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09/11/2021 | FRANCE | N°20LY02204

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre, 09 novembre 2021, 20LY02204


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 21 septembre 2018 par lequel le maire de Chambéry a refusé de lui délivrer un permis de construire un immeuble collectif d'habitation.

Par un jugement n° 1807632 du 9 juin 2020, le tribunal administratif de Grenoble a annulé ce refus et a enjoint à la commune de Chambéry de délivrer à M. A... le permis de construire demandé dans un délai de deux mois.

Procédure devant la cour

Par une requête et un m

émoire en réplique enregistrés le 5 août 2020 et le 31 mai 2021, la commune de Chambéry, représe...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 21 septembre 2018 par lequel le maire de Chambéry a refusé de lui délivrer un permis de construire un immeuble collectif d'habitation.

Par un jugement n° 1807632 du 9 juin 2020, le tribunal administratif de Grenoble a annulé ce refus et a enjoint à la commune de Chambéry de délivrer à M. A... le permis de construire demandé dans un délai de deux mois.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés le 5 août 2020 et le 31 mai 2021, la commune de Chambéry, représentée par CLDAA Avocats, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 9 juin 2020 ;

2°) de rejeter les conclusions de la demande présentée par M. A... ;

3°) de mettre à la charge de M. A... la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, le refus de permis n'est pas entaché d'erreur d'appréciation ; l'immeuble projeté ne respecte pas la forme urbaine dominante du secteur en méconnaissance de l'article UAD 1 a) du règlement du plan local d'urbanisme (PLU) de Chambéry et en méconnaissance de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme ;

- c'est à tort que les premiers juges ont écarté la demande de substitution de motif ; la démolition du bâtiment existant, une maison de ville du début du XXe siècle de belle facture et encore en bon état, méconnaît l'article L. 421-6 du code de l'urbanisme ;

- il est demandé de substituer à ces deux motifs un nouveau motif de refus tiré de la méconnaissance de l'article U12 des dispositions communes du PLU, le projet ne prévoyant pas suffisamment de places de stationnement de vélos, le dimensionnement de chaque place est inférieur à 1 m² et le local à vélos du niveau -1 n'est ni identifiable, ni signalé ;

- il est invoqué un nouveau motif de refus tiré de la méconnaissance de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme ; les accès au projets présentent un caractère de dangerosité.

Par des mémoires en défense enregistrés le 9 avril et le 27 septembre 2021, M. A..., représenté par la Selarl CDMF Avocat-Affaires publiques, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la commune.

Il fait valoir que :

- le motif initialement opposé par le maire de Chambéry pour refuser le permis de construire et tiré de la méconnaissance de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme n'est pas fondé ;

- le motif tiré de la méconnaissance de l'article L. 421-6 n'est pas fondé ;

- les demandes de substitution de motif nouvellement présentées en appel ne sont pas fondées ; s'agissant de l'article U12 du règlement, relatif aux dispositions générales du PLU, à les supposer applicables, ces dispositions sont respectées dès lors que le projet prévoit deux locaux à vélo d'une surface globale de 33,39 m² et un local à poussettes de 8,07 m² ce qui est suffisant pour accueillir les trente-trois places réservées aux vélos dans l'immeuble ; quant à la méconnaissance de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, les accès ne présentent aucun caractère de dangerosité puisqu'ils débouchent sur une zone limitée à 30 km/h et dotée de nombreux passages piétonniers.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Christine Psilakis, première conseillère,

- les conclusions de M. Jean-Simon Laval, rapporteur public

- et les observations de Me Di Nicola, substituant Me Duraz, pour la commune de Chambéry, ainsi que celles de Me Poncin pour M. A... ;

Considérant ce qui suit :

1. La commune de Chambéry relève appel du jugement du 9 juin 2020 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a annulé l'arrêté du 21 septembre 2018 par lequel son maire a refusé de délivrer à M. A... un permis de construire un immeuble à six étages sur un terrain situé au 11 rue Jules Ferry, portant permis de démolir la construction existante, et a enjoint la commune à délivrer ce permis de construire dans un délai de deux mois.

Sur la légalité de l'arrêté du 21 septembre 2018:

2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales. ". Aux termes de l'article UAD1 du règlement du PLU de Chambéry : " Sont interdites : a) les constructions qui par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, ne respectent pas le caractère de la zone tel que défini ci-dessus ou sont de nature à porter atteinte soit au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales, soit à la salubrité ou la sécurité publiques. ". Lorsque les dispositions du règlement d'un plan local d'urbanisme invoquées par le requérant ont le même objet que celles, également invoquées, d'un article du code de l'urbanisme posant les règles nationales d'urbanisme et prévoient des exigences qui ne sont pas moindres, c'est par rapport aux dispositions du règlement du plan local d'urbanisme que doit être appréciée la légalité de la décision attaquée.

3. Il ressort des pièces du dossier que le projet vise à démolir une maison en R+1+combles construite au début du XXe siècle par un immeuble en R+6 et combles totalisant vingt-quatre logements et ses stationnements. Le projet s'implante dans le secteur UAD qui se définit comme " une zone centrale aux caractéristiques de faubourg, destinée à accueillir de l'habitat, des services et des activités non nuisantes ", où " la rénovation du tissu urbain est encouragée dans le respect de la forme urbaine dominante ". Or, l'environnement proche présente, du même côté de la rue Jules Ferry, un front bâti d'immeubles de hauteur comparable, dont la construction date des années 1960 ou 1970, uniquement interrompu par les deux maisons existantes, contemporaines de la maison à démolir et situées de part et d'autre de celle-ci. Contrairement à ce que soutient la commune, ces trois maisons ne présentent aucune unité architecturale, si ce n'est qu'elles ont en commun la date de leur construction et leur gabarit modeste par rapport aux constructions voisines. Les circonstances que la construction projetée ne dispose pas de devanture commerciale, mais présente une entrée de parking, des balcons en métal, une teinte blanc cassé et grise avec des touches d'orange ainsi qu'une toiture à deux pans ne sont pas de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, lesquels se caractérisent par des immeubles d'une grande diversité de teintes et de matériaux présents en façade, avec ou sans balcons, et qui comportent peu de devantures commerciales et des entrées de parkings similaires. Par ailleurs, l'immeuble projeté comporte des pignons latéraux et aveugles de teinte blanc-cassé et grise qui permettent leur intégration dans le secteur et, dans le futur, une urbanisation en continuité du front urbain. Si la façade sur rue comporte une partie en forme de T plus sombre, cette seconde teinte ne nuit pas non plus à son intégration dans un voisinage où les façades présentent un style architectural hétéroclite. La circonstance qu'il arbore une toiture à deux pentes, faibles, n'introduit pas de rupture de perspective alors même que les immeubles de grande hauteur situés à proximité sont majoritairement dotés d'une toiture terrasse. Enfin, les places de stationnement implantées dans l'arrière-cour de l'immeuble ne sont pas visibles de la voie publique ni des constructions voisines. Si l'espace occupé par ces emplacements de stationnement réduit la végétalisation des espaces en surface à une haie en front de rue, cet agencement présente des similitudes avec celui d'autres immeubles du secteur, alors que le PLU alors en vigueur se limite à préconiser " dans la mesure du possible " une végétalisation des espaces non bâtis et que le projet est tenu de respecter les exigences du règlement en matière de places de stationnement. Le maire de Chambéry n'est ainsi pas fondé à soutenir qu'il a, en refusant le permis de construire en litige, fait une exacte application des dispositions précitées au point 2.

4. En deuxième lieu, la commune de Chambéry demande à nouveau que soit substitué au motif tiré du défaut d'insertion du projet dans son environnement, initialement opposé dans le refus en litige, le motif tiré de la méconnaissance de l'article L. 421-6 du code de l'urbanisme.

5. Aux termes du second alinéa de l'article L. 421-6 du code de l'urbanisme : " Le permis de démolir peut être refusé ou n'être accordé que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les travaux envisagés sont de nature à compromettre la protection ou la mise en valeur du patrimoine bâti ou non bâti, du patrimoine archéologique, des quartiers, des monuments et des sites ".

6. Il ressort des pièces du dossier que la demande de permis de construire présentée le 3 juillet 2018 par M. A... relativement au terrain situé 11 rue Jules Ferry était accompagnée, comme l'exigeait l'article 13 des dispositions générales du règlement du PLU de la commune, d'une demande de permis de démolir la maison du début du XXe siècle édifiée sur ce terrain. Cette construction, qui ne fait l'objet d'aucune protection particulière et dont l'environnement immédiat est hétérogène, ne présente pas un intérêt patrimonial tel que sa démolition serait de nature " à compromettre la protection ou la mise en valeur du patrimoine bâti ou non bâti, du patrimoine archéologique, des quartiers, des monuments et des sites ". Ce motif de refus procède ainsi d'une inexacte application de l'article L. 421-6 du code de l'urbanisme.

Sur les substitutions de motifs demandées nouvellement en appel :

7. L'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.

8. En premier lieu, la commune se prévaut de ce que le projet ne respecte pas les dispositions de l'article U12 des dispositions générales du PLU, lesquelles prévoient un nombre d'emplacements de vélo calculé à raison d'une place par logement de type T2, 1,5 places par logement de type T3 et T4 avec un minimum de 1 m² par emplacement.

9. Il est constant que le projet prévoit la construction de six logements de type T2, douze logements de type T3 et six logements de type T4, nécessitant selon l'article U12 des dispositions générales du règlement, applicables en l'espèce bien que l'article UAD 12 n'y renvoie pas explicitement, trente-trois emplacements de stationnement pour les vélos, à raison d'un mètre carré minimum par emplacement. Or, il ressort des pièces du dossier, notamment des plans de masse joints à la demande de permis de construire, que sont identifiés deux locaux à vélos, l'un en rez-de-chaussée, d'une superficie de 21,5 m² et l'autre au niveau -1, d'une superficie de 11,89 m². Ces deux locaux totalisent plus de 33 m² permettant le stationnement de trente-trois vélos alors même que les plans de masse n'en représentent schématiquement que quinze. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que le projet ne respecterait pas les dispositions de l'article U12 doit être écarté.

10. En second lieu, aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations. ".

11. Il ressort des pièces du dossier que les accès au bâtiment projeté débouchent sur la rue Jules Ferry, qui est une voie à double sens pourvue de larges accotements, dans une zone où la vitesse de circulation des véhicules est limitée à 30 km/h, à proximité immédiate d'un dos d'âne implanté en face des accès d'un collège. L'accès au bâtiment ne présente ainsi, compte tenu de ses caractéristiques, aucun caractère de dangerosité alors même qu'existe à quelques mètres au sud de l'accès projeté, à la jonction de la rue Jules Ferry avec la rue Pasteur, une intersection où la visibilité est moindre.

12. Il résulte de ce qui précède que la commune de Chambéry n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé le refus de permis en litige et a enjoint au maire de le délivrer à M. A....

Sur les frais d'instance :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que demande la commune de Chambéry au titre des frais qu'elle a exposés soit mise à la charge de M. A..., qui n'est pas partie perdante en appel. En revanche, il y a lieu de faire application de ces mêmes dispositions à l'encontre de la commune de Chambéry et de mettre à sa charge une somme de 2 000 euros à verser à M. A... au titre des mêmes dispositions.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la commune de Chambéry est rejetée.

Article 2 : La commune de Chambéry versera à M. A... la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié la commune de Chambéry ainsi qu'à M. B... A....

Délibéré après l'audience du 19 octobre 2021 à laquelle siégeaient :

M. Thierry Besse, président ;

M. Bodin-Hullin François, premier conseiller ;

Mme Christine Psilakis, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 novembre 2021.

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N° 20LY02204


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20LY02204
Date de la décision : 09/11/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03 Urbanisme et aménagement du territoire. - Permis de construire.


Composition du Tribunal
Président : M. BESSE
Rapporteur ?: Mme Christine PSILAKIS
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : CDMF-AVOCATS AFFAIRES PUBLIQUES

Origine de la décision
Date de l'import : 30/11/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-11-09;20ly02204 ?
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