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03/11/2021 | FRANCE | N°19LY04670

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre, 03 novembre 2021, 19LY04670


Vu les procédures suivantes :

Procédure contentieuse antérieure

Mme C... D... et M. A... B... ont demandé au tribunal administratif de Lyon :

1°) de condamner l'Etat à leur verser la somme de 500 632 euros en réparation des conséquences dommageables résultant de la pollution au plomb de leur terrain, assortie des intérêts au taux légal et capitalisés ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1708503 du 31 octobre 2019, le tribunal ad

ministratif de Lyon a condamné l'Etat à verser à Mme D... et à M. B... une somme de 30 000 eu...

Vu les procédures suivantes :

Procédure contentieuse antérieure

Mme C... D... et M. A... B... ont demandé au tribunal administratif de Lyon :

1°) de condamner l'Etat à leur verser la somme de 500 632 euros en réparation des conséquences dommageables résultant de la pollution au plomb de leur terrain, assortie des intérêts au taux légal et capitalisés ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1708503 du 31 octobre 2019, le tribunal administratif de Lyon a condamné l'Etat à verser à Mme D... et à M. B... une somme de 30 000 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 11 juillet 2016, eux-mêmes capitalisés à compter du 11 juillet 2017 puis à chaque échéance annuelle, outre une somme de 1 400 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et a rejeté le surplus des conclusions de la requête.

Procédures devant la cour

I°) Par une requête enregistrée le 20 décembre 2019 sous le numéro 19LY04670, le ministre de l'économie et des finances demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 31 octobre 2019 ;

2°) de rejeter la demande de Mme D... et de M. B....

Il soutient que, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, la pollution de la propriété de Mme D... et de M. B... est imputable à la seule activité de traitement opérée par la fonderie précédemment en activité et, étant étrangère à des activités minières, ne peut engager la responsabilité de l'Etat sur le fondement de l'article L. 155-3 du code minier.

Par un mémoire en défense enregistré le 6 février 2020, Mme D... et M. B..., représentés par Me Bertrand-Hebrard, avocate, concluent au rejet de la requête et demandent à la cour, par la voie de l'appel incident :

1°) de réformer ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 31 octobre 2019, en tant qu'il a rejeté le surplus de leur demande indemnitaire ;

2°) de condamner l'Etat à leur verser la somme supplémentaire de 455 632 euros, augmentée des intérêts au taux légal et de la capitalisation de ces intérêts à compter du 11 juillet 2017 puis à chaque échéance annuelle ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la requête d'appel du ministre en charge de l'économie est irrecevable, dès lors qu'il ne justifie pas être le ministre intéressé, au sens de l'article L. 811-10 du code de justice administrative et que l'auteur de cette requête ne justifie pas être compétent pour la signer ;

- subsidiairement, le moyen soulevé n'est pas fondé ;

- la pollution de leur propriété leur cause un préjudice immobilier qui doit être évalué à 432 632 euros, ainsi qu'un préjudice matériel tenant aux frais nécessaires à leur déménagement, qui doit être évalué à 20 000 euros.

Par un mémoire enregistré le 30 juin 2020, le ministre de l'économie et des finances conclut aux mêmes fins que précédemment par les mêmes moyens et demande en outre à la cour de rejeter les conclusions présentées par la voie de l'appel incident par Mme D... et M. B....

Il expose que la requête d'appel est recevable, que les moyens soulevés à l'appui des conclusions incidentes ne sont pas fondés et s'en rapporte à ses observations en défense formulées dans l'instance numéro 19LY04714.

Par ordonnance du 22 janvier 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 12 mars 2021.

Un mémoire a été produit le 5 mai 2021 pour Mme D... et M. B... et n'a pas été communiqué.

II°) Par une requête enregistrée le 23 décembre 2019 sous le numéro 19LY04714, Mme D... et M. B..., représentés par Me Bertrand-Hebrard, avocate, demandent à la cour :

1°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Lyon du 31 octobre 2019, en tant qu'il a rejeté le surplus de leur demande indemnitaire ;

2°) de condamner l'Etat à leur verser la somme supplémentaire de 455 632 euros, augmentée des intérêts au taux légal et de la capitalisation de ces intérêts à compter du 11 juillet 2017, puis à chaque échéance annuelle ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que la pollution de leur propriété leur cause un préjudice immobilier qui doit être évalué à 432 632 euros, ainsi qu'un préjudice matériel tenant aux frais nécessaires à leur déménagement, qui doit être évalué à 20 000 euros.

Par un mémoire en défense enregistré le 14 février 2020, le ministre de l'économie et des finances conclut au rejet de la requête et demande à la cour, par la voie de l'appel incident :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 31 octobre 2019 ;

2°) de rejeter la demande de Mme D... et de M. B....

Il expose que :

- contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, la pollution de la propriété de Mme D... et de M. B... est imputable à la seule activité de traitement opérée par la fonderie précédemment en activité et, étant étrangère à des activités minières, ne peut engager la responsabilité de l'Etat sur le fondement de l'article L. 155-3 du code minier ;

- l'article L. 155-6 du code minier n'est pas applicable, la pollution ne résultant pas d'affaissements ou d'effondrements ;

- le montant des préjudices allégués n'est pas justifié.

Par un mémoire enregistré le 4 juin 2020, Mme D... et M. B... concluent aux mêmes fins que précédemment par les mêmes moyens et demandent, en outre, à la cour de rejeter les conclusions présentées par la voie de l'appel incident par le ministre de l'économie et des finances.

Ils exposent que le moyen soulevé par le ministre de l'économie et des finances à l'appui de ses conclusions incidentes n'est pas fondé.

Par ordonnance du 22 janvier 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 12 mars 2021.

Un mémoire a été produit le 5 mai 2021 pour Mme D... et M. B... et n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code minier ;

- le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 ;

- le décret n° 2017-1078 du 24 mai 2017 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Sophie Corvellec, première conseillère,

- les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public,

- et les observations de Me Ferron, avocate, représentant Mme D... et M. B... ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme D... et M. B... sont propriétaires de parcelles comprenant deux bâtiments dont leur résidence principale, situées dans le périmètre d'une ancienne concession minière au lieu-dit " Les Gouttes " , sur le territoire de la commune de Les Salles. Par courrier du 6 juillet 2016, ils ont sollicité l'indemnisation des préjudices causés par la pollution au plomb de leur propriété. Leur demande ayant d'abord été implicitement rejetée, puis jugeant insuffisante la proposition du préfet de la Loire de réaliser des travaux de réhabilitation formulée par courrier du 4 mai 2018, Mme D... et M. B... ont saisi le tribunal administratif de Lyon d'une requête aux mêmes fins, en sollicitant la condamnation de l'Etat à leur verser une somme de 500 632 euros. Par un jugement du 31 octobre 2019, le tribunal administratif de Lyon a reconnu la responsabilité de l'Etat sur le fondement de l'article L. 155-3 du code minier et l'a condamné à verser aux intéressés une somme de 30 000 euros en réparation des troubles subis dans leurs conditions d'existence et dans la jouissance de leur bien. Par une première requête enregistrée sous le numéro 19LY04670, le ministre de l'économie et des finances a relevé appel de ce jugement. Par la voie de l'appel incident, Mme D... et M. B... ont sollicité la réformation de ce jugement en ce qu'il rejette le surplus de leurs conclusions indemnitaires. Ils ont présenté les mêmes conclusions par une requête distincte enregistrée sous le numéro 19LY04714, en réponse à laquelle le ministre de l'économie et des finances a réitéré les conclusions de sa requête, par la voie de l'appel incident.

2. Les requêtes susvisées de Mme D... et M. B... et du ministre de l'économie et des finances sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur la recevabilité de la requête du ministre de l'économie et des finances :

3. En premier lieu, aux termes de l'article R. 811-10 du code de justice administrative : " Devant la cour administrative d'appel, (...) les ministres intéressés présentent devant la cour administrative d'appel les mémoires et observations produits au nom de l'Etat. Les ministres peuvent déléguer leur signature dans les conditions prévues par la réglementation en vigueur ". Selon l'article 1er du décret du 24 mai 2017 relatif aux attributions du ministre de l'économie et des finances : " I. - Le ministre de l'économie et des finances prépare et met en œuvre la politique du Gouvernement (...) en matière d'industrie (...). II. - Au titre des responsabilités définies au I, le ministre de l'économie et des finances est compétent pour : (...) - la politique des matières premières et des mines (...) " ;

4. Contrairement à ce que prétendent Mme D... et M. B..., le ministre de l'économie et des finances, qui est en charge de la politique des mines, doit être regardé comme le ministre intéressé, au sens des dispositions de l'article R. 811-10 du code de justice administrative, par le jugement attaqué qui engage la responsabilité de l'Etat au titre du code minier. Il est, par suite, compétent pour relever appel de ce jugement au nom de l'Etat.

5. En second lieu, aux termes de l'article 1er du décret du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du gouvernement : " A compter du jour suivant la publication au Journal officiel de la République française de l'acte les nommant dans leurs fonctions ou à compter du jour où cet acte prend effet, si ce jour est postérieur, peuvent signer, au nom du ministre ou du secrétaire d'Etat et par délégation, l'ensemble des actes, à l'exception des décrets, relatifs aux affaires des services placés sous leur autorité : (...) 2° Les (...) sous-directeurs (...) ".

6. La requête enregistrée sous le numéro 19LY04670 a été présentée au nom de l'Etat par M. E..., qui, en qualité de sous-directeur du droit des régulations économiques, avait régulièrement délégation à cette fin dès le jour suivant la publication de sa nomination dans ces fonctions au Journal Officiel de la République Française du 27 septembre 2017, en application des dispositions précitées.

7. Les fins de non-recevoir opposées en défense par Mme D... et M. B... ne peuvent dès lors être accueillies.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

8. Aux termes de l'article L. 155-3 du code minier : " L'explorateur ou l'exploitant ou, à défaut, le titulaire du titre minier est responsable des dommages causés par son activité. Il peut s'exonérer de sa responsabilité en apportant la preuve d'une cause étrangère. (...) En cas de disparition ou de défaillance du responsable, l'Etat est garant de la réparation des dommages causés par son activité minière (...) ". Ces dispositions ouvrent aux victimes de dommages causés par l'activité minière une action contre l'explorateur, l'exploitant ou le titulaire du titre minier et, à titre subsidiaire, contre l'Etat en cas de disparition ou de défaillance du responsable, en cas de dommages causés à des immeubles après affaissement ou accident minier.

9. Il résulte de l'instruction que la propriété de Mme D... et de M. B..., au sein de laquelle une forte pollution au plomb a été identifiée en 2014, est située au droit d'une ancienne fonderie, en activité de 1728 à 1844, où étaient lavés et traités, notamment par traitement thermique, les minerais extraits des mines de Champoly et Grézolles, éloignées de quelques kilomètres, afin de produire du vernis à poterie et du plomb. L'étude menée par le groupement d'intérêt public Geoderis a, dans un rapport du 7 août 2015, abouti à la conclusion que la pollution constatée dans la propriété des intéressés, en particulier dans leur cave et en bordure de leur résidence, est issue de suies, poussières et cendres générées par l'activité de la fonderie, notamment par le traitement thermique et la méthode de grillage qui y étaient mis en œuvre, et constituant donc des résidus de cette activité. Mme D... et M. B... ne sauraient dès lors se prévaloir d'une fiche du secteur d'information des sols dans sa version annexée à un arrêté préfectoral du 3 juillet 2019, faisant état, sur leurs parcelles, de remblais composés de " stériles miniers ", celle-ci étant manifestement contredite par le rapport de 2015 et ayant depuis été corrigée pour faire désormais état de " résidus de fonderie d'exploitation du plomb ".Il en résulte , ainsi que le soutient le ministre de l'économie et des finances, que la pollution ainsi relevée n'est pas imputable à une activité minière, au sens de l'article L. 155-3 du code minier, mais à une activité industrielle distincte, relevant de la législation relative aux installations classées pour la protection de l'environnement, sans que Mme D... et M. B... ne puissent utilement se prévaloir d'un rapport de 2011 consacré à l'indemnisation des dégâts miniers, dépourvu de valeur contraignante. Au surplus, cette pollution n'est pas davantage due à un affaissement ou à un accident minier, seuls susceptibles de justifier la mise en œuvre de la responsabilité prévue par l'article L. 155-3 du code minier. Par suite, la pollution constatée dans la propriété de Mme D... et M. B... n'était pas de nature à engager la responsabilité de l'Etat sur le fondement de ces dispositions.

10. Il suit de là que le ministre de l'économie et des finances est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Lyon s'est fondé sur l'article L. 155-3 du code minier pour engager sa responsabilité.

11. Mme D... et M. B... n'ont invoqué aucun autre fondement de responsabilité dont la cour se trouverait saisie par l'effet dévolutif.

12. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'économie et des finances est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a condamné l'Etat à verser 30 000 euros à Mme D... et à M. B... et que ces derniers ne sont pas fondés à demander la réformation de ce jugement afin que la condamnation de l'Etat soit portée à une somme totale de 485 632 euros.

Sur les frais liés au litige :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par Mme D... et M. B....

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lyon du 31 octobre 2019 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme D... et M. B... devant le tribunal administratif de Lyon et leurs conclusions présentées en appel dans les requêtes n° 19LY04670 et n° 19LY04714 sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie et des finances, à M. A... B... et à Mme C... D....

Délibéré après l'audience du 12 octobre 2021, à laquelle siégeaient :

M. Jean-Yves Tallec, président de chambre,

M. Gilles Fédi, président-assesseur,

Mme Sophie Corvellec, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 novembre 2021.

4

Nos 19LY04670-19LY04714


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY04670
Date de la décision : 03/11/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Mines et carrières - Mines.

Mines et carrières - Règles de procédure contentieuse spéciales.


Composition du Tribunal
Président : M. TALLEC
Rapporteur ?: Mme Sophie CORVELLEC
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : BERTRAND HEBRARD

Origine de la décision
Date de l'import : 23/11/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-11-03;19ly04670 ?
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