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03/11/2021 | FRANCE | N°20LY03282

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre, 03 novembre 2021, 20LY03282


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Par une requête enregistrée sous le numéro 2003051, M. C... E... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble :

1°) d'annuler l'arrêté, en date du 20 mai 2020, par lequel le préfet de l'Isère a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office à l'expiration du délai de départ volontaire qui lui a été accordé pour exécuter l'obligation de quitter le territoire français dont il a fait l'objet le 19 septembre 2019 ;

2°) d'annuler la décision portant obliga

tion de quitter le territoire français du 20 mai 2020 ;

3°) d'enjoindre au préfet, dans un déla...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Par une requête enregistrée sous le numéro 2003051, M. C... E... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble :

1°) d'annuler l'arrêté, en date du 20 mai 2020, par lequel le préfet de l'Isère a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office à l'expiration du délai de départ volontaire qui lui a été accordé pour exécuter l'obligation de quitter le territoire français dont il a fait l'objet le 19 septembre 2019 ;

2°) d'annuler la décision portant obligation de quitter le territoire français du 20 mai 2020 ;

3°) d'enjoindre au préfet, dans un délai d'un mois, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour, ou à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation, et dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour.

Par une requête enregistrée sous le numéro 2003052, Mme D... E... B..., a demandé au tribunal administratif de Grenoble :

1°) d'annuler l'arrêté, en date du 20 mai 2020, par lequel le préfet de l'Isère a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office à l'expiration du délai de départ volontaire qui lui a été accordé pour exécuter l'obligation de quitter le territoire français dont elle a fait l'objet le 19 septembre 2019 ;

2°) d'annuler la décision portant obligation de quitter le territoire français du 20 mai 2020 ;

3°) d'enjoindre au préfet, dans un délai d'un mois, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour, ou à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation, et dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour.

Par une requête, enregistrée sous le numéro 2004378, M. C... E... B..., a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté, en date du 2 juillet 2020, notifié le 4 août 2020 à 10 heures 14, par lequel le préfet de l'Isère l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours, en lui faisant obligation de se présenter au commissariat de police les mardi et jeudi à 10 heures 00.

Par une requête, enregistrée sous le numéro 2004384, Mme D... E... B..., a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté, en date du 2 juillet 2020, notifié le 4 août 2020 à 10 heures 14, par lequel le préfet de l'Isère l'a assignée à résidence pour une durée de quarante-cinq jours, en lui faisant obligation de se présenter au commissariat de police les mardi et jeudi à 10 heures 00.

Par un jugement n°s 2003051-2003052-2004378-2004384 du 14 août 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 9 novembre 2020, M. et Mme E... B..., représentés par Me Huard, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 14 août 2020 du tribunal administratif de Grenoble ;

2°) d'annuler les arrêtés, en date du 20 mai 2020, par lesquels le préfet de l'Isère a fixé le pays à destination duquel ils pourront être reconduits d'office à l'expiration du délai de départ volontaire qui leur a été accordé pour exécuter l'obligation de quitter le territoire français dont ils ont fait l'objet le 19 septembre 2019 ;

3°) d'annuler les décisions portant obligation de quitter le territoire français du 20 mai 2020 ;

4°) d'annuler les arrêtés, en date du 2 juillet 2020, par lesquels le préfet de l'Isère les a assignés à résidence pour une durée de quarante-cinq jours, en leur faisant obligation de se présenter au commissariat de police les mardi et jeudi à 10 heures 00 ;

5°) d'enjoindre au préfet, dans un délai d'un mois, à titre principal, de leur délivrer un titre de séjour, ou à titre subsidiaire, de réexaminer leur situation, et dans l'attente, de leur délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

6°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à leur conseil sur le fondement de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.

M. et Mme E... B... soutiennent que :

- s'agissant des arrêtés du 20 mai 2020 :

- le tribunal administratif a commis une erreur de droit, dès lors que contrairement à ce qui est affirmé, les arrêtés litigieux ont pour effet de faire naître une nouvelle obligation de quitter le territoire français à leur encontre ;

- le préfet, qui a donc fixé le pays de destination, a adopté une nouvelle obligation de quitter le territoire français sans qu'ils puissent formuler d'observations ;

- les arrêtés méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et sont entachés d'erreur manifeste d'appréciation ;

- s'agissant des arrêtés du 2 juillet 2020 :

- ils sont insuffisamment motivés en fait puisqu'il n'est pas constaté par la préfecture que leur éloignement demeure une perspective raisonnable ;

- dès lors que le tribunal considère que leur éloignement demeure une perspective raisonnable, il commet une erreur de droit et une erreur manifeste d'appréciation.

- l'ensemble des moyens de première instance présentés à l'encontre des décisions fixant le pays de destination et portant obligation de quitter le territoire français doivent être repris, à savoir que ces décisions ne sont pas suffisamment motivées, que ces décisions ont été prises en méconnaissance de leur droit à être entendu, composante du principe général du droit de l'Union européenne garantissant les droits de la défense et le droit à une bonne administration, que ces décisions méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, et sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation ;

- l'ensemble des moyens de première instance présentés à l'encontre des décisions portant assignation à résidence doivent être repris, à savoir que les mesures sont insuffisamment motivées, qu'elles sont entachées d'un défaut d'examen de leur situation et d'un défaut de base légale ; elles méconnaissent les dispositions de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et que les mesures sont disproportionnées.

Le préfet de l'Isère, auquel la requête a été communiquée, n'a pas produit de mémoire.

M. et Mme E... B... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 28 octobre 2020.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Fédi, président-assesseur.

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme E... B..., de nationalité congolaise, sont entrés irrégulièrement en France, respectivement le 15 janvier 2013 et le 31 décembre 2014, selon leurs déclarations. Ils se sont mariés à Grenoble le 18 avril 2015, et ont donné naissance à deux enfants. A... 2011, Mme E... B... s'est vu reconnaitre la qualité de réfugiée par la Belgique. M. E... B... a, pour sa part, bénéficié le 19 février 2016 d'un titre de séjour en France en raison de son état de santé, renouvelé le 8 avril 2017. Par deux arrêtés du 19 et du 20 septembre 2019, le préfet de l'Isère a refusé à M. et Mme E... B... de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de leur éloignement. Par deux jugements du 10 février 2020, le tribunal administratif de Grenoble a annulé les décisions fixant le pays de renvoi contenu dans ces arrêtés, et a rejeté le surplus des conclusions présenté par les intéressés. Par deux arrêtés du 20 mai 2020, le préfet de l'Isère a adopté à l'encontre du couple, chacun en ce qui le concerne, une nouvelle décision fixant le pays de renvoi. Puis par deux arrêtés du 2 juillet 2020, le préfet a également assigné à résidence les conjoints en leur faisant obligation de se présenter au commissariat de police les mardi et jeudi à 10 heures 00. M. et Mme E... B... relèvent appel du jugement du tribunal administratif de Grenoble du 14 août 2020 qui a rejeté leurs demandes d'annulation.

Sur la légalité des arrêtés du 20 mai 2020 :

2. M. et Mme E... B... soutiennent que le tribunal, en annulant seulement la décision fixant le pays de renvoi sans annuler la décision portant obligation de quitter le territoire français, a commis une erreur de droit en méconnaissance du droit de l'Union européenne, dès lors que la décision portant obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de destination ne forment en réalité qu'une seule décision, l'obligation de retour ne pouvant se concevoir sans l'identification d'une destination, et l'annulation d'une décision fixant le pays de destination ayant nécessairement pour effet d'entrainer l'annulation de la décision portant éloignement. Toutefois, la décision fixant le pays de renvoi constitue, en vertu des dispositions du premier alinéa de l'article L. 513-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, une décision distincte de l'obligation de quitter le territoire français, qui fait d'ailleurs l'objet d'une motivation spécifique. Par suite, l'éventuelle illégalité de la décision fixant le pays de renvoi étant sans incidence sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français, l'annulation de la décision fixant le pays de renvoi ne peut avoir ni pour effet d'entrainer l'annulation de la décision portant éloignement, ni de faire naître une nouvelle obligation de quitter le territoire français à l'encontre des requérants, lesquels ne peuvent utilement se prévaloir de la circonstance, au demeurant non démontrée, que leur droit à être entendu n'aurait pas été respecté.

3. En se bornant à produire devant le tribunal administratif la copie de la demande de titre de séjour que M. E... B... avait déposée en Belgique par le biais de son avocat et à produire, en appel, une attestation de son avocat belge reconnaissant s'être occupé des démarches en vue d'une régularisation en Belgique, les appelants n'établissent pas que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble aurait entaché son jugement d'une erreur manifeste d'appréciation en écartant le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

4. M. et Mme E... B... réitèrent en appel, sans les assortir d'éléments nouveaux, les moyens tirés du défaut de motivation, de la méconnaissance de leur droit à être entendu et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et de l'erreur manifeste d'appréciation. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus à bon droit par le premier juge.

Sur la légalité des arrêtés du 2 juillet 2020 :

5. Aux termes des dispositions de l'article L. 561-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicables aux assignations à résidence prononcées sur le fondement de l'article L. 561-2 : " La décision d'assignation à résidence est motivée (...) L'étranger astreint à résider dans les lieux qui lui sont fixés par l'autorité administrative doit se présenter périodiquement aux services de police ou aux unités de gendarmerie (...) ". Aux termes de l'article L. 561-2 du même code : " I. - L'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, lorsque cet étranger : (...) 5° Fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n'a pas été accordé (...) ".

6. M. et Mme E... B... soutiennent que, dès lors que le tribunal a considéré que leur éloignement demeurait une perspective raisonnable, il a commis une erreur de droit et une erreur manifeste d'appréciation. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier, qu'en dépit de la crise sanitaire actuelle, l'éloignement des requérants vers tous pays où ils seraient légalement admissibles, à l'exception de la République Démocratique du Congo, et notamment la Belgique, ne demeurerait pas une perspective raisonnable. En outre, M. et Mme E... B... ne démontrent pas que M. E... B... ne serait pas susceptible d'être légalement admissible en Belgique, où son épouse bénéficie du statut de réfugié.

7. M. et Mme E... B... réitèrent en appel, sans les assortir d'éléments nouveaux, les moyens tirés du défaut de motivation, du défaut d'examen de leur situation, du défaut de base légale des arrêtés, de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de la disproportion de la mesure. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus à bon droit par le premier juge.

8. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme E... B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme E... B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme C... et D... E... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 12 octobre 2021, à laquelle siégeaient :

M. Jean-Yves Tallec, président de chambre,

M. Gilles Fédi, président-assesseur,

Mme Sophie Corvellec, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 novembre 2021.

6

N° 20LY03282


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY03282
Date de la décision : 03/11/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. TALLEC
Rapporteur ?: M. Gilles FEDI
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : HUARD

Origine de la décision
Date de l'import : 23/11/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-11-03;20ly03282 ?
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