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30/11/2021 | FRANCE | N°21LY00087

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre, 30 novembre 2021, 21LY00087


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme D... E... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler l'arrêté du 3 août 2020 par lequel le préfet de la Haute-Loire l'a obligée à quitter le territoire français sans délai, a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office.

Par un jugement n° 2001352 du 1er octobre 2020, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif d

e Clermont-Ferrand a rejeté sa requête.

Procédure devant la B...

Par une requête, enre...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme D... E... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler l'arrêté du 3 août 2020 par lequel le préfet de la Haute-Loire l'a obligée à quitter le territoire français sans délai, a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office.

Par un jugement n° 2001352 du 1er octobre 2020, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa requête.

Procédure devant la B...

Par une requête, enregistrée le 9 janvier 2021, Mme E..., représentée par Me Laffont, demande à la B... :

1°) d'annuler ce jugement de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 1er octobre 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Haute-Loire du 3 août 2020 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Loire de lui délivrer un titre de séjour portant la mention vie privée et familiale dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt sous astreinte de 50 euros par jour de retard, et en tout état de cause de prononcer l'annulation de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français ;

4°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.

Elle soutient que :

- l'arrêté attaqué a été pris en méconnaissance de sa demande de régularisation et de titre de séjour déposée en novembre 2019 et méconnaît l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration;

Sur le refus de titre de séjour :

- il est entaché d'un défaut de motivation ;

- il est entaché d'une erreur de droit ;

- il méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- il est entaché d'un détournement de pouvoir ;

Sur l'obligation de quitter le territoire français sans délai :

- elle est entachée d'un défaut de motivation ;

- la décision est illégale par voie d'exception d'illégalité du refus de titre de séjour ;

Sur l'interdiction de retour sur le territoire français :

- la décision est illégale par voie d'exception d'illégalité du refus de titre de séjour ;

- elle est entachée d'un défaut de motivation ;

- elle est entachée d'une erreur de droit ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- elle est entachée d'un détournement de pouvoir.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 novembre 2021, le préfet de la Haute-Loire conclut au rejet de la requête.

Mme E... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale, par une décision du bureau d'aide juridictionnelle en date du 9 décembre 2020.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme F... C..., présidente-rapporteure ;

- les conclusions de M.Jean-Simon Laval, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme E..., ressortissante du Kosovo, née le 14 mars 1986, est entrée irrégulièrement en France le 24 septembre 2015, accompagnée de son époux et de ses deux enfants mineurs. A... B... nationale du droit d'asile a rejeté définitivement sa demande d'asile par une décision du 22 mai 2017. Le préfet de la Haute-Loire a pris un arrêté le 27 juillet 2017 par lequel il a refusé de délivrer un titre de séjour à Mme E..., l'a obligée à quitter le territoire français avec un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par jugement du 7 décembre 2017, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa requête à l'encontre de ces décisions. Mme E... n'a pas exécuté cette mesure d'éloignement. Par un arrêté du 3 août 2020, le préfet de la Haute-Loire a prononcé à son encontre une obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination, l'a interdite de retour sur le territoire français pour une durée d'un an, et l'a informée de son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen pour la même durée. Mme E... relève appel du jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 1er octobre 2020 qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ce dernier arrêté.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article R. 311-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicable : " Tout étranger, âgé de plus de dix-huit ans ou qui sollicite un titre de séjour en application de l'article L. 311-3, est tenu de se présenter, à Paris, à la préfecture de police et, dans les autres départements, à la préfecture ou à la sous-préfecture, pour y souscrire une demande de titre de séjour du type correspondant à la catégorie à laquelle il appartient. / Toutefois, le préfet peut prescrire que les demandes de titre de séjour soient déposées au commissariat de police ou, à défaut de commissariat, à la mairie de la résidence du requérant. / Le préfet peut également prescrire : / 1° Que les demandes de titre de séjour appartenant aux catégories qu'il détermine soient adressées par voie postale ; / 2° Que la demande de carte de séjour temporaire portant la mention " étudiant " soit déposée auprès des établissements d'enseignement ayant souscrit à cet effet une convention avec l'Etat./ Les documents justificatifs présentés par l'étranger à l'appui de sa demande de titre de séjour doivent être accompagnés, le cas échéant, de leur traduction en français par un traducteur interprète agréé. / Par dérogation au premier alinéa, l'étranger résidant hors de France qui sollicite le titre de séjour prévu à l'article L. 317-1 ou son renouvellement peut déposer sa demande auprès de la représentation consulaire française dans son pays de résidence, qui transmet sa demande au préfet territorialement compétent. ".

3. Mme E... soutient que le courrier en date du 26 novembre 2019, adressé au préfet de la Haute-Loire par un comité de soutien de la famille E..., est une demande de titre de séjour. Outre le fait que ce courrier ne formule aucune demande, mais décrit simplement les conditions de vie de cette famille, il est constant que ce courrier a été présenté par un tiers et que la requérante n'allègue même pas qu'elle aurait présenté une autre demande de titre de séjour. Si elle a été entendue par les services compétents dans le cadre de l'instruction personnelle que le préfet doit conduire en vue d'une décision d'obligation de quitter le territoire, elle n'allègue pas non plus avoir déposé une demande de titre de séjour à cette occasion alors qu'en application des dispositions précitées le demandeur doit se présenter personnellement à la préfecture afin de déposer une demande de titre de séjour. Ainsi tous les moyens relatifs à ce prétendu refus de titre de séjour sont inopérants et le jugement ne comporte aucune irrégularité.

Sur le bien-fondé des décisions en litige :

4. Il y a lieu d'adopter les motifs par lesquels la première juge a écarté les moyens, dirigés contre la décision d'obligation de quitter le territoire français sans délai, tirés de l'exception d'illégalité du refus de titre de séjour et de l'insuffisance de motivation.

5. Mme E... reprend également en appel ses moyens selon lesquels la décision d'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an est insuffisamment motivée, est entachée d'une erreur de droit et d'un détournement de pouvoir. Ces moyens ont été écartés à bon droit par le jugement attaqué, dont il y a lieu d'adopter les motifs.

6. Mme E... soutient aussi que la décision d'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an est illégale du fait de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour. Il résulte de ce qui a été dit précédemment que ce moyen doit être écarté.

7. Aux termes de l'article 8 la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

8. Il ressort des pièces du dossier que Mme E..., qui s'est maintenue sur le territoire français après le rejet de sa demande d'asile et en dépit d'une mesure d'éloignement prise à son encontre le 27 juillet 2017, fait valoir qu'elle est en France depuis 2015 avec son époux de même nationalité et ses deux enfants qui sont scolarisés, qu'elle démontre par les pièces qu'elle produit son intégration, que son époux est bénéficiaire d'une promesse d'embauche et, par des pièces nouvelles en appel, que des membres de sa famille sont régulièrement présents sur le territoire français. Toutefois ces dernières pièces ne permettent pas d'établir son lien de parenté avec les personnes dont elle produit les titres de séjour. De même les nombreuses attestations produites, portant toute sur la période postérieure à sa première obligation de quitter le territoire, ne permettent pas d'établir la stabilité dans la durée de son intégration dans la société française et une simple promesse d'embauche n'atteste pas une insertion par le travail. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que la cellule familiale avec son époux de même nationalité, qui fait aussi l'objet d'une décision d'éloignement, et ses enfants ne pourrait se reconstituer dans un autre pays. Ainsi alors que Mme E... a vécu la majorité de sa vie au Kosovo où résident encore d'autres membres de sa famille, et compte tenu des conditions de séjour en France de l'intéressée, la décision d'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an ne porte pas à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni n'est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.

9. Il résulte de ce qui précède que Mme E... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

10. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions dirigées contre l'arrêté du 3 août 2020, n'appelle aucune mesure d'exécution. Les conclusions de Mme E... tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Haute-Loire de lui délivrer un titre de séjour ne peuvent dès lors qu'être rejetées.

Sur les frais d'instance :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il en soit fait application à l'encontre de l'Etat, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... E... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Loire.

Délibéré après l'audience du 9 novembre 2021 à laquelle siégeaient :

Mme F... C..., présidente-rapporteure,

M. Thierry Besse, président-assesseur,

Mme Christine Psilakis, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 novembre 2021.

5

N° 21LY00087


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21LY00087
Date de la décision : 30/11/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme DEAL
Rapporteur ?: Mme Daniele DEAL
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : LAFFONT

Origine de la décision
Date de l'import : 14/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-11-30;21ly00087 ?
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