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09/11/2021 | FRANCE | N°21LY00219

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre, 09 novembre 2021, 21LY00219


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'arrêté non daté notifié le 27 mai 2020 par lequel le préfet de la Côte-d'Or a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2001448 du 17 décembre 2020, le tribunal administratif de Dijon a annulé cet arrêté, enjoint au préfet de la Côte-d'Or de procéder au réexamen de la situation de M. A... et

mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser à son conseil, sous réserve qu'e...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'arrêté non daté notifié le 27 mai 2020 par lequel le préfet de la Côte-d'Or a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2001448 du 17 décembre 2020, le tribunal administratif de Dijon a annulé cet arrêté, enjoint au préfet de la Côte-d'Or de procéder au réexamen de la situation de M. A... et mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser à son conseil, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la part contributive de l'Etat à sa mission d'aide juridictionnelle.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 21 janvier 2021, le préfet de la Côte-d'Or, représenté par Me Claisse, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 17 décembre 2020 ;

2°) de rejeter les conclusions de la demande de M. A....

Il soutient que :

- c'est à tort que, pour annuler l'arrêté, les premiers juges se sont fondés sur l'erreur de fait qu'il aurait commise, s'agissant de l'appréciation du comportement délictueux du demandeur ;

- aucun des moyens soulevés par l'intimé n'est fondé.

Par un mémoire enregistré le 28 juillet 2021, M. B... A..., représenté par Me Hebmann, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de l'Etat, à verser à son conseil, au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- c'est à bon droit que les premiers juges ont annulé la décision de refus de séjour en se fondant sur la méconnaissance des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision de refus de séjour est insuffisamment motivée ;

- le préfet a entaché sa décision d'un défaut d'examen et d'une erreur de droit en n'examinant pas la demande qu'il avait présentée sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il est fondé à exciper de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination.

Par décision du 21 mars 2021, le bureau d'aide juridictionnelle a accordé le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale à M. A....

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative ;

La présidente de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Besse, président-assesseur,

- et les observations de Me Martin pour le préfet de la Côte-d'Or ;

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant albanais né en 1999, est entré en France le 17 septembre 2013. Il a été confié à son oncle, à qui ses parents ont délégué l'autorité parentale, en novembre 2014. Le 19 juin 2019, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour. Par arrêté non daté notifié le 27 mai 2020, le préfet de la Côte-d'Or a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Le préfet de la Côte-d'Or relève appel du jugement du 17 décembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Dijon a annulé cet arrêté.

2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ;(...) ".

3. Il ressort des pièces du dossier que M. A..., entré en France à l'âge de quatorze ans, y résidait depuis plus de six années à la date du refus en litige. Confié à son oncle, auquel ses parents ont délégué leur autorité parentale une année après son entrée en France, il y a été scolarisé, obtenant un baccalauréat professionnel en 2018 et achevant, à la date du refus en litige, sa deuxième année de BTS en électrotechnique, avec des résultats néanmoins très contrastés. Si les faits délictueux reprochés à l'intéressé par le préfet de la Côte-d'Or, qui ont donné lieu à une admonestation par le juge des enfants, sont anciens, l'intéressé, qui est célibataire, n'est pas dépourvu d'attaches familiales en Albanie, où il a passé l'essentiel de sa vie, et où vivent ses parents et sa sœur. Dans ces conditions, et alors que l'intéressé, s'il fait valoir qu'il dispose d'une promesse d'embauche, ne démontre pas une particulière insertion dans la société française, la décision de refus de séjour ne porte pas à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et ne méconnaît pas les dispositions de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers citées au point précédent. C'est par suite à tort que les premiers juges ont annulé pour ce motif, sans d'ailleurs examiner l'ensemble des éléments de la vie privée et familiale de l'intéressé, la décision de refus de séjour.

4. Il y a lieu pour la cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par l'intimé.

5. Aux termes de l'article R. 311-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " Tout étranger, âgé de plus de dix-huit ans ou qui sollicite un titre de séjour en application de l'article L. 311-3, est tenu de se présenter, à Paris, à la préfecture de police et, dans les autres départements, à la préfecture ou à la sous-préfecture, pour y souscrire une demande de titre de séjour du type correspondant à la catégorie à laquelle il appartient./ Toutefois, le préfet peut prescrire que les demandes de titre de séjour soient déposées au commissariat de police ou, à défaut de commissariat, à la mairie de la résidence du requérant./ Le préfet peut également prescrire : 1° Que les demandes de titre de séjour appartenant aux catégories qu'il détermine soient adressées par voie postale ; (...) ".

6. Il ressort des pièces du dossier, et notamment du document produit par la préfecture de la Côte-d'Or et non utilement contredit par M. A..., qui se fonde sur des pièces postérieures à la date de la demande, qu'à la date du 17 juin 2019, jour de la demande de titre de séjour présentée par voie postale par M. A..., le préfet de la Côte-d'Or avait prescrit que soient présentées au guichet de la préfecture les demandes d'admission exceptionnelle au séjour, tandis que les premières demandes de titre de séjour " vie privée et familiale " devaient être présentées par voie postale. Toutefois, la demande de titre de séjour par laquelle M. A... avait sollicité la délivrance d'un titre de séjour " vie privée et familiale " sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et, à titre subsidiaire et pour les mêmes motifs, sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du même code, ne peut être regardée comme une demande d'admission exceptionnelle au séjour. Saisi d'une demande unique, qui a ainsi pu régulièrement être présentée par voie postale, le préfet de la Côte-d'Or devait l'examiner au regard des différents fondements invoqués. Par suite, le préfet de la Côte-d'Or, qui n'a pas examiné la demande présentée par M. A... sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a ainsi entaché d'illégalité sa décision de refus de séjour.

7. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens soulevés par l'intimé, que le préfet de la Côte-d'Or n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a annulé son arrêté notifié le 27 mai 2020 refusant de délivrer un titre de séjour à M. A... et lui faisant obligation de quitter le territoire français.

Sur les frais liés au litige :

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser à Me Hebmann, conseil de M. A..., au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, à charge pour cette dernière de renoncer au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du préfet de la Côte-d'Or est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à Me Hebmann la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve de renonciation à percevoir la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à M. B... A... et à Me Hebmann.

Copie en sera adressée au préfet de la Côte-d'Or.

Délibéré après l'audience du 19 octobre 2021 à laquelle siégeaient :

Mme Danièle Déal, présidente de chambre,

M. Thierry Besse, président-assesseur,

M. François Bodin-Hullin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 novembre 2021.

2

N° 21LY00219


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21LY00219
Date de la décision : 09/11/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme DEAL
Rapporteur ?: M. Thierry BESSE
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : CENTAURE AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 30/11/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-11-09;21ly00219 ?
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