Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
L'association Fédération Rhône Alpes de protection de la nature et de l'environnement - section Ardèche a demandé au tribunal administratif de Lyon :
1°) d'annuler l'arrêté du 21 juin 2017 par lequel le préfet de l'Ardèche a autorisé, au titre de l'article L. 214-3 du code de l'environnement, la création d'une zone artisanale au lieudit " Chamboulas " sur le territoire de la commune d'Ucel ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1707647 et 1708238 du 28 mars 2019, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 28 mai 2019, l'association Fédération Rhône Alpes de protection de la nature et de l'environnement - section Ardèche, représentée par Me Posak, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 28 mars 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 21 juin 2017 par lequel le préfet de l'Ardèche a autorisé, au titre de l'article L. 214-3 du code de l'environnement, la création d'une zone artisanale au lieudit " Chamboulas " sur le territoire de la commune d'Ucel ;
3°) d'ordonner, dans un délai que la Cour fixera, le démantèlement de la zone d'activités de Chamboulas (commune d'Ucel) et la remise en l'état initial ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'étude d'impact et, par voie de conséquence, l'enquête publique sont insuffisantes ;
- les travaux sont incompatibles au regard des prescriptions du Sdage Rhône-Méditerranée-Corse.
Par un mémoire en défense, enregistré le 17 décembre 2019, la communauté de communes du bassin d'Aubenas, représentée par Me Petit :
1°) conclut au rejet de la requête ;
2°) et demande qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de l'association Fédération Rhône Alpes de protection de la nature et de l'environnement - section Ardèche sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que les moyens présentés par l'association ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 8 octobre 2021, la ministre de la transition écologique conclut au rejet de la requête.
La ministre de la transition écologique fait valoir que les moyens présentés par l'association ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Fédi, président-assesseur,
- les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public,
- et les observations de Me Posak, représentant la Fédération Rhône Alpes de protection de la nature et de l'environnement - section Ardèche et de Me Roux, représentant la communauté de communes du bassin d'Aubenas.
Une note en délibéré présentée par l'association Fédération Rhône Alpes de protection de la nature et de l'environnement - section Ardèche a été enregistrée le 18 octobre 2021.
Considérant ce qui suit :
1. Dans le cadre d'un projet de réalisation d'une zone d'activités sur le territoire de la commune d'Ucel, située en rive gauche de la rivière Ardèche, à proximité du lieu-dit " Chamboulas ", d'une superficie d'environ cinq hectares, dont environ deux hectares dans un champ d'expansion des crues de la rivière Ardèche, et dans le but de soustraire à la crue centennale les deux hectares situés dans le champ d'expansion des crues de l'Ardèche, l'aménagement de cette zone d'activités a nécessité la réalisation de travaux de remblaiement. Par un arrêté du 14 mai 2002, le préfet de l'Ardèche a autorisé, au titre de l'article L. 214-3 du code de l'environnement, la réalisation de la zone artisanale dite de " Chamboulas " à Ucel, qui comportait la mise en place d'une plateforme de remblai d'une surface de 3 hectares et d'un volume total de 66 700 m3, sur la route départementale 578 bis et de 34 700 m3 dans le lit majeur de l'Ardèche. Cette autorisation a été annulée par un arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 25 septembre 2007, confirmé par une décision du Conseil d'Etat du 17 mars 2010. Par un jugement n° 1005189 du 13 décembre 2012, le tribunal administratif de Lyon a mis en demeure la communauté de communes du Pays d'Aubenas-Vals de déposer une demande d'autorisation afin de régulariser, avant le 30 juin 2013, les travaux entrepris dans le cadre de l'aménagement de la zone d'activités de Chamboulas. Cette collectivité a alors déposé en juin 2013 un dossier de demande comprenant notamment de nouvelles mesures compensatoires. A la suite de l'enquête publique, qui s'est déroulée entre les 17 octobre et 18 novembre 2016, le commissaire enquêteur a rendu son rapport, daté du 18 décembre 2016, avec des conclusions défavorables. L'association Fédération Rhône Alpes de protection de la nature et de l'environnement - section Ardèche a demandé d'annuler l'arrêté du 21 juin 2017 par lequel le préfet de l'Ardèche a autorisé, au titre de l'article L. 214-3 du code de l'environnement, la création d'une zone artisanale au lieudit " Chamboulas " sur le territoire de la commune d'Ucel. Le tribunal administratif de Lyon a rejeté la demande de l'association par un jugement du 28 mars 2019 dont elle relève appel.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne les insuffisances de l'étude d'impact lors de l'enquête publique :
2. Aux termes de l'article L. 122-3 de code dispose que : " Le contenu de l'étude d'impact, qui comprend au minimum une description du projet, une analyse de l'état initial de la zone susceptible d'être affectée et de son environnement, l'étude des effets du projet sur l'environnement ou la santé humaine, y compris les effets cumulés avec d'autres projets connus, les mesures proportionnées envisagées pour éviter, réduire et, lorsque c'est possible, compenser les effets négatifs notables du projet sur l'environnement ou la santé humaine ainsi qu'une présentation des principales modalités de suivi de ces mesures et du suivi de leurs effets sur l'environnement ou la santé humaine. / L'étude d'impact présente également une description des principales solutions de substitution qui ont été examinées par le maître d'ouvrage et une indication des principales raisons de son choix, eu égard aux effets sur l'environnement ou la santé humaine ". Selon l'article R. 122-5 de ce code, dans sa rédaction applicable au litige : " L'étude d'impact présente : (...) 7° Les mesures prévues par le pétitionnaire ou le maître de l'ouvrage pour : -éviter les effets négatifs notables du projet sur l'environnement ou la santé humaine et réduire les effets n'ayant pu être évités ; -compenser, lorsque cela est possible, les effets négatifs notables du projet sur l'environnement ou la santé humaine qui n'ont pu être ni évités ni suffisamment réduits. S'il n'est pas possible de compenser ces effets, le pétitionnaire ou le maître d'ouvrage justifie cette impossibilité. ".
3. Les inexactitudes, omissions ou insuffisances d'une étude d'impact ne sont susceptibles de vicier la procédure et donc d'entraîner l'illégalité de la décision prise au vu de cette étude, que si elles ont pu avoir pour effet de nuire à l'information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative.
4. S'agissant de la présentation socioéconomique du projet, l'association Fédération Rhône Alpes de protection de la nature et de l'environnement - section Ardèche soutient que le rapport de présentation fait état de solutions de substitution reposant sur une extrapolation assez sommaire des coûts théoriques et manifestement surévalués, sans aucune recherche concrète des coûts réellement exposés, des surfaces effectivement construites et des disponibilités offertes dans différentes zones d'activités déjà réalisées. Toutefois, eu égard au caractère nécessairement incertain de toute évaluation en cette matière, la surestimation des données socioéconomiques relatives à l'activité économique de la zone artisanale de Chamboulas, qui tiendrait à ce que le site ne génère qu'un chiffre d'affaires de 4,5 millions d'euros pour 60 emplois et non, comme l'affirme le dossier d'enquête publique, 18 millions d'euros et 120 emplois, qui ne peut être regardée comme une volonté manifeste de tromper le public, n'a pu induire en erreur ce dernier, ni fausser les conditions d'évaluation du coût des solutions alternatives, dès lors qu'il résulte de l'instruction que le coût de la solution retenue par l'administration, qui s'élève à 2,5 millions d'euros, est très largement inférieur au coût, même surévalué à 21,7 millions d'euros, relatif à la solution de démantèlement.
5. S'agissant de l'absence de prise en compte des impacts environnementaux par rapport à l'état initial du site, l'association appelante ne peut utilement se prévaloir de la présence sur le site d'un papillon diurne, la diane (Zerynthia polyxena), qui est une espèce protégée par la convention de Berne de 1979, par les articles L. 411-1 et suivants du code de l'environnement et l'arrêté du 22 juillet 1993 fixant la liste des insectes protégés sur le territoire français métropolitain, dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction que ce papillon ait été observé lors des inventaires sur la zone d'études en litige entre 2013 et 2014.
En ce qui concerne la compatibilité de l'autorisation avec le SDAGE bassin Rhône-Méditerranée :
6. Aux termes du XI de l'article L. 212-1 du code de l'environnement : " Les programmes et les décisions administratives dans le domaine de l'eau doivent être compatibles ou rendus compatibles avec les dispositions des schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux. ". Le point 8-03 de l'objectif 8 du schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux Rhône-Méditerranée 2016-2021 dispose que : " Dans les zones inondables par débordements de cours d'eau, tout projet de remblais en zone inondable est susceptible d'aggraver les inondations : modification des écoulements, augmentation des hauteurs d'eau, accélération des vitesses au droit des remblais. Tout projet soumis à autorisation ou déclaration en application des articles L. 214-1 à L. 214-6 du code de l'environnement doit chercher à éviter les remblais en zone inondable. Si aucune alternative au remblaiement n'est possible, le projet doit respecter l'objectif de limitation des impacts sur l'écoulement des crues en termes de ligne d'eau et en termes de débit. A ce titre, il pourra notamment étudier différentes options dans son dossier de demande d'autorisation ou sa déclaration. / Tout projet de remblais soumis à autorisation ou déclaration en zone inondable - y compris les ouvrages de protection édifiés en remblais - doit être examiné au regard de ses impacts propres, mais également du risque de cumul des impacts de projets successifs, même indépendants. Ainsi tout projet de cette nature présente une analyse des impacts jusqu'à la crue de référence : vis-à-vis de la ligne d'eau ; en considérant le volume soustrait aux capacités d'expansion des crues. / En champ d'expansion des crues : lorsque le remblai se situe dans un champ d'expansion des crues, la compensation doit être totale sur les deux points ci-dessus, c'est-à-dire absence d'impact vis-à-vis de la ligne d'eau et en termes de volume soustrait aux capacités d'expansion des crues, et se faire dans la zone d'impact hydraulique du projet ou dans le même champ d'expansion de crues. La compensation en volume correspond à 100 % du volume prélevé sur le champ d'expansion de crues pour la crue de référence et doit être conçue de façon à être progressive et également répartie pour les événements d'occurrence croissante : compensation " cote pour cote ". ". Le point 8-07 du même objectif, intitulé " Restaurer les fonctionnalités naturelles des milieux qui permettent de réduire les crues et les submersions marines ", prévoit les exigences à respecter concernant les modalités d'intervention sur les ouvrages de protection.
7. Il résulte des dispositions de l'article L. 212-1 du code de l'environnement que le schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux (SDAGE), d'une part, fixe, pour chaque bassin ou groupement de bassins, les objectifs de qualité et de quantité des eaux ainsi que les orientations permettant d'assurer une gestion équilibrée et durable de la ressource en eau et, d'autre part, détermine à cette fin les aménagements et les dispositions nécessaires. Pour apprécier la compatibilité des décisions administratives avec le SDAGE, il appartient au juge administratif de rechercher, dans le cadre d'une analyse globale le conduisant à se placer à l'échelle du territoire pertinent pour apprécier les effets du projet sur la gestion des eaux, si l'autorisation ne contrarie pas les objectifs et les orientations fixés par le schéma, en tenant compte de leur degré de précision, sans rechercher l'adéquation de l'autorisation au regard de chaque orientation ou objectif particulier.
8. S'agissant des critiques liés à la pertinence de l'étude hydraulique, en se bornant à soutenir d'une part, que les études fournies sont invalides du fait de la modification du lit de l'Ardèche par la crue majeure, d'autre part, que les propositions de travaux ne répondent pas à l'exigence de compensation de l'aggravation des aléas, eu égard à l'énergie de la crue qui aggrave les risques en aval, aux incertitudes liées à l'insuffisance des données de référence des points de plus hautes eaux et des résultats de la modélisation informatique, et aux faits que la pérennité des mesures dites compensatoires ne serait pas établie, l'appelante, qui n'évoque aucune disposition précise du schéma, n'apporte aucun élément de nature à démontrer que le projet en litige serait incompatible avec le schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux Rhône-Méditerranée 2016-202, alors au surplus que ni l'autorité environnementale dans son avis du 20 décembre 2016, ni le commissaire enquêteur n'ont, à cet égard, relevé une incompatibilité.
9. S'agissant toutefois de la prétendue incompatibilité de l'autorisation avec l'orientation 8-03 du schéma, laquelle n'interdit pas l'édification de tout remblai ou la présence d'un tel ouvrage en zone inondable, mais vise seulement à " chercher à éviter les remblais en zone inondable ", les prescriptions en litige ne sauraient, du seul fait qu'elles portent sur de tels travaux, être regardées comme incompatibles avec cette orientation. En outre, l'orientation 8-07, qui concerne les seuls ouvrages de protection contre les inondations, ne peut être utilement invoquée dans le présent litige, qui ne concerne pas de tels ouvrages.
10. Il résulte de tout ce qui précède que l'association Fédération Rhône Alpes de protection de la nature et de l'environnement - section Ardèche n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par l'association Fédération Rhône Alpes de protection de la nature et de l'environnement - section Ardèche. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'association Fédération Rhône Alpes de protection de la nature et de l'environnement - section Ardèche une somme de 800 euros à verser à la communauté de communes du bassin d'Aubenas, au titre de ces mêmes dispositions.
DECIDE:
Article 1er : La requête de l'association Fédération Rhône Alpes de protection de la nature et de l'environnement - section Ardèche est rejetée.
Article 2 : L'association Fédération Rhône Alpes de protection de la nature et de l'environnement - section Ardèche versera à la communauté de communes du bassin d'Aubenas une somme de 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'association Fédération Rhône Alpes de protection de la nature et de l'environnement - section Ardèche, à la communauté de communes du bassin d'Aubenas et à la ministre de la transition écologique. Copie en sera adressée au préfet de l'Ardèche.
Délibéré après l'audience du 12 octobre 2021, à laquelle siégeaient :
M. Jean-Yves Tallec, président de chambre,
M. Gilles Fédi, président-assesseur,
Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 novembre 2021.
5
N° 19LY02002