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18/11/2021 | FRANCE | N°20LY03704

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 18 novembre 2021, 20LY03704


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 20 mai 2020 par lequel le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2004251 du 18 août 2020, le magistrat désigné du tribunal administratif de Grenoble a renvoyé devant une formation collégiale du tribunal les conclusions de M. B... tendant à l'annulation de l'ar

rêté du 20 mai 2020 en tant qu'il lui refuse la délivrance d'un titre de séjour et a rej...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 20 mai 2020 par lequel le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2004251 du 18 août 2020, le magistrat désigné du tribunal administratif de Grenoble a renvoyé devant une formation collégiale du tribunal les conclusions de M. B... tendant à l'annulation de l'arrêté du 20 mai 2020 en tant qu'il lui refuse la délivrance d'un titre de séjour et a rejeté les conclusions de sa demande dirigées contre les décisions contenues dans ce même arrêté portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination.

Par un jugement n° 2004251 du 29 octobre 2020, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté le surplus des conclusions de la demande de M. B....

Procédure devant la cour

I°) Par une requête, enregistrée le 17 décembre 2020 sous le n° 20LY03704, M. B..., représenté par Me Vigneron, demande à la cour :

1°) d'annuler ces jugements ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Isère du 20 mai 2020 ;

3°) d'enjoindre au préfet, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois sous astreinte de 200 euros par jour de retard, à titre subsidiaire de réexaminer sa situation, dans le même délai et sous la même astreinte et dans tous les cas, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail dans le délai de deux jours, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros hors taxe, à verser à son conseil, sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- les jugements sont irréguliers ; le tribunal ne s'est pas prononcé sur le moyen tiré de ce qu'il ne bénéficie pas d'un accès effectif aux soins dans son pays d'origine ;

- la décision portant refus de titre de séjour a été signée par une autorité incompétente ;

- la décision portant refus de titre de séjour a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière ; l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) du 13 décembre 2019 n'est pas signé de sorte que les prescriptions de l'article R. 4127-76 du code de la santé publique n'ont pas été respectées ; le préfet ne justifie pas de la composition régulière du collège ; cet avis n'est pas motivé ce qui le prive de pouvoir contester utilement l'appréciation médicale portée sur sa situation et ce d'autant que le rapport médical sur la base duquel l'avis a été émis n'est pas produit au débat ; le collège des médecins de l'OFII n'a pas respecté le délai de trois mois prévu par l'article R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; l'avis est par ailleurs trop ancien à la date de la décision en litige ; il ne mentionne pas sa capacité de voyager sans risque ;

- le préfet a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation dans l'application du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; il a également méconnu les articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; les pièces qu'il produit ne sont pas suffisantes pour établir l'accès effectif aux soins ;

- la décision l'obligeant à quitter le territoire français devra être annulée par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;

- elle a été signée par une autorité incompétente ;

- elle méconnaît le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen sérieux de sa situation avant de lui opposer cette mesure d'éloignement ; il a commis une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle et a méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision fixant le pays de destination devra être annulée par voie de conséquence de l'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle et méconnaît les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

II°) Par une requête, enregistrée le 8 février 2021 sous le n° 21LY00390, M. B..., représenté par Me Vigneron, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 29 octobre 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Isère du 20 mai 2020 ;

3°) d'enjoindre au préfet, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois sous astreinte de 200 euros par jour de retard, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation, dans le même délai et sous la même astreinte et dans tous les cas, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail dans le délai de deux jours, sous astreinte de 200 euros par jour de retard.

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros hors taxe, à verser à son conseil, sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il reprend à l'appui de ces conclusions les mêmes moyens que ceux développés dans la requête n° 20LY03704 ;

Les requêtes ont été communiquées au préfet de l'Isère qui n'a pas produit de mémoire en défense.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par des décisions du 25 novembre 2020 et du 13 janvier 2021.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre l'administration et le public ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de Mme Lesieux, première conseillère, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant géorgien né en 1975, est entré en France le 5 mai 2019. Il a, parallèlement à sa demande d'asile, rejetée en dernier lieu le 29 janvier 2020 par la Cour nationale du droit d'asile, sollicité la délivrance d'un titre de séjour en faisant valoir son état de santé. Par un arrêté du 20 mai 2020, le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par un jugement du 18 août 2020, le magistrat désigné du tribunal administratif de Grenoble a renvoyé devant une formation collégiale du tribunal les conclusions de M. B... tendant à l'annulation cet arrêté en tant qu'il lui refuse la délivrance d'un titre de séjour et a rejeté les conclusions de sa demande dirigées contre les décisions contenues dans ce même arrêté portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination. Par un jugement du 29 octobre 2020, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté le surplus des conclusions de sa demande. M. B... relève appel de ces deux jugements.

2. Les requêtes, enregistrées sous les nos 20LY03704 et 21LY00390 concernent la situation d'une même personne au regard de son droit au séjour en France et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.

Sur la régularité des jugements :

3. Pour contester devant le tribunal administratif la légalité de l'arrêté du 20 mai 2020 en tant qu'il lui refuse la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur, M. B... soutenait qu'il n'existe pas de traitement approprié à son état de santé effectivement accessible en Géorgie et que le préfet de l'Isère avait donc entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation. Il ressort des mentions des jugements attaqués, en particulier leur point 7 respectif, que le magistrat désigné et le tribunal administratif de Grenoble, qui n'étaient pas tenus de répondre à l'ensemble des arguments avancés par le requérant, n'ont pas omis de répondre à ce moyen et n'ont donc pas entaché leur jugement d'une irrégularité.

Sur le moyen commun invoqué à l'encontre des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français :

4. Les décisions contestées ont été signées par M. Philippe Portal, secrétaire général de la préfecture de l'Isère, qui disposait d'une délégation de signature à cet effet, consentie par arrêté préfectoral du 10 février 2020, régulièrement publié au recueil des actes administratifs du 13 février suivant. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire, qui manque en fait, doit être écarté.

Sur le refus de titre de séjour :

5. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ".

6. L'article R. 313-22 du même code dispose que : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé (...) ". Selon l'article R. 313-23 de ce code : " Le rapport médical mentionné à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement le demandeur ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa de l'article R. 313-22 (...) Il transmet son rapport médical au collège de médecins. / Sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le service médical de l'office informe le préfet qu'il a transmis au collège de médecins le rapport médical (...) Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège (...) L'avis est rendu par le collège dans un délai de trois mois à compter de la transmission du certificat médical. (...) L'avis est transmis au préfet territorialement compétent, sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ".

7. L'article 3 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose : " Au vu du certificat médical et des pièces qui l'accompagnent ainsi que des éléments qu'il a recueillis au cours de son examen éventuel, le médecin de l'office établit un rapport médical, conformément au modèle figurant à l'annexe B du présent arrêté ". L'article 6 de ce même arrêté prévoit : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant : / a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; / b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé / c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; / d) la durée prévisible du traitement. / Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. / Cet avis mentionne les éléments de procédure (...) ".

8. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que l'avis du 13 décembre 2019 sur l'état de santé de M. B... a été émis par un collège de trois médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) désignés par une décision du directeur général de cet office du 18 novembre 2019. Cet avis, qui porte la signature de ces auteurs, a été émis au vu du rapport médical établi le 28 novembre 2019 et transmis au collège des médecins le 1er décembre suivant. Contrairement aux allégations de M. B..., l'article R. 313-23 précité ne prévoit la transmission du rapport médical qu'au seul collège des médecins de l'OFII. Il n'appartenait donc pas au préfet de produire ce rapport à l'instance. Par ailleurs, si l'appelant soutient que l'avis du 13 décembre 2019 est insuffisamment motivé, il a été établi conformément au modèle prévu à l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 précité et précise que l'état de santé de l'intéressé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié et que son état de santé lui permet de voyager sans risque vers son pays d'origine. Il ne ressort pas des pièces du dossier que cet avis n'aurait pas pris en compte l'ensemble des pathologies dont souffre l'intéressé. Enfin, s'il ressort des pièces du dossier que M. B... a déposé sa demande de titre de séjour le 27 août 2019, il n'établit pas que l'avis du collège des médecins de l'OFII, émis le 13 décembre 2019, n'a pas été rendu dans le délai de trois mois à compter de la transmission du certificat médical visé par l'article R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont il ne justifie ni de la date d'envoi, ni de la date de réception par l'OFII. Il n'établit pas davantage qu'entre la date de cet avis et l'édiction de la décision portant refus de titre de séjour, son état de santé aurait évolué d'une manière telle que la saisine du collège des médecins de l'OFII par le préfet s'imposait avant l'édiction de la décision de refus de titre de séjour. Le moyen tiré de ce que cette décision a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière ne peut donc qu'être écarté.

9. En deuxième lieu, il résulte des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur, que lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans le pays dont l'étranger est originaire et que si ce dernier y a effectivement accès. Toutefois, en vertu des règles gouvernant l'administration de la preuve devant le juge administratif, la partie qui justifie de l'avis d'un collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié et effectivement accessible dans le pays de renvoi.

10. M. B... soutient qu'il est atteint d'infection par le VIH, d'hépatites B et C et qu'il souffre d'addictions aux opiacés nécessitant la prescription d'un traitement de substitution tel que la méthadone. Alors que la décision en litige a été prise par le préfet de l'Isère au vu de l'avis du collège des médecins de l'OFII selon lequel l'intéressé peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine, l'appelant se borne à soutenir que les pièces produites par le préfet de l'Isère en première instance ne sont pas suffisamment probantes, que le traitement contre le VIH dont il bénéficiait dans son pays d'origine n'était pas adapté, que pour avoir accès aux soins en Géorgie, il convient de faire une demande de prise en charge dont l'instruction dure environ deux mois et qu'il existe ainsi un risque de rupture de soins. Ces seules affirmations ne permettent pas de remettre en cause l'appréciation portée par le préfet de l'Isère, au vu de l'avis émis par le collège des médecins de l'OFII, selon laquelle l'intéressé peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié en Géorgie. Le moyen tiré de ce qu'il aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation dans la mise en œuvre des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit donc être écarté.

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

11. En premier lieu, il résulte de l'examen de la légalité du refus de titre de séjour qui lui a été opposé, que M. B... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de cette décision à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français.

12. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ".

13. Le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 10 du présent arrêt. Par ailleurs, l'intéressé n'établit pas qu'il ne pourrait pas voyager sans risque.

14. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier ni des termes de la décision contestée, que le préfet de l'Isère n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de M. B... avant de prendre à son encontre l'obligation de quitter le territoire français litigieuse.

15. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

16. Il ressort des pièces du dossier que M. B..., présent en France depuis un an à la date de la décision attaquée, a vécu jusqu'à l'âge de quarante-cinq ans dans son pays d'origine où résident son épouse et ses deux enfants majeurs. Par suite, et alors que l'intéressé n'établit pas qu'il ne pourrait pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine, le préfet de l'Isère n'a pas, en prononçant à son encontre la mesure d'éloignement litigieuse, porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels cette décision a été prise. Il n'a ainsi pas méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

17. En dernier lieu, M. B... fait valoir qu'à la date de son édiction, il était dans l'impossibilité de respecter l'obligation de quitter le territoire français qui lui est faite dès lors que les frontières de l'espace aérien Géorgien étaient fermées et ce, jusqu'au 1er août 2020. Cette circonstance, qui est seulement de nature à faire temporairement obstacle à son exécution, est toutefois sans influence sur la légalité de la décision contestée. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet de l'Isère aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en l'obligeant à quitter le territoire français dès le 20 mai 2020 doit être écarté.

Sur la décision fixant le pays de destination :

18. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour et de celle l'obligeant à quitter le territoire français à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination.

19. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 16 du présent arrêt.

20. Aux termes de l'article 2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi. La mort ne peut être infligée à quiconque intentionnellement, sauf en exécution d'une sentence capitale prononcée par un tribunal au cas où le délit est puni de cette peine par la loi (...) ". Aux termes de l'article 3 de cette même convention : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

21. M. B..., qui n'établit pas qu'il ne pourrait pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé en Géorgie et dont la demande d'asile a été rejetée, en dernier lieu le 29 janvier 2020 par la Cour nationale du droit d'asile, n'est pas fondé à soutenir qu'un retour dans son pays d'origine l'exposerait à un traitement inhumain ou dégradant ni même à une mort certaine. Les moyens tirés de la méconnaissance des articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent donc être écartés.

22. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le magistrat désigné et le tribunal administratif de Grenoble ont rejeté ses demandes. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles présentées au titre des frais du litige doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Les requêtes nos 20LY03704 et 21LY00390 de M. B... sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 18 octobre 2021 à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président,

Mme Evrard, présidente-assesseure,

Mme Lesieux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 18 novembre 2021.

2

Nos 20LY03704, 21LY00390


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY03704
Date de la décision : 18/11/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: Mme Sophie LESIEUX
Rapporteur public ?: Mme VINET
Avocat(s) : VIGNERON

Origine de la décision
Date de l'import : 30/11/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-11-18;20ly03704 ?
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