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18/11/2021 | FRANCE | N°21LY01930

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 18 novembre 2021, 21LY01930


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme H... G... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 3 février 2020 A... laquelle le préfet de l'Ain a refusé le renouvellement de sa carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale ".

A... un jugement n° 2002040 du 11 mai 2021, le tribunal administratif de Lyon a annulé cette décision et a enjoint au préfet de l'Ain de lui délivrer une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale ".

Procédure devant la cour :

A... une r

equête, enregistrée le 11 juin 2021, la préfète de l'Ain demande à la cour :

1°) d'annuler ce...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme H... G... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 3 février 2020 A... laquelle le préfet de l'Ain a refusé le renouvellement de sa carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale ".

A... un jugement n° 2002040 du 11 mai 2021, le tribunal administratif de Lyon a annulé cette décision et a enjoint au préfet de l'Ain de lui délivrer une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale ".

Procédure devant la cour :

A... une requête, enregistrée le 11 juin 2021, la préfète de l'Ain demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande présentée A... Mme G... devant le tribunal administratif de Lyon.

Elle soutient que :

Sur la régularité du jugement :

- le jugement est irrégulier en ce qu'il a omis de statuer sur un moyen qui n'était pas inopérant ;

Sur la légalité du refus de renouvellement du titre de séjour :

- le tribunal administratif a commis une erreur de droit dès lors qu'il n'est pas établi que le père de nationalité française qui a reconnu l'enfant de Mme G... contribue effectivement à son entretien et à son éducation depuis sa naissance ou depuis au moins deux ans conformément aux dispositions de l'alinéa 2 du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle sollicite qu'il soit procédé à une substitution de motif tiré du caractère frauduleux de la paternité du père de l'enfant ;

- la décision a été prise A... une autorité compétente ;

- la décision ne méconnaît ni l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; ni l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; ni le 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

A... des mémoires, enregistrés les 23 août et 8 septembre 2021, Mme G... épouse D... C..., représentée A... Me Hmaida, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 1 000 euros soit mis à la charge de l'Etat en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

Sur la substitution de motifs demandée A... l'administration :

- la fraude n'est pas établie ; l'autorité judiciaire est seule compétente pour remettre en cause une filiation ;

Sur la légalité de la décision critiquée :

- la filiation est établie ; la décision est entachée d'une erreur de droit dès lors qu'elle est l'auteur de la reconnaissance ;

- la décision méconnaît le 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; l'article 24 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle ;

- le code de justice administrative ;

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir été entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Caraës, première conseillère,

- et les observations de Me Hmaida, représentant Mme G... épouse D... C... ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme H... G... épouse D... C..., ressortissante congolaise née le 26 mars 1984, est entrée en France en août 2013 selon ses déclarations. De septembre 2015 à septembre 2019, l'intéressée a bénéficié de titres de séjour en qualité de parent d'un enfant français. Le 13 septembre 2019, elle a sollicité le renouvellement de son titre de séjour. A... une décision du 3 février 2020, le préfet de l'Ain a rejeté sa demande. A... un jugement du 11 mai 2021, dont la préfète de l'Ain relève appel, le tribunal administratif de Lyon a annulé la décision du 3 février 2020 et a enjoint au préfet de l'Ain de lui délivrer une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale ".

Sur le motif d'annulation retenu A... le tribunal administratif :

2. Aux termes de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale (...) ".

3. Pour annuler le refus de renouvellement du titre de séjour en litige, le tribunal administratif, après avoir relevé que Mme G... vit régulièrement en France depuis 2015 en qualité de parent d'enfant français et qu'elle est la mère de quatre enfants dont E..., ressortissant français né le 19 octobre 2013, a estimé que le préfet de l'Ain avait méconnu l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant compte tenu de ce que l'enfant E..., âgée de six ans à la date de la décision critiquée et scolarisé en classe de CP, bénéficiait d'un suivi A... un service d'éducation spécialisée et de soins à domicile et de l'accompagnement en classe d'une assistance de vie scolaire pour une durée de neuf heures et avait toujours vécu sur le territoire national.

4. S'il ressort des pièces du dossier que E..., scolarisé en école primaire à la date de la décision attaquée, bénéficie d'un accompagnement A... un service d'éducation spécialisée et de soins à domicile ainsi que d'une aide humaine pour les élèves handicapés en raison de difficultés de compréhension et d'expression accompagnées d'une faible capacité de concentration, Mme G... n'établit pas, d'une part, que le handicap de E... ne pourrait pas être pris en charge dans son pays d'origine et, d'autre part, que cet enfant entretient des relations avec son père en se bornant à produire une attestation peu circonstanciée du père et deux factures datant de 2016. Dans ces conditions, c'est à tort que le tribunal administratif de Lyon a estimé que le refus de renouvellement de titre de séjour méconnaissait l'intérêt supérieur de l'enfant garanti A... l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

5. Toutefois, il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige A... l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés A... Mme G... devant le tribunal administratif et la cour.

Sur la légalité du refus de renouvellement de titre de séjour :

6. A... un arrêté du 5 novembre, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture le 6 novembre 2019, le préfet de l'Ain a accordé une délégation de signature à M. B..., directeur de la citoyenneté et de l'intégration, à l'effet de signer tout acte ou courrier refusant la délivrance d'un titre de séjour. A... suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte attaqué ne peut qu'être écarté.

7. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable, " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues A... l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée ; / Lorsque la filiation est établie à l'égard d'un parent, en application de l'article 316 du code civil, le demandeur, s'il n'est pas l'auteur de la reconnaissance de paternité ou de maternité, justifie que ce dernier contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant, dans les conditions prévues à l'article 371-2 du même code, ou produit une décision de justice relative à la contribution à l'éducation et à l'entretien de l'enfant. Lorsque le lien de filiation est établi mais que la preuve de la contribution n'est pas rapportée ou qu'aucune décision de justice n'est intervenue, le droit au séjour du demandeur s'apprécie au regard du respect de sa vie privée et familiale et au regard de l'intérêt supérieur de l'enfant ". Il résulte de ces dispositions que la délivrance d'un titre de séjour est subordonnée à ce que l'auteur de la reconnaissance, lorsqu'il n'est pas le postulant au séjour, contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant.

8. Aux termes de l'article 316 du code civil, dans sa rédaction applicable : " Lorsque la filiation n'est pas établie dans les conditions prévues à la section I du présent chapitre, elle peut l'être A... une reconnaissance de paternité ou de maternité, faite avant ou après la naissance. / La reconnaissance n'établit la filiation qu'à l'égard de son auteur. / Elle est faite dans l'acte de naissance, A... acte reçu A... l'officier de l'état civil ou A... tout autre acte authentique. L'acte comporte les énonciations prévues à l'article 62 et la mention que l'auteur de la reconnaissance a été informé du caractère divisible du lien de filiation ainsi établi. "

9. Pour refuser le renouvellement du titre de séjour de Mme G... en qualité de mère d'un enfant français, le préfet de l'Ain a relevé, A... la décision contestée, qu'en méconnaissance du second alinéa du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicable aux demandes déposées postérieurement au 1er mars 2019 comme en l'espèce, Mme G... ne justifiait pas que M. F..., père de l'enfant E..., contribuait effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues à l'article 371-2 du code civil.

10. Il ressort des pièces du dossier que l'acte de naissance de l'enfant E... né le 19 octobre 2013 porte les mentions suivantes " père : nom : F... Prénom : Jules (...) - Evènements relatifs à la filiation (antérieurs à l'établissement du présent acte) (...) " reconnu A... les père et mère le vingt-sept septembre deux mil treize à la mairie du Culoz ". A... suite, le père de l'enfant, qui n'est pas le demandeur du titre de séjour sollicité, a procédé à sa reconnaissance avant sa naissance. Il s'ensuit que Mme G... ne peut soutenir que la décision serait entachée d'une erreur de droit au motif qu'elle est également l'auteur de cette reconnaissance.

11. Ainsi qu'il a été indiqué au point 4, A... la production d'une attestation peu circonstanciée du père de l'enfant et de deux factures, ces documents datant tous de 2016, Mme G... n'établit pas la contribution effective et personnelle de M. F... à l'entretien et à l'éducation de E... peu important la circonstance que Mme G... établisse pourvoir à l'entretien et l'éducation de son fils. A... suite, et sans qu'il soit besoin de procéder à la substitution de motif demandée, le préfet de l'Ain n'a pas fait une inexacte applications du 2ème alinéa du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour refuser de renouveler le titre de séjour de Mme G....

12. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue A... la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

13. Mme G... fait valoir qu'elle réside en France régulièrement depuis 2015, qu'elle est la mère de quatre enfants mineurs dont un de nationalité française et qu'elle travaille. Toutefois, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne garantit pas à l'étranger le droit de choisir le lieu le plus approprié pour développer sa vie privée et familiale. Il ressort des pièces du dossier que Mme G... ne réside de manière régulière en France que depuis 2015 avec E... et ses trois autres enfants, nés le 5 mai 2003, le 29 mars 2015 et le 17 juin 2018, et qu'elle s'est mariée en 2017 avec un compatriote en situation irrégulière. Aucune raison ne s'oppose à ce que la cellule familiale se reconstitue en République démocratique du Congo et ce alors que l'intéressée n'établit pas être dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine et que le père de E... contribuerait à son éducation et à son entretien. A... suite, nonobstant la circonstance qu'elle travaille, la décision attaquée n'a pas porté au droit de Mme G... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée A... rapport à ses motifs et n'a ainsi pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

14. Mme G... ne peut utilement invoquer le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 24 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne à l'encontre de la décision de refus de renouvellement de son titre de séjour, laquelle n'a pas pour objet de mettre en œuvre le droit de l'Union au sens de l'article 51 de cette charte.

15. Il résulte de ce qui précède que la préfète de l'Ain est fondée à soutenir que c'est à tort que, A... le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a annulé le refus de renouvellement du titre de séjour de Mme G... et lui a enjoint de délivrer à Mme G... une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". En conséquence, le jugement du 11 mai 2021 du tribunal administratif de Lyon doit être annulé. La demande d'annulation présentée A... Mme G... devant le tribunal administratif et dirigée contre cette décision doit être rejetée.

Sur les frais liés au litige :

16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'État, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande le conseil de Mme G... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 11 mai 2021 du tribunal administratif de Lyon est annulé.

Article 2 : La demande présentée A... Mme G... devant le tribunal administratif de Lyon ainsi que ses conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative en appel sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme H... G... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée à la préfète de l'Ain.

Délibéré après l'audience du 18 octobre 2021, à laquelle siégeaient :

Mme Evrard, présidente de la formation de jugement,

Mme Caraës, première conseillère,

Mme Lesieux, première conseillère.

Rendu public A... mise à disposition au greffe le 18 novembre 2021.

6

N° 21LY01930


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY01930
Date de la décision : 18/11/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: Mme Rozenn CARAËS
Rapporteur public ?: Mme VINET
Avocat(s) : HMAIDA

Origine de la décision
Date de l'import : 30/11/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-11-18;21ly01930 ?
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