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10/11/2021 | FRANCE | N°19LY01841

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 10 novembre 2021, 19LY01841


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société civile immobilière (SCI) Les Chanterelles a demandé au tribunal administratif de Dijon de prononcer la décharge des cotisations d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre des années 2014, 2015 et 2016, ainsi que des pénalités correspondantes, et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre des frais liés au litige.

Par un jugement n° 1802497 du 2 avril 2019, le tribunal admini

stratif de Dijon a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour

Par une requête en...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société civile immobilière (SCI) Les Chanterelles a demandé au tribunal administratif de Dijon de prononcer la décharge des cotisations d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre des années 2014, 2015 et 2016, ainsi que des pénalités correspondantes, et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre des frais liés au litige.

Par un jugement n° 1802497 du 2 avril 2019, le tribunal administratif de Dijon a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 16 mai 2019 la SCI Les Chanterelles, représentée par Me Moreu, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre des années 2014, 2015 et 2016, ainsi que des pénalités correspondantes ;

3°) à titre subsidiaire, de réformer le jugement en prononçant la décharge des pénalités pour manquement délibéré ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la SCI Les Chanterelles justifiait, à la date du contrat de bail, d'un intérêt à prendre en location des locaux de la SCI AT Invest, le transfert envisagé dans ces locaux du siège social de la SAS Bejot Vins et Terroirs étant alors d'actualité ; il était logique que les actifs immobiliers soient donnés à bail à cette dernière société par le même bailleur ;

- les charges déduites de son bénéfice ayant été régulièrement comptabilisées en produits chez la SCI AT Invest, le schéma contesté par l'administration fiscale s'avère neutre sur le plan fiscal et ne peut être regardé comme ayant permis d'éluder l'impôt ;

- les pénalités pour manquement délibéré ne sont pas justifiées.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 juillet 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la SCI Les Chanterelles ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Le Frapper, première conseillère,

- les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Selon proposition de rectification contradictoire du 29 juin 2017 intervenue à l'issue d'un contrôle sur pièces portant sur les exercices 2014 à 2016, l'administration fiscale a notifié à la SCI Les Chanterelles, qui a pour activité la gestion et la location de biens immobiliers, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des trois années contrôlées ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée pour la période du 1er janvier 2014 au 30 juin 2016, assortis de pénalités de 40% pour manquement délibéré. La SCI Les Chanterelles relève appel du jugement du 2 avril 2019 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, de ces impositions supplémentaires.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

En ce qui concerne l'impôt sur les sociétés :

2. Il résulte des dispositions combinées des articles 38 et 39 du code général des impôts, applicables en matière d'impôt sur les sociétés en vertu des dispositions de l'article 209 du même code, que le bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés est celui qui provient des opérations de toute nature faites par l'entreprise, à l'exception de celles qui, en raison de leur objet ou de leurs modalités, sont étrangères à une gestion commerciale normale. Constitue un acte anormal de gestion l'acte par lequel une entreprise décide de s'appauvrir à des fins étrangères à son intérêt propre. Il appartient, en règle générale, à l'administration, qui n'a pas à se prononcer sur l'opportunité des choix de gestion opérés par une entreprise, d'établir les faits sur lesquels elle se fonde pour invoquer ce caractère anormal.

3. En l'espèce, la SCI Les Chanterelles donne en sous-location à la SA Béjot Vins et terroirs des locaux d'exploitation situés à Meursault. Par un contrat de bail de droit commun du 30 juin 2012, la SCI AT Invest a par ailleurs donné en location à la SCI Les Chanterelles, pour une durée de trois ans et un usage exclusif d'entrepôt, les caves, un bureau, et la totalité du parc, incluant un hangar à matériel, d'un ancien hôtel particulier de Beaune ayant abrité la trésorerie, en contrepartie d'un loyer annuel, soumis à la taxe sur la valeur ajoutée, de 140 400 euros hors taxes, dont l'administration fiscale a estimé qu'il présentait le caractère d'un acte anormal de gestion. Les sociétés AT Invest, Les Chanterelles et Béjot Vins et Terroirs étaient alors toutes directement ou indirectement détenues par M. ou Mme A....

4. L'existence de factures, la réalité de la dépense et l'inscription en comptabilité de ces loyers, dont la nature n'est pas remise en cause, ne sont pas discutées. L'administration établit en revanche que la SCI Les Chanterelles, qui n'est pas une société d'exploitation, n'avait pas l'utilité de locaux à usage exclusif d'entrepôt, et qu'elle n'en a retiré aucun revenu, faute d'avoir effectivement utilisé la possibilité, autorisée par la SCI AT Invest, bailleur, de les sous-louer également à la société Béjot Vins et Terroirs, de sorte que les loyers versés étaient dépourvus de toute contrepartie pour la société Les Chanterelles, qui ne le conteste d'ailleurs pas sérieusement, et ne conteste pas davantage que les loyers ont permis le financement de l'opération de promotion immobilière menée par la SCI AT Invest dans ces locaux. A supposer même qu'un projet de contrat d'architecte établi en 2010 pour l'aménagement en bureaux de l'hôtel particulier de Beaune et un projet de demande de permis de démolir du 10 février 2010 portant sur la démolition du plancher dans les combles du 1er étage et la démolition de la toiture terrasse du 1er étage justifient de la réalité à cette date d'un projet initial de sous-location à la société Béjot Vins et Terroirs pour le transfert de son siège social, la SCI Les Chanterelles ne justifie pas de l'actualité d'un tel projet à la date de signature du bail du 30 juin 2012, portant sur des caves, un hangar à matériel et un bureau à usage exclusif d'entrepôt qui ne présentaient pas davantage d'intérêt pour la société Béjot Vins et Terroirs et ne permettaient pas le transfert de son siège social compte tenu de la seule destination contractuellement autorisée. Si la SCI Les Chanterelles fait également valoir que le versement de loyers sans contrepartie a néanmoins été consenti dans son intérêt propre, au motif qu'elle escomptait percevoir une indemnité d'éviction à l'occasion de la résiliation du bail devant résulter de la cession des lots à l'issue de l'opération de promotion immobilière, il est constant que le bail du 30 juin 2012 était un bail de droit commun, et non un bail commercial, et il ne comporte aucune clause stipulant le versement d'une quelconque indemnité en cas de résiliation, la SCI Les Chanterelles ne justifiant pas non plus d'un éventuel engagement de la SCI AT Invest à lui verser amiablement une telle indemnité. L'administration fiscale apporte ainsi la preuve que le bail du 30 juin 2012 présentait le caractère d'un acte anormal de gestion, la circonstance que l'opération soit, le cas échéant, neutre sur le plan fiscal et n'ait pas eu pour objet d'éluder l'impôt à l'échelle du groupe de sociétés étant sans incidence sur l'appréciation du caractère anormal, pour la seule SCI Les Chanterelles, de l'acte de gestion litigieux. Par suite, les loyers versés dans un but étranger à une gestion commerciale normale ne constituaient pas des charges déductibles du résultat de la SCI Les Chanterelles.

En ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée :

5. Aux termes du 1 du I de l'article 271 du code général des impôts, dans sa rédaction alors en vigueur : " La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération ". En vertu du II du même article, les redevables ne peuvent opérer la déduction de la taxe que dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de leurs opérations imposables.

6. Lorsque l'administration, sur le fondement de ces dispositions, met en cause la déductibilité de la taxe ayant grevé l'acquisition d'un bien ou d'un service, il lui appartient, lorsqu'elle a mis en œuvre la procédure de redressement contradictoire et que le contribuable n'a pas accepté le redressement qui en découle, d'établir les faits sur lesquels elle se fonde pour soutenir que le bien ou le service acquis n'était pas utilisé pour les besoins de ses opérations imposables.

7. Il résulte de ce qui a été dit précédemment que l'administration a établi que la SCI Les Chanterelles, qui n'est pas une société d'exploitation, n'avait pas l'utilité de locaux à usage exclusif d'entrepôt pour les besoins de ses opérations imposables de gestion et location de biens immobiliers, et qu'elle n'a pas effectivement utilisé la possibilité, conforme à son objet social, de les sous-louer à la société Béjot Vins et Terroirs. L'administration apporte ainsi la preuve qui lui incombe que la taxe sur la valeur ajoutée afférente aux loyers exposés pour les locaux en litige est sans lien avec les opérations imposables de l'appelante et n'était pas dès lors pas déductible.

Sur les pénalités :

8. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ".

9. Pour l'application de ces dispositions, l'administration doit apporter la preuve, d'une part, de l'insuffisance, de l'inexactitude ou du caractère incomplet des déclarations, ce qui est le cas dans la présente affaire, et, d'autre part, de l'intention du contribuable d'éluder l'impôt. En l'espèce, si la seule circonstance que les trois sociétés en cause soient contrôlées par un même dirigeant et que ce dernier ait délibérément mis en œuvre un montage ayant permis le financement des investissements de la SCI AT Invest par les loyers consentis par la SCI Les Chanterelles ne permet pas de caractériser une intention délibérée d'éluder l'impôt, il résulte de la proposition de rectification que l'administration fiscale s'est également fondée, pour justifier les pénalités, sur le caractère fictif des loyers en litige, lequel suffit à établir un manquement délibéré.

10. Il résulte de tout ce qui précède que la SCI Les Chanterelles n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à la SCI Les Chanterelles la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SCI Les Chanterelles est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI Les Chanterelles et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Délibéré après l'audience du 21 octobre 2021, à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Dèche, présidente assesseure,

Mme Le Frapper, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 novembre 2021.

4

N° 19LY01841


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY01841
Date de la décision : 10/11/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Bénéfices industriels et commerciaux - Détermination du bénéfice net - Acte anormal de gestion.

Contributions et taxes - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées - Taxe sur la valeur ajoutée - Liquidation de la taxe - Déductions.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Mathilde LE FRAPPER
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : MOREU

Origine de la décision
Date de l'import : 23/11/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-11-10;19ly01841 ?
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