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02/12/2021 | FRANCE | N°21LY01062

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 02 décembre 2021, 21LY01062


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 26 février 2020 par lequel le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a désigné le pays à destination duquel il est susceptible d'être reconduit d'office, d'enjoindre au préfet du Rhône, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ou,

à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa demande dans un délai d'un mois,...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 26 février 2020 par lequel le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a désigné le pays à destination duquel il est susceptible d'être reconduit d'office, d'enjoindre au préfet du Rhône, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa demande dans un délai d'un mois, et de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 000 euros au titre des frais liés au litige.

Par un jugement n° 2005574 du 31 décembre 2020, le tribunal administratif de Lyon a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 3 avril 2021 M. C..., représenté par Me Saidi, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler A... décisions du 26 février 2020 du préfet du Rhône ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le jugement attaqué, qui n'a statué sur le moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu qu'au titre de l'obligation de quitter le territoire français, est irrégulier ;

- lorsque l'administration a envisagé de lui refuser la délivrance d'un titre de séjour, elle se devait d'entendre ses observations sur une éventuelle mesure d'éloignement du territoire français, en vertu du principe général du droit d'être entendu, lequel a ainsi été méconnu ;

- le refus de séjour procède d'une erreur d'appréciation au regard des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, compte tenu de sa situation familiale ;

- il procède d'une erreur manifeste d'appréciation dans l'application de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il méconnaît l'intérêt supérieur de ses enfants, protégé par l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- l'illégalité du refus de séjour entraîne l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;

- la mesure d'éloignement méconnaît également l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- l'illégalité des décisions précédentes entraîne l'illégalité de la décision fixant le pays de renvoi ;

- cette dernière décision méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, eu égard aux risques de persécution qu'il encourt en République démocratique du Congo.

La requête a été communiquée au préfet du Rhône, qui n'a pas produit de mémoire en défense.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 3 mars 2021.

Vu A... autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

A... parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Le Frapper, première conseillère,

- et A... observations de Me Dachary, substituant Me Saidi, représentant M. C... ;

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant de République démocratique du Congo né le 4 mai 1981, a déclaré être entré en France le 21 octobre 2012. Sa demande de protection internationale a été définitivement rejetée par la Cour nationale du droit d'asile le 23 décembre 2013. Il a demandé le 3 décembre 2019 la délivrance d'une carte de séjour temporaire au titre de sa vie privée et familiale ou de l'admission exceptionnelle au séjour. Par des décisions du 26 février 2020, le préfet du Rhône a refusé de l'admettre au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être reconduit d'office. M. C... relève appel du jugement du 31 décembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de ces décisions.

Sur la régularité du jugement :

2. Il ressort du dossier de première instance qu'au soutien du moyen tiré de la violation du principe général du droit d'être entendu, M. C... soutenait uniquement qu'en vertu de ce principe, l'autorité préfectorale, lorsqu'elle a envisagé de lui refuser la délivrance d'un titre de séjour, se devait de recueillir ses observations sur une éventuelle mesure d'éloignement. En estimant que ce moyen, au demeurant inopérant à l'encontre du refus de séjour, était dirigé contre la seule mesure d'éloignement et en ne l'examinant en conséquence qu'au stade de l'examen de la légalité de l'obligation de quitter le territoire français, A... premiers juges lui ont donné son exacte portée. Par suite, le jugement attaqué n'est entaché d'aucune omission à statuer.

Sur le bien-fondé :

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

3. En premier lieu, aux termes, d'une part, de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable à la date de la décision attaquée : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : / (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans A... catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont A... liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ". Aux termes, d'autre part, de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

4. Aux termes, d'autre part, de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes A... décisions qui concernent A... enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir et sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes A... décisions A... concernant.

5. Il ressort des pièces du dossier qu'à la date de la décision attaquée M. C... était présent depuis un peu plus de sept ans en France, faute notamment d'avoir déféré à une mesure d'éloignement prise à son encontre le 18 mars 2014 et dont il n'a pas obtenu l'annulation par la juridiction administrative. Il ne démontre pas d'insertion sociale suffisante par sa seule adhésion à La Croix-Rouge française en 2016 et ne justifie pas de perspectives sérieuses d'intégration professionnelle en se bornant à produire une attestation de réussite au diplôme d'ingénieur technicien en électricité obtenu en République démocratique du Congo en 2006/2007. S'il se prévaut d'une vie commune depuis septembre 2017 avec Mme D..., compatriote en situation régulière entrée en France récemment, en 2015, et dont il a eu deux enfants nés A... 30 janvier 2018 et 26 juin 2019, il n'est pas justifié que la cellule familiale ne pourrait se reconstituer en République démocratique du Congo, où M. C... n'est pas dépourvu d'attaches familiales, où il n'est pas démontré que A... enfants ne pourraient poursuivre ou entamer leur scolarité, ainsi qu'une prise en charge en orthophonie, et où l'existence d'un risque de persécutions n'est nullement démontré par A... deux convocations policières produites. Il n'est en particulier pas justifié que Mme D... aurait entretenu, avant l'intervention du refus de séjour en litige, de quelconques liens avec deux enfants issus d'une précédente union avec un compatriote reconnu réfugié statutaire en France et titulaire à ce titre d'une carte de résident délivrée en 2011, alors que seules une attestation très insuffisamment circonstanciée du père et des pièces postérieures à la décision en litige, concernant un seul des deux enfants, âgé de 16 ans, sont versées aux débats. Dans ces conditions, le refus de séjour opposé le 26 février 2020 à M. C... n'a pas porté d'atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, au regard des buts poursuivis par la mesure, et ne méconnaît pas davantage l'intérêt supérieur des enfants mineurs. A... moyens tirés de la méconnaissance des stipulations et dispositions précitées doivent, par suite, être écartés.

6. En second lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2 ".

7. Eu égard à l'ensemble de la situation personnelle et familiale précédemment décrite, le refus d'admettre exceptionnellement au séjour M. C..., sur le fondement de ces dispositions, ne procède d'aucune erreur manifeste d'appréciation.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

8. En premier lieu, M. C... reprend en appel, dans A... mêmes termes qu'en première instance, le moyen tiré de la violation du principe général du droit de l'Union européenne d'être entendu, qui ne peut qu'être regardé comme dirigé contre la seule mesure d'éloignement. Il y a lieu pour la cour d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinents retenus par A... premiers juges.

9. En deuxième lieu, eu égard à ce qui a été dit précédemment, le moyen tiré de l'illégalité du refus de séjour dirigé contre la mesure d'éloignement doit être écarté.

10. En troisième lieu, A... moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doivent, même en tenant compte des effets propres à la mesure d'éloignement, être éloignés pour A... motifs exposés au point 5 du présent arrêt.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

11. En premier lieu, eu égard à ce qui a été dit précédemment, le moyen tiré de l'illégalité du refus de séjour et de la mesure d'éloignement, dirigé contre la décision fixant le pays de destination, doit être écarté.

12. En second lieu, en se bornant à faire état de craintes non circonstanciées de persécution en cas de retour dans son pays d'origine et à produire deux convocations policières dépourvues de valeur probante quant à l'existence de menaces pesant sur lui, le requérant n'établit pas la réalité, l'actualité et le caractère personnel des risques qu'il estime encourir en cas de retour en République démocratique du Congo. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement serait intervenue en méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté ses demandes. Ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte doivent, par voie de conséquence, être rejetées.

Sur A... frais liés au litige :

14. A... dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse au conseil de M. C... la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans A... dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 10 novembre 2021, à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Dèche, présidente assesseure,

Mme Le Frapper, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 décembre 2021.

4

N° 21LY01062


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY01062
Date de la décision : 02/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Mathilde LE FRAPPER
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : SAIDI

Origine de la décision
Date de l'import : 14/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-12-02;21ly01062 ?
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