Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 19 octobre 2020 du préfet de la Haute-Savoie portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et désignation du pays de renvoi et d'enjoindre au préfet de la Haute-Savoie de lui délivrer un titre de séjour portant la mention "salarié".
Par un jugement n° 2006818 du 9 février 2021, ce tribunal a fait droit à sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 1er mars 2021, le préfet de la Haute-Savoie demande à la cour d'annuler ce jugement et de rejeter la demande présentée par M. A... devant le tribunal.
Il soutient qu'il n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation globale qu'il a portée sur la situation de M. A....
Par un mémoire en défense enregistré le 27 avril 2021 M. A..., représenté par Me Labarthe Azébazé, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 1 500 euros soit mise à la charge de l'État au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il fait valoir que :
- le préfet de la Haute-Savoie a commis une erreur manifeste dans l'appréciation globale qu'il a portée sur sa situation ;
- il a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par une décision du 30 juin 2021, M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le rapport de Mme Michel ayant été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Le préfet de la Haute-Savoie relève appel du jugement du 9 février 2021 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a, d'une part, annulé son arrêté pris le 19 octobre 2020 à l'encontre de M. B... A... et portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et désignation du pays de renvoi et, d'autre part, lui a enjoint de délivrer à M. A... un titre de séjour portant la mention "salarié" dans le délai de deux mois.
2. Aux termes de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur, dont les dispositions ont été reprises à l'article L. 435-3 de ce code : " À titre exceptionnel et sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 portant la mention " salarié " ou la mention " travailleur temporaire " peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Le respect de la condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigé ".
3. Lorsqu'il examine une demande d'admission exceptionnelle au séjour en qualité de " salarié" ou "travailleur temporaire", présentée sur le fondement de ces dispositions, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, qu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et dix-huit ans, qu'il justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle et que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public. Il lui revient ensuite, dans le cadre du large pouvoir dont il dispose, de porter une appréciation globale sur la situation de l'intéressé, au regard notamment du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Il appartient au juge administratif, saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation ainsi portée.
4. M. A..., ressortissant burkinabé qui est arrivé en France au mois de novembre 2017 à l'âge de 15 ans et a été pris en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance du conseil départemental de la Haute-Savoie jusqu'à sa majorité, a obtenu le 6 juillet 2020 le certificat d'aptitude professionnelle de plâtrier-plaquiste au terme de deux années de formation. S'il ressort des bulletins semestriels produits que son niveau professionnel était trop juste au terme de la première année de formation et que son investissement avait été irrégulier au cours de la seconde année de formation, le conseil de classe a émis un avis favorable à l'issue du dernier semestre de cette dernière année. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier, en particulier de l'attestation de l'équipe socio-éducative du foyer de jeunes travailleurs qui l'héberge depuis le 20 février 2020, que M. A... n'a plus de contacts épistolaires et téléphoniques avec sa famille, et notamment avec ses parents et son frère cadet, qui résident au Burkina-Faso. Par suite, au vu de l'ensemble de ces éléments, le préfet de la Haute-Savoie a commis une erreur manifeste d'appréciation en refusant de délivrer à M. A... un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que l'a justement jugé le tribunal administratif de Grenoble. Le préfet de la Haute-Savoie n'est dès lors pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé pour ce motif son arrêté du 19 octobre 2020. Sa requête doit donc être rejetée.
5. M. A... ayant obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros à verser à Me Labarthe Azébazé, avocate de M. A..., sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État à l'aide juridictionnelle.
DECIDE :
Article 1er : La requête du préfet de la Haute-Savoie est rejetée.
Article 2 : L'État versera à Me Labarthe Azébazé la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à M. B... A... et à Me Labarthe Azébazé.
Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Savoie.
Délibéré après l'audience du 4 novembre 2021, à laquelle siégeaient :
M. d'Hervé, président,
Mme Michel, présidente rapporteure,
Mme Duguit-Larcher, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 novembre 2021.
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N° 21LY00653