S du code général des impôts dans sa rédaction applicable avant le 1er janvier 2015 n'entre dans le champ d'application du règlement (CE) n° 883/2004. Dès lors que le prélèvement de solidarité est spécifiquement affecté au financement de prestations qui ne relèvent pas du règlement (CE) n° 883/2004, il n'entre pas lui-même dans le champ d'application de ce règlement. Le moyen tiré de ce que ce prélèvement méconnaît son article 11 est, dès lors, inopérant.

19. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de poser une question préjudicielle à la Cour de justice de l'Union européenne, que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Délibéré après l'audience du 4 novembre 2021, à laquelle siégeaient :

Mme Evrard, présidente de la formation de jugement,

Mme Caraës, première conseillère,

Mme Lesieux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 8 décembre 2021.

2

N° 20LY01344


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY01344
Date de la décision : 08/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-04 Contributions et taxes. - Impôts sur les revenus et bénéfices.


Composition du Tribunal
Président : Mme EVRARD
Rapporteur ?: Mme Aline EVRARD
Rapporteur public ?: Mme VINET
Avocat(s) : SELARL BROCARD AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 14/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-12-08;20ly01344 ?
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