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18/11/2021 | FRANCE | N°19LY02225

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 18 novembre 2021, 19LY02225


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

L'EURL BEC a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos le 30 novembre 2012.

Par un jugement n° 1702958 du 19 avril 2019, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 13 juin 2019, l'EURL Bec, représentée par Me Durrafourd, demande à la cour :

1°) d'annuler

ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge de cette imposition ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat u...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

L'EURL BEC a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos le 30 novembre 2012.

Par un jugement n° 1702958 du 19 avril 2019, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 13 juin 2019, l'EURL Bec, représentée par Me Durrafourd, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge de cette imposition ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle a acquis les parcelles 1033, 1040, 1035 et 1041 sur le territoire de la commune de Montauroux pour un prix de 300 000 euros mais la SCI Le Vilaron ayant refusé de lui céder la parcelle 1034 et de procéder à la démolition du bâtiment édifié sur les parcelles 1033 et 1034, la construction envisagée d'une maison individuelle s'est avérée impossible ; par ailleurs, le permis de construire accordé pour l'édification de cet immeuble est périmé ; dans ces conditions, la valeur vénale de son terrain à la date de la clôture de l'exercice 2012, évaluée à 22 000 euros, est inférieure au prix auquel elle l'a acheté ; en application du 3 de l'article 38 du code général des impôts, elle pouvait comptabiliser une provision pour dépréciation des stocks égale à la différence entre le coût de revient pour lequel ce bien était inscrit en stock et sa valeur vénale à la clôture de l'exercice clos en 2012 ;

- la circonstance qu'elle a pris un risque en achetant les parcelles en cause sans avoir la certitude que la SCI Le Vilaron lui céderait la parcelle 1034, utile au projet de construction pour lequel un permis de construire avait été délivré, est sans incidence sur la constatation de la perte de la valeur réelle du terrain.

Par un mémoire, enregistré le 4 novembre 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués par l'entreprise appelante ne sont pas fondés.

En application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, les parties ont été informées, par courrier du 24 septembre 2021, que l'arrêt est susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de la méconnaissance du champ d'application de la loi au motif que la provision constatée par l'EURL Bec se rapportant à une dépréciation de stock et non à une dépréciation des immobilisations, les dispositions de l'article 38 sexies de l'annexe III du code général des impôts, qui renvoient au 5° du 1 de l'article 39 de ce code, ne pouvaient fonder le rehaussement de la base d'imposition à l'impôt sur les sociétés en litige.

Le ministre de l'économie, des finances et de la relance a produit un mémoire en réponse à ce moyen d'ordre public, enregistré le 1er octobre 2021, par lequel il demande le maintien de l'imposition en litige sur le fondement des dispositions combinées du 5° du 1 de l'article 39 du code général des impôts, des 2 et 3 de l'article 38 de ce code et de l'article 38 decies de l'annexe III à ce code.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Lesieux, première conseillère,

- et les conclusions de Mme Vinet, rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit :

1. L'EURL Bec, qui exerce une activité de promotion immobilière et de marchand de biens, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos le 30 novembre des années 2011, 2012 et 2013, à l'issue de laquelle l'administration a notamment remis en cause la déduction d'une provision pour dépréciation de stock comptabilisée au titre de l'exercice clos en 2012, à hauteur de 299 319 euros. Par un jugement du 19 avril 2019, dont l'EURL Bec relève appel, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie, selon la procédure contradictoire, au titre de cet exercice.

2. Aux termes du 1 de l'article 39 du code général des impôts, applicable en matière d'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : (...) 5° Les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables, à condition qu'elles aient été effectivement constatées dans les écritures de l'exercice (...) ". Aux termes de l'article 38 sexies de l'annexe III à ce code : " La dépréciation des immobilisations qui ne se déprécient pas de manière irréversible, notamment les terrains (...) donne lieu à la constitution de provisions dans les conditions prévues au 5° du 1 de l'article 39 du code général des impôts ".

3. Il résulte de l'instruction que l'EURL Bec a, par acte du 28 août 2008, acquis des parcelles de terrain cadastrées A 1033, A 1035, A 1040 et A 1041 sur le territoire de la commune de Montauroux dans le Var, dans le cadre de son activité de marchand de biens et dans le but de les revendre, dans un délai de quatre ans, après y avoir édifié une maison individuelle. Le prix d'achat de ces parcelles, augmenté des coûts d'acquisition, a été inscrit en stock à l'actif de l'entreprise pour un montant de 309 319 euros. A la clôture de l'exercice 2012, l'EURL Bec a comptabilisé une provision pour dépréciation de son stock d'un montant de 299 319 euros. Pour justifier l'inscription en comptabilité de cette provision, l'EURL Bec expose que la réalisation de son projet de construction impliquait la cession, par la SCI Le Vilaron, de la parcelle A 1034 ainsi que le transfert du permis de construire délivré au gérant de cette dernière. La SCI Le Vilaron n'ayant pas donné suite à ses demandes en ce sens, formulées par courriers du 15 janvier 2011, et le permis de construire étant périmé depuis le 23 décembre 2011, la construction envisagée ne pouvait être édifiée. L'EURL Bec soutient également que sans l'accord de cette même SCI, elle ne pouvait procéder à la démolition de la vieille bâtisse située en partie sur la parcelle cadastrée A 1034 et que la superficie des autres parcelles dont elle est propriétaire étant inférieure à 5 000 m², elle ne pouvait envisager la construction d'aucun immeuble compte tenu des règles édictées par le plan local d'urbanisme de Montauroux.

4. Pour remettre en cause cette provision, l'administration fiscale a considéré que les éléments d'explication ainsi avancés par l'EURL Bec, ne pouvaient être regardés comme un " évènement en cours " au sens du 5° du 1 de l'article 39 du code général des impôts dans la mesure où, dès l'achat du terrain en 2008, l'EURL, qui n'était pas propriétaire de la parcelle cadastrée A 1034 ni attributaire du permis de construire, ne pouvait pas réaliser son projet immobilier. Elle s'est fondée sur les dispositions précitées de l'article 38 sexies de l'annexe III au code général des impôts applicables en matière de dépréciation des immobilisations ne se dépréciant pas de manière irréversible, qui renvoient à l'application du 5° du 1 de l'article 39 du même code, et ce alors qu'il est constant que la provision remise en cause a la nature d'une provision pour dépréciation de stock ainsi d'ailleurs que l'a indiqué l'administration dans la proposition de rectification du 5 mars 2015. Il s'en déduit que l'administration a méconnu le champ d'application des dispositions combinées précitées.

5. Toutefois, le ministre, qui est en droit à tout moment de la procédure contentieuse, pour justifier le bien-fondé d'une imposition, de substituer une base légale à celle qui a été primitivement invoquée, dès lors que cette substitution peut être faite sans priver le contribuable des garanties qui lui sont reconnues en matière de procédure d'imposition, demande que l'imposition de l'EURL BEC soit maintenue en application des dispositions combinées du 5° du 1 de l'article 39 du code général des impôts, des 2. et 3. de l'article 38 du code général des impôts et de l'article 38 decies de l'annexe III à ce code.

6. Aux termes de l'article 38 du code général des impôts : " (...) 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés (...) 3. Pour l'application des 1 et 2, les stocks sont évalués au prix de revient ou au cours du jour de la clôture de l'exercice, si ce cours est inférieur au prix de revient (...) ". Aux termes de l'article 38 decies de l'annexe III à ce code : " Si le cours du jour à la date de l'inventaire des marchandises, matières premières, matières et fournitures consommables, produits intermédiaires, produits finis et emballages commerciaux perdus en stock au jour de l'inventaire est inférieur au coût de revient défini à l'article 38 nonies, l'entreprise doit constituer, à due concurrence, des provisions pour dépréciation ".

7. En application de ces dispositions combinées à celles du 5° du 1 de l'article 39 du code général des impôts citées au point 2 du présent arrêt, lorsqu'une entreprise constate que l'ensemble des matières ou produits qu'elle possède en stock ou une catégorie d'entre eux a, à la date de la clôture de l'exercice, une valeur probable de réalisation inférieure au prix de revient, elle peut, à concurrence de l'écart constaté, soit opérer une décote, soit constituer une provision pour dépréciation. Une telle provision ne peut cependant être admise que si l'entreprise est en mesure de justifier de la réalité de cet écart et d'en déterminer le montant avec une approximation suffisante.

8. Il ressort des énonciations de la proposition de rectification du 5 mars 2015 que l'administration fiscale a également retenu, qu'en tout état de cause, l'entreprise devait être en mesure de justifier de cet écart et d'en déterminer le montant avec une approximation suffisante à partir d'éléments réels et qu'" un taux de plus de 96 % ne saurait être admis ". Par ailleurs, le ministre fait valoir, dans son mémoire enregistré le 4 novembre 2019 au greffe de la cour, que l'avis de valeur, produit en première instance par l'EURL Bec, ne constitue pas à cet égard une pièce suffisamment probante.

9. Il résulte en effet de l'instruction que pour justifier du montant de la provision en litige, initialement évalué à 10 000 euros, l'EURL Bec se borne à produire un " avis sur dossier " daté du 15 novembre 2015, soit plusieurs années après l'exercice en litige, établi par un expert judiciaire, selon lequel " la valeur vénale actuelle pour les terrains libres détenus en pleine propriété par la société BEC (...) pourrait s'établir à la somme principale de 22 000 euros ". Il en résulte que la société appelante, qui ne produit en appel aucune autre pièce justificative de la valeur probable de réalisation de son stock, n'apporte pas la preuve qui lui incombe de la réalité et du montant de la dépréciation des parcelles, dont elle a fait l'acquisition en 2008, à la date de la clôture de l'exercice 2012. Par suite, la demande de substitution de base légale, qui ne prive l'EURL Bec d'aucune garantie de procédure prévue par la loi, doit être accueillie.

10. En outre, l'EURL BEC n'est pas fondée à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, du paragraphe 1 de l'instruction fiscale D. adm. 4 A-2523 du 9 mars 2011, reprise au paragraphe 1 de la doctrine administrative référencée BOI-BIC-PDSTK-20-20-10-20, qui ne donne pas de la loi fiscale une interprétation différente de celle dont il est fait application en l'espèce.

11. Il résulte de ce qui précède que l'EURL Bec n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent en conséquence être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de l'EURL Bec est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'EURL Bec et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Délibéré après l'audience du 18 octobre 2021 à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président,

Mme Evrard, présidente-assesseure,

Mme Lesieux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 18 novembre 2021.

5

N° 19LY02225


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY02225
Date de la décision : 18/11/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-04-02-01-04-04 Contributions et taxes. - Impôts sur les revenus et bénéfices. - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. - Bénéfices industriels et commerciaux. - Détermination du bénéfice net. - Provisions.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: Mme Sophie LESIEUX
Rapporteur public ?: Mme VINET
Avocat(s) : CABINET DURAFFOURD

Origine de la décision
Date de l'import : 30/11/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-11-18;19ly02225 ?
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