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28/10/2021 | FRANCE | N°19LY03453

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 7ème chambre, 28 octobre 2021, 19LY03453


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Monts de la Madeleine Énergie a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 18 octobre 2017 par lequel le préfet de la Loire a refusé de lui délivrer une autorisation d'exploiter des installations de production d'énergie éolienne sur le territoire des communes de Chérier et de La Tuilière.

Par jugement n° 1801466 lu le 4 juillet 2019, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et des mémoires enregistrés les 5 sept

embre 2019 et 17 décembre 2020 (non communiqué), la société Monts de la Madeleine Énergie, représen...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Monts de la Madeleine Énergie a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 18 octobre 2017 par lequel le préfet de la Loire a refusé de lui délivrer une autorisation d'exploiter des installations de production d'énergie éolienne sur le territoire des communes de Chérier et de La Tuilière.

Par jugement n° 1801466 lu le 4 juillet 2019, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et des mémoires enregistrés les 5 septembre 2019 et 17 décembre 2020 (non communiqué), la société Monts de la Madeleine Énergie, représentée par Me Guinot, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement et l'arrêté du 18 octobre 2017 ;

2°) d'enjoindre au préfet de la Loire d'autoriser le projet, subsidiairement, de statuer de nouveau sur sa demande dans le délai de deux mois à compter de l'arrêt et sous astreinte de 250 euros par jour de retard ;

3°) de condamner l'État à lui verser une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal ne pouvait procéder à la substitution de motif demandée dès lors que le site du Gîtes de Laprugne a fait l'objet d'une étude d'incidence et que cette substitution l'a privée d'une garantie qui lui aurait permis de modifier son dossier en conséquence ;

- le projet en litige est insusceptible de porter atteinte à la qualité des eaux de la source de l'Archiret, ainsi que l'a estimé l'agence régionale de santé ;

- les éoliennes projetées s'intègrent aux paysages environnants et ne portent atteinte ni aux sites inscrits à proximité ni au tourisme local ;

- le projet en litige ne méconnaît pas les articles L. 511-1 et L. 512 1 du code de l'environnement, les mesures de prévention et de réduction des risques pour l'avifaune et les chiroptères sont adaptées, ainsi que l'inspection de l'environnement et l'autorité environnementale l'ont relevé.

Par mémoire enregistré le 27 novembre 2020, la commune de Saint Just en Chevalet, la commune de Saint Priest la Prugne, le syndicat mixte des Monts de la Madeleine, le syndicat des eaux de la Bombarde, la fédération de la Loire pour la pêche et la protection du milieu aquatique, la fédération départementale des chasseurs de la Loire et l'association Bien vivre en pays d'Urfé, interviennent au soutien des conclusions de la ministre de la transition écologique.

Ils soutiennent que :

- leur intervention est recevable ;

- les moyens soulevés par la société ne sont pas fondés.

Par mémoire enregistré le 27 novembre 2020, la ministre de la transition écologique conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés et s'en rapporte à ses écritures de première instance.

Par ordonnance du 1er décembre 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 18 décembre 2020.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Djebiri, première conseillère ;

- les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public ;

- et les observations de Me Repeta, pour la société Monts de la Madeleine Énergie, ainsi que celles de Me Grisel pour l'association Bien vivre en pays d'Urfé et autres ;

Considérant ce qui suit :

1. Le 3 août 2015, la société Monts de la Madeleine Énergie a déposé une demande d'autorisation d'exploiter une installation de production d'électricité, composée de neuf aérogénérateurs et deux postes de livraison sur le territoire des communes de Chérier et La Tuilière, qu'a rejetée le préfet de la Loire, par arrêté du 18 octobre 2017 en raison de dangers ou inconvénients que présente l'installation pour la protection de la ressource en eau et des paysages, de l'insuffisance des mesures de compensation des atteintes aux espèces biologiques. Le tribunal administratif de Lyon a confirmé ce rejet en faisant droit à une substitution de motifs formée par le préfet de la Loire tirée de l'absence d'étude d'incidence sur le site Natura 2000 " contreforts et montagne bourbonnaise ". La société Monts de la Madeleine Énergie relève appel de ce jugement.

Sur les interventions volontaires :

2. Est recevable à former une intervention devant le juge du fond comme devant le juge de cassation, toute personne qui justifie d'un intérêt suffisant eu égard à la nature et à l'objet du litige. S'agissant d'un litige portant sur un refus d'autorisation délivrée au titre de la police de l'environnement, l'intérêt d'un tiers à intervenir au soutien d'une demande de maintien d'un tel refus d'autorisation doit s'apprécier compte tenu des inconvénients et dangers que présente l'installation en cause, appréciés notamment en fonction de la situation de l'intervenant et de la configuration des lieux.

3. Les machines projetées sont implantées sur le territoire du syndicat mixte des Monts de la Madeleine, et du syndicat des eaux de la Bombarde et à proximité des communes de Saint Just en Chevalet, Saint Priest la Prugne. Au regard de l'impact du projet sur leur développement, ils justifient d'un intérêt suffisant pour demander le maintien de l'arrêté en litige. L'association Bien vivre en pays d'Urfé a pour objet statutaire la défense de l'identité culturelle des paysages, la protection de l'environnement et la préservation des espaces naturels et des paysages à Saint Just en Chevalet et dans les communes environnantes, cette association justifie d'un intérêt suffisant pour intervenir dans la présence instance. La fédération départementale de chasse de la Loire et la fédération départementale pour la pêche et la protection du milieu aquatique de la Loire ont intérêt au maintien de l'arrêté du préfet de la Loire du 18 octobre 2017 eu égard à leurs rôles reconnus par les dispositions combinées des articles L. 142-1 et L. 421-5 du code de l'environnement.

4. Par suite, les interventions volontaires au soutien des conclusions de la ministre présentées le 27 novembre 2020 doivent être admises.

Sur le fond du litige :

5. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'environnement : " Sont soumis aux dispositions du présent titre (...) les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages (...), soit pour la conservation des sites et des monuments (...) ".

En ce qui concerne l'atteinte à la ressource en eau :

6. Si, à l'extérieur des périmètres rapprochés et éloignés institués en vertu de l'article L. 1321-2 du code de la santé publique, qui permettent d'interdire ou de restreindre certaines activités, l'autorité investie de la police de l'environnement peut, pour préserver les intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 précité, refuser l'autorisation d'exploiter, ou la soumettre à des prescriptions pour prévenir tout risque d'atteinte à la qualité de l'eau potable, c'est à la condition que ce risque soit caractérisé. Or, en s'appropriant les avis du commissaire enquêteur et du syndicat chargé de l'eau potable qui évoquaient l'éventualité d'une pollution par la fuite de lubrifiants, le préfet de la Loire s'est opposé par principe au projet d'équipement, en dehors de toute servitude et n'a pas caractérisé l'intensité et la nature du risque qui fondait son refus au regard des dispositions citées au point 5.

En ce qui concerne l'atteinte aux paysages :

7. Le projet doit être implanté sur les Monts de la Madeleine qui forment une grande échine arrondie, culminant à 1 155 mètres, sans ligne de crête marquée, dominant des espaces principalement couverts de bois. Il ressort du volet paysager de l'étude d'impact que la perception du projet depuis la vallée de la Renaison et le site des remparts de Cornes d'Urfé sera atténué par la distance, depuis l'église de Cherier par l'écran de l'urbanisation ceinturant l'édifice et depuis le chemin des remparts de Saint Haon le Châtel par la végétation. La circonstance que les pentes des Bois noirs soient distants de 8,5 kilomètres n'établit pas en quoi le projet porterait atteinte au paysage de ce site. Il en va de même des hameaux de Montloup, Pras et Faux, sites non protégés, distants de 5 kilomètres. Enfin le site des Hautes Chaumes situé hors zone d'étude et sur un autre massif ne peut être regardé comme concerné par le projet dont il est distant de plus de 30 kilomètres. Par suite, et ainsi que l'ont relevé les premiers juges, le motif tiré de l'atteinte aux paysages n'est pas fondé.

En ce qui concerne la protection de l'avifaune :

8. Si un risque de collision est identifié concernant les rapaces, des mesures de réduction des risques de collision sont prévues par un système d'arrêt ponctuel des machines asservi à la détection vidéo des oiseaux, mesures dont l'administration ne critique pas sérieusement l'efficacité, alors que l'étude d'impact et le rapport de l'inspection de l'environnement du 8 juin 2016 ont souligné sa pertinence. Par suite, et ainsi que l'ont relevé les premiers juges, le motif tiré de l'atteinte à l'avifaune n'est pas fondé.

9. Les motifs opposés par le préfet de la Loire dans son arrêté n'étant pas fondés, il y a lieu pour la cour d'examiner si le motif dont il demandait au tribunal la substitution, tiré de l'absence d'évaluation de la zone Natura 2000 du site des Contreforts et Montagne Bourbonnaise, anciennement dénommé site d'intérêt communautaire Gîtes de Laprugne, est fondé.

En ce concerne l'absence d'étude d'incidence sur le site Natura 2000 des Contreforts et Montagne Bourbonnaise :

10. Aux termes de l'article L. 414-4 du code de l'environnement : " (...) III. - (...) les (...) projets (...) soumis à un régime administratif d'autorisation (...) au titre d'une législation (...) distincte de Natura 2000 ne font l'objet d'une évaluation des incidences Natura 2000 que s'ils figurent : 1° Soit sur une liste nationale établie par décret en Conseil d'État (...) VI. - L'autorité chargée d'autoriser (...) la déclaration s'oppose à tout (...) projet (...) si l'évaluation des incidences requise en application des III (...) n'a pas été réalisée, si elle se révèle insuffisante ou s'il en résulte que leur réalisation porterait atteinte aux objectifs de conservation d'un site Natura 2000 ".

11. Or, l'étude d'impact réalisée en juin 2015 recensait dans les annexes consacrées à l'avifaune et aux chiroptères le site des Gîtes de Laprugne recouvrant les secteurs de la mine de fluorine du Busset et de Charrier, dénommé Contreforts et Montagne Bourbonnaise depuis son classement Natura 2000. Les espèces qui ont d'ailleurs justifié ce classement, telles que le Murin, la Barbastelle d'Europe, la Noctule commune, la Pipistrelle de Kuhl et la Pipistrelle commune, y ont été identifiées et l'impact du projet sur ces espèces, qualifié de faible et négligeable, a été pris en compte par l'étude. Dans ces conditions, le motif tiré de l'absence de prise en considération des incidences du projet sur le site des Contreforts et Montagne Bourbonnaise ne permet pas au préfet de fonder un refus d'autorisation d'exploiter, alors en outre qu'il lui aurait appartenu de le signaler au pétitionnaire afin qu'il complète utilement son dossier de demande.

12. Il résulte de ce qui précède que la société Monts de la Madeleine Énergie est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Par suite, ce jugement doit être annulé ainsi que l'arrêté du 18 octobre 2017 du préfet de la Loire.

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

13. Le présent arrêt implique nécessairement, au sens de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, que le préfet de la Loire délivre à la société Monts de la Madeleine l'autorisation d'exploiter un parc éolien composé de neuf aérogénérateurs et deux postes de livraison sur le territoire des communes de Chérier et La Tuilière assortie, le cas échéant, des prescriptions nécessaires à la protection des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement. Il y a lieu de lui adresser une injonction en ce sens et de lui impartir un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de prononcer d'astreinte.

Sur les frais liés au litige :

14. En application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, il y a lieu de mettre à la charge de l'État, partie perdante, le versement d'une somme de 1 500 euros à la société Monts de la Madeleine Énergie.

DÉCIDE :

Article 1er : L'intervention du syndicat mixte des Monts de la Madeleine, du syndicat des eaux de la Bombarde, des communes de Saint Just en Chevalet et de Saint Priest la Prugne, de l'association Bien vivre en pays d'Urfé, de la fédération départementale de la Loire pour la pêche et la protection du milieu aquatique, et de la fédération départementale des chasseurs de la Loire sont admises.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Lyon n° 1801466 lu le 4 juillet 2019 et l'arrêté du préfet de la Loire du 18 octobre 2017 refusant de délivrer à la société Monts de la Madeleine Énergie l'autorisation d'exploiter une installation terrestre de production d'énergie éolienne sur le territoire des communes de Chérier et de La Tuilière sont annulés.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de la Loire de délivrer à la société Monts de la Madeleine Énergie l'autorisation d'exploiter un parc composé de neuf éoliennes et deux postes de livraison, à Chérier et à La Tuilière assortie, le cas échéant, des prescriptions nécessaires à la protection des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement, dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'État versera à la société Monts de la Madeleine Énergie une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la société Monts de la Madeleine Énergie, à la ministre de la transition écologique, au syndicat mixte des Monts de la Madeleine, au syndicat intercommunal des eaux de la Bombarde, à la commune de Saint Just en Chevalet, à la commune de Saint Priest la Prugne, à l'association Bien vivre en pays d'Urfé, à la fédération départementale de la Loire pour la pêche et la protection du milieu aquatique et à la fédération départementale des chasseurs de la Loire.

Copie en sera adressée à la préfète de la Loire.

Délibéré après l'audience du 7 octobre 2021 à laquelle siégeaient :

M. Arbarétaz, président de chambre ;

M. Seillet, président assesseur ;

Mme Djebiri, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 octobre 2021.

N° 19LY03453 4


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY03453
Date de la décision : 28/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

44-02 Nature et environnement. - Installations classées pour la protection de l'environnement.


Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: Mme Christine DJEBIRI
Rapporteur public ?: M. CHASSAGNE
Avocat(s) : SCP LACOURTE et RAQUIN et TATAR

Origine de la décision
Date de l'import : 09/11/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-10-28;19ly03453 ?
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