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18/11/2021 | FRANCE | N°20LY03769

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 7ème chambre, 18 novembre 2021, 20LY03769


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B... D... épouse C... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 15 juillet 2020 A... lequel le préfet du Rhône a décidé de sa remise aux autorités polonaises, responsables de sa demande d'asile, le cas échéant, après avoir sursis à statuer et renvoyé à la Cour de justice de l'Union européenne, sur le fondement de l'article 267 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne une question préjudicielle portant sur le respect A... la Pologne de l'article 47 de la char

te des droits fondamentaux de l'Union européenne et de l'article 2 du Traité sur ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B... D... épouse C... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 15 juillet 2020 A... lequel le préfet du Rhône a décidé de sa remise aux autorités polonaises, responsables de sa demande d'asile, le cas échéant, après avoir sursis à statuer et renvoyé à la Cour de justice de l'Union européenne, sur le fondement de l'article 267 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne une question préjudicielle portant sur le respect A... la Pologne de l'article 47 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et de l'article 2 du Traité sur l'Union européenne, au regard des dispositions du règlement n° 604/2013.

A... jugement nos 2005120, 2005124 du 10 août 2020, la magistrate désignée A... la présidente du tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

A... une requête enregistrée le 18 décembre 2020 et des mémoires enregistrés le 29 janvier (non communiqué) et le 17 mars 2021, présentés pour Mme C..., il est demandé à la cour :

1°) d'annuler ce jugement nos 2005120, 2005124 du 10 août 2020 ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision susmentionnée, le cas échéant, après avoir sursis à statuer et renvoyé à la Cour de justice de l'Union européenne, sur le fondement de l'article 267 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, une question préjudicielle portant sur le respect A... la Pologne de l'article 47 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et de l'article 2 du Traité sur l'Union européenne, au regard des dispositions du règlement n° 604/2013 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône d'enregistrer sa demande d'asile dans un délai de deux semaines à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros A... jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État le paiement d'une somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- la décision est insuffisamment motivée ;

- la décision de transfert méconnaît l'article 47 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne dès lors que sa demande d'asile ne sera pas correctement examinée en Pologne et qu'elle ne pourra bénéficier du droit à un recours effectif en raison des atteintes à l'État de droit créées A... plusieurs réformes du système judiciaire dans ce pays, qui remettent en cause l'indépendance de la justice, et sur lesquelles la Cour de justice de l'Union européenne a déjà été amenée à se prononcer ;

- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article 17 du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et de l'article L. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, eu égard à l'état de santé de l'un de ses enfants.

A... mémoires enregistrés le 26 janvier et le 16 février 2021, le préfet du Rhône conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés A... la requérante n'est fondé et indique que cette dernière ne s'étant pas présentée pour un vol commercial à destination de la Pologne prévu le 4 février 2021, sans avoir fourni d'élément justificatif, elle a été considérée comme étant en fuite.

Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale A... décision du 18 novembre 2020 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Lyon (section administrative d'appel).

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- le règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 modifié A... le règlement (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres A... un ressortissant de pays tiers ou un apatride ;

- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relatif à la création d'Eurodac pour la comparaison des empreintes digitales aux fins de l'application efficace du règlement (UE) n° 604/2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Seillet, président assesseur ;

- et les observations de Me Bouillet, pour Mme C... ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... D... épouse C..., de nationalité arménienne, née le 23 novembre 1993 à Vardenut (Arménie), entrée en France le 24 décembre 2019, selon ses déclarations, avec son époux et leurs enfants mineurs, a déposé une demande d'asile enregistrée à la préfecture du Rhône le 20 janvier 2020. La comparaison de ses empreintes digitales avec celles enregistrées dans le fichier européen Vis a révélé que Mme C... était titulaire d'un visa délivré A... les autorités polonaises, valable du 22 décembre 2019 au 20 janvier 2020, qui lui avait permis de pénétrer sur le territoire des États membres via la Pologne. Les autorités polonaises, saisies d'une demande de prise en charge de Mme C... le 24 mars 2020, ont fait connaître leur accord explicite pour sa réadmission le 15 avril 2020. A... un arrêté du 15 juillet 2020, le préfet du Rhône a ordonné son transfert aux autorités polonaises, responsables de sa demande d'asile. Mme C..., qui a depuis été déclarée en fuite en raison de son absence non justifiée alors qu'elle était convoquée pour un vol commercial à destination de la Pologne prévu le 4 février 2021, relève appel du jugement du 10 août 2020 A... lequel la magistrate désignée A... la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision du préfet du Rhône du 15 juillet 2020.

2. En premier lieu, aux termes des dispositions alors codifiées à l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve du second alinéa de l'article L. 742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre État peut faire l'objet d'un transfert vers l'État responsable de cet examen. / Toute décision de transfert fait l'objet d'une décision écrite motivée prise A... l'autorité administrative (...) ".

3. En application des dispositions alors codifiées à l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision de transfert dont fait l'objet un ressortissant de pays tiers qui a déposé auprès des autorités françaises une demande d'asile dont l'examen relève d'un autre État membre ayant accepté de le prendre ou de le reprendre en charge doit être motivée, c'est-à-dire qu'elle doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement.

4. Pour l'application de ces dispositions, est suffisamment motivée une décision de transfert qui mentionne le règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et comprend l'indication des éléments de fait sur lesquels l'autorité administrative se fonde pour estimer que l'examen de la demande présentée devant elle relève de la responsabilité d'un autre État membre, une telle motivation permettant d'identifier le critère du règlement communautaire dont il est fait application.

5. La décision de transfert en litige vise le règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 et notamment son article 12. Elle indique que la consultation du fichier européen Vis a révélé que Mme C... était titulaire d'un visa délivré A... les autorités polonaises, valable du 22 décembre 2019 au 20 janvier 2020, qui lui avait permis de pénétrer sur le territoire des États membres via la Pologne et que les autorités de ce pays, saisies le 24 mars 2020 sur le fondement de l'article 12 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, ont donné leur accord explicite à sa prise en charge le 15 avril 2020. Ces énonciations ont mis l'intéressée à même de comprendre les motifs de la décision pour lui permettre d'exercer utilement un recours. Dès lors, la décision litigieuse, qui mentionne également la situation familiale de l'intéressée et l'acceptation A... les autorités polonaises de la demande de prise en charge de son époux, également demandeur d'asile, est suffisamment motivée au regard des exigences qu'imposent les dispositions de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et comporte la base légale sur laquelle elle est fondée.

6. En deuxième lieu, d'une part, aux termes du 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " (...) Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entrainent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable ". Aux termes de l'article 17 du même règlement : " A... dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée A... un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ". L'article L. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, devenu les articles L. 571-1 et L. 573-1, dans sa rédaction applicable au litige, dispose que : " Lorsque l'autorité administrative estime que l'examen d'une demande d'asile relève de la compétence d'un autre État qu'elle entend requérir, l'étranger bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la fin de la procédure de détermination de l'État responsable de l'examen de sa demande et, le cas échéant, jusqu'à son transfert effectif à destination de cet État. L'attestation délivrée en application de l'article L. 741-1 mentionne la procédure dont il fait l'objet. Elle est renouvelable durant la procédure de détermination de l'État responsable et, le cas échéant, jusqu'à son transfert effectif à destination de cet État. Le présent article ne fait pas obstacle au droit souverain de l'État d'accorder l'asile à toute personne dont l'examen de la demande relève de la compétence d'un autre État ".

7. Ces dispositions doivent être appliquées dans le respect des droits garantis A... la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

8. A... ailleurs, eu égard au niveau de protection des libertés et des droits fondamentaux dans les États membres de l'Union européenne, lorsque la demande de protection internationale a été introduite dans un État autre que la France, que cet État a accepté de prendre ou de reprendre en charge le demandeur et en l'absence de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, les craintes dont le demandeur fait état quant au défaut de protection dans cet État membre doivent en principe être présumées non fondées, sauf à ce que l'intéressé apporte, A... tout moyen, la preuve contraire.

9. Si Mme C... soutient que la décision de transfert méconnaît l'article 47 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne prévoyant le droit à un recours effectif, dès lors que sa demande d'asile ne sera pas correctement examinée en Pologne et qu'elle ne pourra bénéficier du droit à un recours effectif en raison des atteintes à l'État de droit créées A... plusieurs réformes du système judiciaire dans ce pays, qui remettent en cause l'indépendance de la justice, les décisions de la Cour de justice de l'Union européenne qu'elle invoque, portant sur la question spécifique du mandat d'arrêt européen, rappelant le droit au recours effectif contre une décision de transfert, et non contre une demande d'asile, prévu à l'article 27 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ainsi qu'une décision de la Cour européenne des droits de l'homme condamnant la Pologne pour avoir refusé le dépôt de demandes d'asile à sa frontière, pas plus qu'aucun autre élément du dossier, ne sont pas de nature à démontrer de sérieuses raisons de croire qu'il existe en Pologne, dont les autorités avaient au demeurant délivré à Mme C... le visa d'entrée qu'elle avait sollicité, des défaillances systémiques dans le traitement des demandeurs d'asile que les autorités de ce pays ont accepté de prendre ou de reprendre en charge lorsqu'elles en ont été requises A... les autorités d'un autre État membre.

10. D'autre part, la requérante fait valoir que l'un de ses enfants est atteint d'une malformation de l'œsophage depuis sa naissance et qu'il doit être soigné en France. Toutefois, il ne ressort pas des pièces des dossiers que cet enfant, qui avait bénéficié auparavant d'un suivi en Arménie où il avait été opéré, ne pourrait pas bénéficier en Pologne de soins adaptés, dans des conditions appropriées. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier tant de première instance que d'appel, que la pathologie dont est atteint cet enfant ferait obstacle à son déplacement vers la Pologne.

11. A... suite, le moyen tiré de ce que la décision litigieuse serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ne peut qu'être écarté.

12. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle en application de l'article 267 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, A... le jugement attaqué, la magistrate désignée A... la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, A... voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et aux fins de mise à la charge de l'État d'une somme au titre des frais du litige.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... D... épouse C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 21 octobre 2021 à laquelle siégeaient :

M. Arbarétaz, président de chambre ;

M. Seillet, président assesseur ;

Mme Burnichon, première conseillère.

Rendu public A... mise à disposition au greffe le 18 novembre 2021.

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N° 20LY03769


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY03769
Date de la décision : 18/11/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

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Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: M. Philippe SEILLET
Rapporteur public ?: M. CHASSAGNE
Avocat(s) : BOUILLET

Origine de la décision
Date de l'import : 30/11/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-11-18;20ly03769 ?
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