La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/11/2021 | FRANCE | N°21LY00912

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 10 novembre 2021, 21LY00912


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 11 juillet 2019 par lequel le préfet de l'Isère lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être reconduit d'office, d'enjoindre sous astreinte au préfet de l'Isère de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou de réexaminer sa situation

et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour, et de me...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 11 juillet 2019 par lequel le préfet de l'Isère lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être reconduit d'office, d'enjoindre sous astreinte au préfet de l'Isère de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou de réexaminer sa situation et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour, et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre des frais liés à l'instance.

Par un jugement n° 2004253 du 5 novembre 2020, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 23 mars 2021, M. B..., représenté par Me Marcel, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Isère du 11 juillet 2019 ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère, sous astreinte de 200 euros par jour de retard, de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", ou, à défaut, d'examiner à nouveau sa situation dans un délai d'un mois et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travailler ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le refus de titre de séjour est insuffisamment motivé ;

- il est intervenu en méconnaissance des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet de l'Isère s'est estimé en situation de compétence liée compte tenu de l'avis du collège de médecins et le tribunal a renversé la charge de la preuve, en l'absence des éléments sur lesquels s'est fondé le préfet pour estimer qu'il aurait un accès effectif à son traitement en cas de retour ;

- le refus de titre de séjour porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, eu égard à sa durée de présence en France et à son intégration ;

- il procède en outre d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle, compte tenu notamment des risques encourus en cas de retour, des soins en cours et de son intégration ;

- l'illégalité du refus de séjour entraîne, par voie d'exception, l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;

- la mesure d'éloignement est intervenue en méconnaissance du 10° de l'article L. 511­4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et procède d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français entraîne, par voie d'exception, l'illégalité de la décision fixant le pays de destination ;

- cette décision méconnaît les articles 2 et 3 de la convention européenne des droits de l'homme et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

La requête a été communiquée au préfet de l'Isère, qui n'a pas produit de mémoire en défense.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 10 février 2021.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Le Frapper, première conseillère ;

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant de République démocratique du Congo né le 29 août 1969, a déclaré être entré en France le 31 octobre 2012. Si sa demande de protection internationale a été définitivement rejetée par la Cour nationale du droit d'asile le 10 juin 2014, il a été admis au séjour pour motif médical jusqu'au 5 avril 2018. Il relève appel du jugement du 5 novembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de l'arrêté du 11 juillet 2019 du préfet de l'Isère lui refusant le renouvellement de son titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination.

Sur la légalité de l'arrêté du 11 juillet 2019 :

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, le refus de titre de séjour en litige comporte l'ensemble des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Il est, par suite, suffisamment motivé.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : / (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. (...) La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ".

4. Il résulte de ces dispositions que lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans le pays dont l'étranger est originaire et que si ce dernier y a effectivement accès. Toutefois, en vertu des règles gouvernant l'administration de la preuve devant le juge administratif, la partie qui justifie de l'avis d'un collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié et effectivement accessible dans le pays de renvoi.

5. Il ressort des pièces du dossier que le collège de médecins de l'OFII a estimé, dans un avis du 24 janvier 2019, que si l'état de santé du requérant, qui souffre notamment d'une pathologie cardio-vasculaire et d'hypertension artérielle, nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il pouvait effectivement bénéficier en République démocratique du Congo des traitements appropriés. Si M. B... produit des certificats médicaux confirmant la gravité, non contestée, de son état de santé, il ne verse au débat aucun élément de nature à remettre en cause l'avis du collège de médecins quant à la disponibilité effective de ses traitements et du suivi médical dont il bénéficie dans le pays dont il est originaire. Par suite, conformément aux règles gouvernant l'administration de la preuve devant le juge administratif, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées doit être écarté.

6. En troisième lieu, M. B... reprend en appel le moyen tiré de ce que le préfet se serait cru lié par l'avis du collège de médecins de l'OFII. Il y a lieu pour la cour d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges.

7. En dernier lieu, si M. B... était présent depuis près de sept années sur le territoire français à la date du refus de renouvellement de son titre de séjour temporaire et bénéficie d'un contrat de soutien et d'aide par le travail depuis avril 2017, il a vécu l'essentiel de son existence en République démocratique du Congo où résident encore ses parents, son épouse et ses six enfants et où il ne démontre pas encourir de risques susceptibles de faire obstacle à un éventuel retour. Par suite, bien que sa demande de regroupement familial ait été en cours d'examen, le refus de séjour en litige n'a pas porté d'atteinte disproportionnée au droit de M. B... au respect de sa vie privée et familiale, garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il ne procède pas, pour les mêmes motifs, d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire :

8. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit précédemment que le moyen dirigé contre la mesure d'éloignement et tiré, par la voie de l'exception, de l'illégalité du refus de renouvellement du titre de séjour doit être écarté.

9. En second lieu, les moyens dirigés contre l'obligation de quitter le territoire français tirés de la méconnaissance des dispositions du 10° de l'article L. 511-4, dans sa rédaction alors en vigueur, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 4, 5 et 7 du présent arrêt.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

10. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit précédemment que le moyen dirigé contre la décision fixant le pays de destination et tiré, par la voie de l'exception, de l'illégalité de la mesure d'éloignement doit être écarté.

11. En deuxième lieu, si M. B... se prévaut d'une méconnaissance des stipulations de l'article 2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en raison d'un risque d'interruption de son traitement, il ne produit aucun élément de nature à corroborer l'existence d'un tel risque, compte tenu de ce qui a été dit précédemment quant à la disponibilité effective de ses traitements en République démocratique du Congo. Par suite, ce moyen doit être écarté.

12. En dernier lieu, M. B... ne produit aucun élément probant au soutien du récit peu circonstancié des risques qu'il estime encourir en cas de retour en République démocratique du Congo, en sa qualité alléguée d'ancien témoin électoral. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit, par suite, être écarté. Les circonstances familiales et médicales à nouveau invoquées par M. B... ne sont pas davantage de nature à caractériser une quelconque erreur d'appréciation dans la détermination du pays à destination duquel l'intéressé est susceptible d'être reconduit d'office.

13. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses demandes. Ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte doivent, par conséquent, être également rejetées.

Sur les frais liés au litige :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse au conseil de M. B... la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 21 octobre 2021, à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Dèche, présidente assesseure,

Mme Le Frapper, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 novembre 2021.

5

N° 21LY00912


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY00912
Date de la décision : 10/11/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Mathilde LE FRAPPER
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : MARCEL

Origine de la décision
Date de l'import : 23/11/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-11-10;21ly00912 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award